La bonne idée de Christian Lax est sans contexte le fait qu’il nous raconte la vie d’un mordu de vélo qui n’a qu’un seul objectif en tête : réaliser son rêve, et prendre part, en indépendant (sans être membre d’une équipe) au Tour de France.
Juillet 1907. Amédée est un de ces soldats qui charrient à dos d’homme le matériel nécessaire à la construction de l’observatoire du Pic du Midi. Il va rencontrer Camille, un vieux scientifique qui travaille là-haut. Il est passionné par le vélo, et va demander un jour à Amédée de lui ramener un journal. Le jeune homme le lit de A à Z et découvre, grâce à Camille, une aventure formidable : le cyclisme.
Amédée attrape le virus. Revenu dans son village, au pied du Pic, il enchaîne les portages pour économiser l’argent nécessaire à l’achat de son premier vélo. Il prend tous les risques jusqu’au jour où la montagne est la plus forte. Amédée passe une nuit entière dans les monts gelés. Il en sort vivant mais amputé des orteils. Ce n’est que le début de son incroyable aventure : comment un coureur handicapé, inconnu, un isolé qui ne peut recevoir de l’aide de personne sous peine de lourdes pénalités, va concourir au côté des plus grands.
Cette histoire est tellement belle et intense que l’on aurait presque l’impression que l’épopée d’Amédée est réelle, et non pas inventée comme c’est le cas.
Christian avait modifié son trait pour Azrayen car il avait l’impression d’en avoir fait le tour : « Je voulais montrer autre chose, être enfin moi-même. Je voulais que l’on puisse identifier mon trait au premier coup d’œil. J’avais jusque là un style passe-partout. Je voulais devenir un véritable auteur, avoir un style reconnaissable immédiatement [1] ». Ce style plus brut, plus expressif et plus agressif, est devenu une marque de fabrique qu’il utilise aujourd’hui dans sa série Le Choucas et dans ce one-shot.
Christian Lax a dessiné l’Aigle Sans Orteils sur du papier de couleur afin de donner une ambiance différente -plus chaude- à ses planches.
Dupuis n’hésite pas à affirmer que L’Aigle Sans Orteils pourrait être l’une des pièces majeures de l’œuvre de Christian Lax. Les éditeurs sont là pour vanter leurs albums, mais pour une fois ce n’est pas exagéré.
(par Nicolas Anspach)
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[1] Explique-t-il dans le dossier de presse de l’album.