Quand il publie les premières planches de Thorgal en 1977, sur un scénario de Jean Van Hamme, Rosinski vient dans le Journal Tintin avec un background artistique peu courant dans le domaine franco-belge. On s’échine encore à cette époque-là à reproduire les schémas créatifs d’Hergé, de Jacobs ou de Franquin. Seuls quelques Vance, Hermann, Dany ou Cosey font exception.
Le dessin de Rosinski, comme celui de Jacobs, procède d’une solide formation académique inspirée par la « grande peinture » encouragée, en ce qui concerne l’artiste polonais, par une formation conduite par le pouvoir communiste à exalter le « réalisme socialiste ». Nous avons donc chez Rosinski un connaisseur avéré de l’anatomie, de la composition et de la perspective. À cela s’ajoute une expérience d’illustrateur de plusieurs années dans son pays. Le duo Rosinski-Van Hamme ne tarde pas à faire de Thorgal une des séries les plus en vue de l’édition franco-belge.
Cet ouvrage raconte ce parcours à travers les gouaches et les huiles de Rosinski, longtemps frustré par la technique de mise en couleurs « sur bleus » en vigueur au Lombard (il ne retrouvera la « couleur directe » que sur le tard). Dans ses couvertures, Rosinski retrouve la palette et le « geste » du peintre. Les deux premières couvertures de la série sont allégoriques, synthétisent le contenu de l’album. Il reprendra très souvent ce procédé par la suite.
Mais très vite, les compositions s’aguerrissent et l’auteur invente de nouveaux modelés (à l’aérographe, par exemple), des lumières inédites, des matières sophistiquées,… Nous sommes à la fois dans une approche très académique et dans des expérimentations qui évoquent les peintures romantique (Gustave Moreau…), symboliste (Odilon Redon…) voire même impressionniste.
Il en résulte un chatoiement des couleurs et des effets d’une rare singularité, un talent que Patrick Gaumer, signataire de la préface de l’ouvrage, qualifie de « protéiforme ». Un qualificatif adapté pour un artiste qui, en quarante ans, n’a jamais cessé de nous impressionner par la diversité de ses compositions.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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