Robin Walter, dans son roman graphique "KZ Dora", aujourd’hui réédité, nous parle du camp de concentration de Dora situé à proximité du camp de Buchenwald, basé en Allemagne et destiné à la fabrication d’armes secrètes, les missiles V1 et V2, dans lequel fut interné de 1943 à 1945 son grand-père, Pierre Walter, résistant français.
Ce camp de concentration était destiné aux "Triangles rouges", les prisonniers politiques. Des milliers de travailleurs forcés y sont morts d’épuisement ou sous les coups de SS, pendus pour sabotage, ou encore morts de maladie ou de famine... Soixante mille hommes de toutes les nationalités connaîtront l’enfer de Dora pendant ses vingt mois d’existence, vingt mille en mourront. Les cadavres partent deux fois par semaine par camion vers le crématoire de Buchenwald, jusqu’à ce que Dora se dote d’un crématoire autonome en septembre 1944.
Basé sur le récit de son grand-père ("Notes sur mes années d’internement et de déportation" reproduit en intégralité en fin d’ouvrage), Robin Walter décrit dans cet album le destin et le point de vue de cinq personnages : un élève officier français, un jeune résistant, un SS issu des jeunesses hitlériennes, un SS d’expérience, et un scientifique allemand travaillant sur les missiles V2.
Si le camp de Dora est relativement moins connu que d’autres, c’est en partie dû au fait que les scientifiques allemands furent récupérés après la guerre par les grands vainqueurs de l’époque : l’Amérique, la Russie, la France, et l’Angleterre dans une moindre mesure, afin de participer aux programmes aéronautiques de chacun : les programmes spatiaux de la Nasa, Ariane, etc. Notamment, l’ingénieur, officier de la SS et dirigeant du camp de Dora, Wernher von Braun, décoré deux fois personnellement par Hitler, qui participa, une fois émigré aux États-Unis, aux travaux de la conquête spatiale américaine (le V2 étant l’ancêtre direct de la fusée Saturne qui a emmené Armstrong et Aldrin sur la lune en juillet 1969...). Dès lors, le passé de ces nouveaux héros nationaux a bien sûr été fortement minimisé.
La bande dessinée de Robin Walter, très bien réalisée, dans un style réaliste en noir et blanc, avec un trait parfois fort et d’autres fois - pour les décors notamment - très fin, avec beaucoup de détails, est également très documentée.
Notons la préface de Stéphane Hessel qui fut lui aussi interné dans ce sinistre camp.
À voir, une présentation et une courte interview de Stéphane Hessel dans la défunte émission "Un monde de Bulles" en cliquant sur l’image ci-dessous :
(par François Boudet)
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