Il ne fait aucun doute que l’architecture et le design sont les traits communs qui traversent toute l’œuvre de Joost Swarte. L’exposition s’ouvre sur l’une de des réalisations les plus récentes : sa contribution au scénario et au design du Musée Hergé. Le premier dessin s’intitule « Pendant ce temps-là à Louvain-La-Neuve ». L’auteur se représente alors qu’il est en train de réaliser son travail en l’honneur du créateur de Tintin. Une sorte de retour aux sources puisqu’on se souvient qu’en 1977, il organisa à Rotterdam avec Har Brok et Ernst Pommerel la première grande exposition monographique autour de l’œuvre d’Hergé, celle-là même qui produit un catalogue, De Klare Lijn, à l’origine de l’expression Ligne claire.
De la BD au design
Swarte étudia le design pendant trois ans dans une école avant de la fuir en créant, en autodidacte, des bandes dessinées. Grâce à celles-ci, le design le rattrape. Il y applique sa révolte contre les normes prédigérées, rendant hommage aux créateurs qu’il admire tout en déconstruisant les clichés du passé. Son trait vient directement de l’Underground américain mais, nostalgique de la magie des lectures de son enfance (Babar, Tintin…), il bascule vers la Ligne claire d’Hergé. L’introduction de l’exposition montre bien cette évolution stylistique avec des planches qui louchent sensiblement vers Robert Crumb, Jay Linch, Victor Moscoso, Spain Rodriguez, Art Spiegelman… Parfois au travers de l’influence de Willem, précurseur important publié dans Tante Leny Presenteert.
Petit à petit, il réinterprète les codes des années 1930 à 1950, pétris de Bauhaus, pour faire passer les symboles de son époque : Sex, Drugs and Rock ‘n Roll. Au détour d’une fenêtre, un hommage à Walt Disney, autre magicien de l’enfance. Même lorsqu’il s’adresse aux enfants, comme cette exposition avec des planches de Coton & Piston, Joost Swarte garde une touche surréaliste et absurde en décalage avec l’aspect précis et documenté du dessin. Un effet étrange s’en dégage, comme dans un rêve.
Un double théorique
Un de ses personnages importants de son œuvre, que l’on retrouve dans Swarte 30 x40 ou dans L’Art moderne (toutes ces œuvres vont être rééditées par Denoël Graphic en Septembre 2011) est le pédant professeur Anton Makassar, sorte de double théorique et ironique de Joost Swarte. C’est à lui que l’on doit l’invention du concept de « Style atome ». Il est évidemment présent aux cimaises de la Galerie des Tanneries, tout comme Jopo de Pojo qui, avec sa longue mèche noire gominée, est le miroir rock ‘n Roll de Tintin. Dans les pages de L’Art moderne que l’on voit dans cette expo, parues précédemment dans Tante Leny Presenteert, sur un scénario de Willem, on découvre, planche 13, un personnage de Dick Tracy : Mr No Face de Chester Gould, preuve de l’importance des grands classiques américains des années 1930 sur l’Underground des années 1960.
Les illustrations du Tour du monde de Ric & Claire sont plus réalistes qu’à l’ordinaire. Mais ces détours sont rares : Le dessinateur préfère en général le vide qui s’accommode mieux avec le design. Affiches et sérigraphies ne sont pas absentes, mais le clou du spectacle sont les réalisations graphiques que Swarte fit pour des commandes architecturales et de design : création d’un centre culturel à Haarlem ou d’une simple maison de ville à Amsterdam, réaménagement d’un béguinage pour des retraités, vitraux pour les éditions Glénat, jusqu’à ce fameux Musée Hergé dont il conçoit jusqu’à la signalétique des toilettes…
Une œuvre de titan qui démontre que la Ligne claire est un mouvement artistique qui a su passer harmonieusement de la bande dessinée et du papier jusque dans notre quotidien.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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