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Kim Consigny : "Avec Pari(s) d’amies, nous ne voulions pas montrer un Paris de carte postale, mais la ville cosmopolite qu’elle est aujourd’hui."

Par Christian MISSIA DIO le 12 mai 2015                      Lien  
Toute jeune artiste, Kim Consigny signe avec "Pari(s) d'amies" son tout premier album alors qu'elle n'a pas totalement terminé ses études artistiques. Une précocité qui force le respect tant la dessinatrice a su retranscrire avec justesse l'univers imaginé par Rokhaya Diallo. Il nous paraissait donc judicieux de faire plus ample connaissance avec cette nouvelle-venue du 9e Art.
Kim Consigny : "Avec Pari(s) d'amies, nous ne voulions pas montrer un Paris de carte postale, mais la ville cosmopolite qu'elle est aujourd'hui."
Pari(s) d’amies
Rokhaya Diallo & Kim Consigny (c) Delcourt

Pourriez-vous vous présenter ?

J’ai 24 ans, je suis actuellement étudiante en architecture. Je passerai mon diplôme cette année au mois de juillet. J’ai fait une pause d’un an l’année dernière afin de mener à bien le projet de cette BD, Pari(s) d’amies, qui me tenait vraiment à cœur.

Parallèlement à cette activité, j’anime un blog que j’ai ouvert à la fin de ma première année d’école d’architecture, ce qui m’a permis de faire des contacts dans le milieu du dessin. Cela m’a donné confiance et je me suis lancée petit à petit dans l’illustration. J’ai publié principalement chez Flammarion.

Côté BD, j’ai intégré en 2011 un collectif aux éditions Manolosanctis, Vivre Dessous. Ce projet était parrainé par Thomas Cadène. Je l’ai par la suite rejoint sur la série Les Autres Gens, dont j’ai dessiné deux épisodes. La BD de Rokhaya Diallo est venue plus tard, lorsque j’étais en 4e année. En fait, je ne me serais jamais crue capable de faire de la BD, mais les choses se sont faites presque naturellement, petit à petit, jusqu’à aboutir à cet album.

Comment s’est faite la rencontre avec Rokhaya Diallo ?

C’est Sophie Chédru, notre super-éditrice, qui nous a présentées. On s’est retrouvées une première fois toutes les trois autour d’un verre en juin, il y a deux ans. Nous nous étions réunies pour discuter de la première version du projet qu’avait apporté Rokhaya et voir si cela m’intéressait. C’était l’occasion de la rencontrer et de vérifier si le courant passerait bien entre nous. Je dois dire que l’idée de Rokhaya m’a beaucoup plu et nous nous sommes tout de suite très bien entendues, Nous nous sommes donc lancées. Nous avons réalisé quelques planches en guise de test durant l’été 2013 afin de valider le projet. Puis, on s’y est vraiment mises l’hiver qui a suivi.

Rokhaya Diallo

Avez-vous eu envie de vous impliquer dans le scénario ou la mise en scène ?

Le scénario n’était pas encore bouclé lorsque nous avions commencé à travailler. Rokhaya l’a écrit plus tard et elle n’avait que des pistes à l’origine. Mais dès le départ, les thèmes abordés m’ont parlé. J’avais très envie de faire de la BD. Pourquoi pas de la comédie ? Mais je n’avais pas très envie de travailler sur quelque chose qui n’aurait pas eu de fond. Heureusement, j’ai vite compris qu’il n’y aurait aucuns souci à ce niveau-là avec Rokhaya ! L’histoire, dont le fil rouge est la quête identitaire de Cassandre, m’a tout de suite parlé.

Quant à m’impliquer dans le scénario, Rokhaya me demandait souvent si l’histoire me plaisait, si j’avais des suggestions à faire ou si je voyais des choses à changer. Elle avait vraiment envie que je puisse m’impliquer comme je le sentais. Je n’avais, en général, rien à redire en fait. Je crois qu’il n’y a qu’une seule scène sur laquelle nous avons vraiment discuté, et qu’elle a d’ailleurs modifiée dans le sens de ce que je lui disais.

Pour ce qui est de la mise en scène, Rokhaya avait quelques idées précises. Par exemple, les cadrages sur l’environnement au début des scènes. Mais elle me laissait quand même très libre d’intervenir si j’avais des idées à proposer. C’était vraiment une collaboration intéressante et j’aimais beaucoup nos discussions, car elles étaient enrichissantes. Rokhaya et moi n’avons pas vraiment la même culture BD. Elle est une passionnée de mangas, tandis que moi, j’ai plus été influencée par la BD franco-belge, même si je ne suis pas une grande lectrice. Mais je suis une fan de l’auteur italien Manuele Fior.

Comment avez-vous abordé graphiquement cet album ?

Graphiquement, j’ai suivi le scénario tout en essayant de montrer au mieux le Paris populaire. Je connaissais mal la ville : quand on a commencé à travailler ensemble, j’y habitais seulement depuis un an, mais c’est venu assez vite. Nous n’avions pas envie de montrer un Paris de carte postale, mais celui d’une ville cosmopolite, vivante et qui ne se concentre pas uniquement dans le Ve arrondissement.

L’un des défis graphiques auxquels j’ai été confrontée était de trouver comment représenter les cheveux de Cassandre. Ça peut paraître bête, mais il fallait trouver comment la dessiner pour qu’on sente l’importance de ses cheveux et faire en sorte qu’ils restent réalistes. C’est le personnage qui m’a donné le plus de mal au tout-début mais c’est peut être celle que j’ai dessinée avec le plus de plaisir.

