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Jun Mochizuki : "Mon tantô me donne très peu de carottes et beaucoup de coups de bâton !"

Par Arnaud Claes (L’Agence BD) le 9 novembre 2010                      Lien  
La jeune et talentueuse auteure de {Pandora Hearts}, véritable hit au Japon, nous avait accordé une interview lors de la dernière Japan Expo que nous publions à l’occasion de la parution du quatrième tome de la série. Un entretien très frais, pour ne pas dire décoiffant !
Jun Mochizuki : "Mon tantô me donne très peu de carottes et beaucoup de coups de bâton !"
Pandora Hearts T1 - Ed. Ki-Oon
© Jun Mochizuki / SQUARE ENIX CO., LTD.

Qu’est-ce qui vous a inspirée dans l’œuvre de Lewis Carroll, et comment avez-vous travaillé pour l’adapter à votre univers ?

Avant d’écrire la série Pandora Hearts que vous connaissez actuellement, j’ai dessiné un one-shot qui s’appelle aussi Pandora Hearts, dans un magazine de prépublication toujours de la maison d’édition Square Enix. Ce one-shot portait exactement le même nom que la série que vous connaissez, mais son contenu était différent. Lorsque je l’ai écrit, je voulais absolument une trame de fond que chacun puisse reconnaître facilement, et c’est comme ça que j’ai eu l’idée de choisir Alice au pays des merveilles. À partir de là, j’ai creusé un peu le sujet, et je me suis rendu compte que j’aimais beaucoup l’atmosphère de l’Angleterre victorienne ; j’ai donc décidé pour cette série longue, Pandora Hearts "n°2" en quelque sorte, de continuer à utiliser cette œuvre comme trame de fond.

Il y a des controverses entre fans, en particulier pour déterminer si le personnage d’Alice chez Lewis Carroll est à mettre en correspondance avec Oz ou avec Alice elle-même dans votre manga – même chose en ce qui concerne le lapin blanc : comment est-ce que vous voyez les choses ?

En fait, je pense que très peu de gens au Japon ont lu le livre de Lewis Carroll : tout le monde a vu le Disney, mais très peu de gens ont lu l’œuvre originale, donc il n’y a pas ce genre de controverse. Et je suis assez surprise que les fans français aient ce genre de discussions sur les correspondances entre les deux Alice, etc. Pour moi, Alice au pays des Merveilles n’est vraiment qu’une trame de fond, j’ai pris quelques éléments et je n’ai jamais eu l’intention de me placer par rapport à ce livre-là ; donc je ne me prononcerai pas sur cette question, je dirais tout simplement que les lecteurs sont libres de penser ce qu’ils veulent, et c’est tant mieux s’ils veulent discuter sur ce genre de correspondances, j’en suis heureuse.

Pandora Hearts T3 - Ed. Ki-Oon
© Jun Mochizuki / SQUARE ENIX CO., LTD.

Est-ce que le personnage d’Oz s’appelle ainsi par référence au Magicien d’Oz, et si oui dans quelle mesure cette œuvre vous a-t-elle inspirée ?

Oui, ce nom vient clairement du Magicien d’Oz, mais l’histoire n’a rien à voir avec celle du Magicien d’Oz. Pendant la conception de l’histoire de Pandora Hearts, le personnage de Oz s’appelait Til, c’était un personnage secondaire qui était là pour accompagner Gilbert, qui était alors le personnage principal. Et puis mon responsable éditorial m’a conseillé d’inverser : je l’ai fait, et là, je me suis dit, Til c’est un peu mignonet comme nom, mais cela n’a pas d’impact ; je voulais absolument un nom à deux lettres, donc j’ai décidé de l’appeler Oz, car j’aime bien cette sonorité. Après, quand j’ai proposé à mon tantô [responsable éditorial] d’introduire aussi un personnage qui s’appelle Dorothy, il m’a dit non, là tu exagères, il ne faut pas faire de parodie ! (rire)

Avez-vous le temps de lire vous-même des mangas, quelles sont les œuvres que vous aimez et les auteurs qui vous ont influencée ?

Je lis beaucoup de mangas oui, beaucoup plus que lorsque j’étais étudiante, d’abord parce que je suis libérée des contingences financières – je peux acheter autant de mangas que je veux ! –, ensuite parce que, chaque fois que j’achète un manga, je me dis que je ne fais pas ça pour mon plaisir, mais pour le travail… J’ai toujours une justification ! Sinon, je lis vraiment de tout : shônen, shôjo, seinen, je dévore tous les mangas qui sont publiés ; et puis, en lisant les mangas écrits par les autres, je me dis parfois : tiens, ça c’est une bonne idée, ça c’est plutôt à éviter – sans les nommer ! (rires) Quand j’étais petite, j’étais abonnée au magazine de prépublication Shônen Jump, et j’étais très fan de La quête de Daï (Dragon Quest) . Plus récemment, je suis une très grande fan de Arakawa Hiromu (Fullmetall Alchemist), et c’est ça qui m’a motivée pour envoyer mes planches à Square Enix.

Pandora Hearts T1 - Planche 4
© Jun Mochizuki / SQUARE ENIX CO., LTD.

Est-ce que vous envisagez vous-même de dessiner des genres très variés durant votre carrière ?

