Quelle est l’intention de ce pastiche ? Est-ce une démarche révisionniste qui tenterait de nier la réalité de la Shoah ? Pas du tout. La seule modification faite à l’œuvre est le remplacement systématique des personnages par des chats : plus de souris représentant les Juifs, ou de cochons représentants les Polonais, ni de chiens pour les Américains ou de grenouilles pour les Français : tous les protagonistes sont des Raminagrobis, au pelage différent, certes, mais ressortissant du genre félin.
Le pasticheur a laissé les dialogues originaux, le lettrage francophone d’origine, les décors, tous les détails, jusqu’à la signature d’Art Spiegelman en fin de volume...
Il pointe du doigt l’une des failles de ce livre central de l’évocation de la mémoire de la Shoah : la volonté de caractériser les Juifs comme différents des autres et sous la forme même qui était celle de la propagande graphique nazie : un rat.
La publication de Maus, à l’époque, n’avait pas manqué de susciter la réprobation de certains rescapés de la Shoah. Ceux-ci ne comprenaient pas qu’on puisse encore les représenter sous la forme de ces vecteurs de vermine. Dans Méta-Maus qui vient de paraître récemment (Flammarion), Spiegelman explique et défend sa métaphore qui est aussi une remise en cause de ces clichés.
Mais l’auteur anonyme de cet ouvrage, avec qui nous avons pu échanger quelques mots, défend son projet qui est avant tout un détournement, une forme de happening, comme ont pu le faire avant lui les Situationnistes.
Il déclare avoir décidé de questionner cette convention graphique en remplaçant les têtes de tous les acteurs de l’histoire avec des têtes de chats, redemandant la lecture de toute l’œuvre avec ce nouveau paradigme afin d’éviter de présenter l’Holocauste comme un moment privilégié de l’histoire juive mais comme l’image de l’impasse de la société contemporaine. Il espère faire naitre chez le lecteur une vision critique de la Shoah et plus précisément de la valeur du témoignage : " - Est-ce que le fait de représenter les acteurs de cette tragédie comme appartenant pas simplement à des races différentes mais à des ESPECES différentes ne rend pas la barrière entre les deux infranchissable, comme si les juifs ne pourraient être jamais capables de telles atrocités, comme si la nature, puisque les conventions animales nous obligent à penser les choses naturellement, avait décidé des rôles dans une telle tragédie."
Le questionnement est dérangeant, certes, mais pertinent. Il interpelle la démarche de la transmission de la mémoire alors même que les témoins sont fatalement amenés à disparaître peu à peu.
Cet ouvrage, qui est une contrefaçon évidente, ne comporte pas de nom d’éditeur, juste une référence Internet faisant allusion cette fois au titre d’un célèbre roman de Günter Grass, Maus und Katz (1961), interrogeant lui aussi les conséquences de la barbarie nazie : Mausandkatz.blogspot.com.
Sur cette page, on peut lire un forum où les premiers lecteurs du pastiche échangent leurs opinions, jusqu’à présent peu nombreuses.
Où se procurer le livre ? Nous ne le savons pas. Nous avons acquis le nôtre sur un stand d’Angoulême. Il est possible qu’on le trouve dans certaines librairies.
Que vont faire Spiegelman et Flammarion, son éditeur ? Nul ne le sait pour l’heure. Peut-être découvriront-ils cet ouvrage avec notre article. Affaire à suivre.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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