Par ailleurs, travailler sur une BD complète était un très gros challenge pour moi car je n’avais, jusque-là, réalisé que quelques pages d’albums. Je n’avais dessiné que huit pages dans Vivre Dessous et deux épisodes des Autres Gens. Mais avec Pari(s) d’amies, j’ai dû dessiner un livre de 133 pages, c’était carrément autre chose ! Ce fut vraiment un travail de longue haleine. Ce n’était pas évident. Découper un album ayant une telle pagination, c’est long, c’est très prenant ! Ensuite viennent le dessin en lui-même et la couleur...

Pourriez-vous nous parler de votre méthode de travail ?

J’ai travaillé en plusieurs étapes et de manière classique. J’ai débuté par le découpage, puis le crayonné, l’encrage et enfin les couleurs. J’ai préféré travailler par étapes plutôt que de commencer par la mise en couleur, par exemple, avant d’avoir encré toutes les planches.

Le scénario que Rokhaya a écrit n’était pas organisé en pages mais en scènes. Il a donc fallu que je réorganise tout le découpage. Ça a été un premier gros boulot, trouver le bon rythme pour la narration, ne pas faire trop de pages non plus, tout en laissant l’histoire se dérouler sans la tasser. J’ai envoyé cette première étape à Rokhaya et Sophie, qui ont fait leurs remarques lorsqu’elles en ressentaient le besoin, et après réajustement, j’ai pu passer aux crayonnés.

J’ai crayonné les planches à l’échelle 1/1 car je ne suis pas très à l’aise avec les grands formats. J’ai préféré travailler directement à la taille prévue de la BD, c’était plus facile pour moi. J’ai fait un crayonné en rouge parce que je peux virer cette couleur à l’ordinateur et ne garder que le trait de l’encrage noir. Cette technique marche aussi avec le bleu. Une fois le crayonné terminé, je suis passée à l’encrage au rotring sur la même feuille de dessin. Je l’ai "cleané" ensuite sur l’ordinateur en retirant le crayonné pour l’envoyer ensuite à Rokhaya et Sophie pour la validation. Là, après quelques retours sur le dessin, j’ai pu passer à la couleur. Je crois que c’est finalement ce qui m’a pris le plus de temps et ce qui, curieusement, a été validé le plus vite par Sophie et Rokhaya, alors que c’était l’étape qui me faisait le plus peur.

Quels sont les artistes ou les œuvres qui vous ont poussée à entamer des études artistiques et faire de la BD ?

En fait, après mon bac L, j’ai un peu hésité. Je souhaitais poursuivre des études littéraires, mais je ne savais pas vers quoi ça allait me mener. C’était plus par goût personnel mais j’avais vraiment dans l’idée de m’orienter vers des études professionnalisantes. Et puis, l’architecture avait l’avantage d’être considérée comme un cursus "sérieux" tout en ayant un côté artistique. Cela me donnait l’impression d’avoir des débouchés professionnels. Il n’y en a pas tant que ça en réalité... Je n’avais pas beaucoup de connaissances dans ce domaine-là à part de vagues références du genre Corbusier, Frank Lloyd Wright, Aalto et autres modernes. J’ai surtout choisi ces études parce que mon compagnon suivait cette formation. Elle avait l’air vraiment intéressante, alors je me suis inscrite. Je ne suis pas sûre d’avoir envie de devenir architecte, mais je ne regrette pas ce choix, parce que ça a été des études vraiment très riches.

J’ai toujours aimé dessiner. Je ne viens pas d’une famille où on lisait beaucoup de BD. J’en empruntais pas mal à la bibliothèque quand j’étais ado, notamment les albums publiés par Soleil et Delcourt. Puis, je me suis tournée vers une production différente, notamment quand je suis retombée sur un livre de Joann Sfar que j’avais découvert en lisant un Je Bouquine, lorsque je devais avoir 13 ans : Le Bestiaire amoureux, qui a été une révélation pour moi ! C’était une BD beaucoup plus sensible, qui m’intéressait beaucoup plus. Par la suite, j’ai découvert des tas d’auteurs talentueux comme Christophe Blain. Son trait me fascinait vraiment ! Mes études d’architecture m’ont aussi permise de me pencher sur la BD. En 4e année j’ai écrit un mémoire sur l’architecture et la ville dans la bande dessinée. Grâce à ce travail, j’ai pu rencontrer et interroger Manuele Fior. Je l’admire beaucoup et il se trouve qu’il est aussi architecte de formation ! On retrouve, par exemple, un bâtiment de Louis Kahn dans L’Entrevue.

Quels sont vos prochains projets ?

Pour le moment, je suis focalisée sur mes études. Je vais passer mon diplôme cet été. Ensuite, c’est plus flou... J’ai très envie de continuer dans l’illustration et la bande dessinée, mais je ne sais pas encore comment ça va se mettre en place. Si on a la possibilité de faire un tome 2 de Pari(s) d’amies, j’en serais ravie, mais ça ne dépend pas que de nous deux malheureusement. On croise les doigts. Peut être que je travaillerai un peu dans l’architecture. Qui sait ?

J’ai aussi des envies d’album perso où je pourrai m’exprimer en tant qu’auteure complète. Je vais essayer de m’y mettre cet été...

Propos recueillis par Christian Missia Dio

Voir en ligne : Pari(s) d’amies sur le site de Delcourt

(par Christian MISSIA DIO)

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