Oui, je pense que pour explorer mes possibilités techniques en tant que mangaka, c’est nécessaire, et j’aimerais toucher à tous les genres ; mais si vous me demandez quel genre j’aime actuellement, c’est plutôt la fantasy – je ne vais pas me mettre à dessiner une histoire qui se passe au Japon de nos jours à Tokyo par exemple, parce que c’est trop réel et je ne suis pas prête à dessiner ce genre de choses. Pour l’instant, je veux rester dans ce monde onirique.

Et par rapport au public visé - shônen, seinen...?

Pour ce qui concerne les tranches d’âge, je n’ai pas d’a priori, j’aimerais continuer à dessiner des mangas qui correspondent à tous les âges, même si peut-être que mon responsable éditorial, même s’il ne le dit pas, a une certaine idée du public visé ! Moi de mon côté, je ne vise pas une tranche d’âge en particulier. Pour ce qui concerne le public masculin ou féminin, j’aimerais toucher un public mixte.

Le stand de Pandora Hearts au dernier Japan Expo
Photo © Didier Pasamonik (L’Agence BD)

Tout le monde connaît le rôle des tantô dans l’élaboration d’un manga : quelle importance a le vôtre dans votre travail – est-ce plutôt un guide, ou vous donne-t-il des indications précises ?

Comment vous dire ? Je suis un peu gênée, car le tantô en question est justement derrière vous… Je dirais que c’est une grande gueule, qui dit tout ce qui lui passe par la tête ! C’est lui qui m’a appelée pour me dire que j’avais remporté le concours organisé par sa maison d’édition, Square Enix ; j’étais tellement heureuse que je lui ai dit : je viens vous voir dès demain ! Et le lendemain, quand je suis venue le voir, ç’a été une vraie douche froide, car il m’a dit : tu ne sais pas dessiner les filles, elles ne sont pas mignonnes, et puis ton style est un peu vieillot, etc. Il sait manier le bâton et la carotte, mais il me donne très peu de carottes, et beaucoup de coups de bâton ! (rires) C’est la première fois que je rencontre quelqu’un qui me tape autant sur les nerfs ! Ça soulage de le dire !! (rires)

Actuellement, plus de 10 volumes sont réalisés au Japon : combien comptez-vous réaliser de tomes, et avez-vous déjà la fin du récit en tête ?

Pour ce qui est de la longueur de la série, je pense qu’on va la terminer à 20 volumes, à peu près. Pour la fin, je n’ai pas encore de scénario définitif, mais j’ai quand même une certaine idée de la direction à prendre.

Lors de vos séances de dédicaces, vous avez souhaité être isolée sous une tente : peut-on savoir pourquoi, est-ce pour préserver le fait que vous êtes une auteure féminine de shônen ?

Non, c’est juste que je suis une grande timide, et c’est vrai que lorsqu’il y a beaucoup de monde autour de moi, je stresse ! Je serais choquée si les gens disaient : oh, c’est cette gamine qui écrit ça ?! (rires)

Pandora Hears planche 1
© Jun Mochizuki / SQUARE ENIX CO., LTD.

Malgré votre emploi du temps très chargé, est-ce que vous avez eu le temps de visiter un peu Paris, la France ? Qu’est-ce que vous pensez des Français ?

J’ai eu l’occasion de visiter le Mont Saint-Michel avant le début de Japan Expo, et j’ai adoré cet endroit, j’en ai été émerveillée. Pour ce qui concerne Paris, je n’ai pas eu le temps de visiter beaucoup, et surtout je n’ai pas pu faire de shopping, c’est un peu dommage ! Mon impression des Français : les hommes sont exactement comme je le pensais, c’est-à-dire que ce sont des gentlemen. Quand on va au restaurant, vous pensez que les hommes japonais tiendraient la porte aux femmes ? Pas du tout ! Ici, on laisse toujours passer les femmes... Par contre, les Françaises sont beaucoup plus fortes que je ne l’imaginais !

Quelle est votre opinion à propos de la loi pour la protection de la jeunesse, qui interdit toute représentation d’un corps enfantin dans sa nudité, et qui n’est pas passée mais pourrait être représentée au Parlement japonais ?

Evidemment, si cette loi passe, je serai un peu embêtée avec Pandora Hearts ! Je comprends ceux qui ont soutenu cette loi, mais je suis pour la liberté d’expression, donc je suis contre, évidemment.

Alice + Jake
© Jun Mochizuki / SQUARE ENIX CO., LTD.

(par Arnaud Claes (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Propos recueillis à Japan Expo le 4 juillet 2010 (interview réalisée avec Mangavore.fr, PlaneteBD.com et UnificationFrance.com)

Lire notre article sur l’événement Pandora Hearts à Japan Expo

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1 Message :
  • Jun Mochizuki a raison quand elle dit "Mon impression des Français : les hommes sont exactement comme je le pensais, c’est-à-dire que ce sont des gentlemen. Quand on va au restaurant, vous pensez que les hommes japonais tiendraient la porte aux femmes ? Pas du tout ! Ici, on laisse toujours passer les femmes... Par contre, les Françaises sont beaucoup plus fortes que je ne l’imaginais !". La galanterie à la française est une spécialité locale notamment dans les Ardennes qui permet aux hommes élégants de faire des ravages sans se ruiner. Qu’importe sinous sommes moins chevelus, poilus, musclés, piercés et tatoués que les p’tits jeuns d’aujourd’hui !! Car la galanterie fait partie du charme masculin. Et plus notre entourage sera vulgaire, brutal et égoïste, plus notre délicatesse fera la différence ! Cordialement

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