Comme la plupart des héros de Baru, notre enragé est fils d’immigrés. Un pied dans sa cité, l’autre dans le pathos familial, fait de frustrations, de sens de l’effort et de volonté de s’élever socialement. Seulement voilà, Anton ne jure que par la boxe, et tient tête à son père pour tout laisser tomber et vivre de sa passion. Dialogue impossible. Pour le jeune homme, c’est l’exil forcé, et un début de carrière prometteur. Si on excepte son attitude hautaine et prétentieuse, qui choque jusqu’aux commentateurs sportifs, et même son meilleur copain, qui justement, va bientôt rejoindre le célèbre quotidien L’Équipe…
Paru en deux tomes en 2004 et 2006, L’Enragé fait partie des albums les plus représentatifs de Baru. Fort ancrage social, boulets rouges à volonté sur le monde du fric (ici, le milieu de la boxe professionnelle) et destins d’enfants de l’immigration. Son portrait croisé de descendants de Polaks et d’Algériens nous ramène directement à l’enfance de l’auteur, lui-même issu de la communauté italienne de l’Est de la France.
Certes, son Anton, boxeur trop surdoué pour être crédible, trop teigneux pour être sympathique, alourdit ça et là le scénario. Mais ce petit bémol ne pèse pas lourd face au sens du romanesque de Baru (la relation d’amitié avec Momo, son histoire d’amour compliquée) et surtout cette maestria dès que l’action s’emballe, qu’il s’agisse d’engueulades homériques ou des combats de boxe.
La version intégrale ne comprend pas de bonus (dommage…) mais s’avale comme une boisson énergétique. Du bel ouvrage, sans oublier évidemment, le farouche humanisme qui l’enveloppe.
(par David TAUGIS)
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