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L’Esprit à la dérive – Par Samuel Figuière – Warum

Par Damien Boone le 2 mars 2015                      Lien  
Tandis que son père, diminué par une maladie qui altère ses facultés mentales, communique de plus en plus difficilement, Samuel livre le récit d'une relation père/fils et de la vie d'un homme hanté par le souvenir de la Guerre d'Algérie.

René Figuière était un ouvrier-agricole par nécessité, artiste-peintre par passion. Il a régulièrement exposé mais n’a jamais obtenu la reconnaissance escomptée. L’heure de la retraite sonnant, il prend l’habitude de ne quitter son atelier que pour manger, dormir ou voir son fils Samuel, quand celui-ci lui rend visite. Or, les rencontres se sont espacées : si le fils admirait son père lorsqu’il était enfant, l’adolescence les a éloignés, et la tendresse distante qu’ils se portent l’un à l’autre demeure désormais teintée de maladresses et de silences.

Lors d’une sortie au restaurant, René fait un malaise. Plus qu’un simple coup de chaud, cet événement est le premier révélateur d’un progressif et inexorable déclin : suivent, sur des années, des tremblements aux mains, des problèmes de mémoire, le regard qui se perd et des sautes d’humeur de plus en plus fréquentes : c’est la leucoaraïose, une forme de démence sénile. René n’a plus que la peinture et ses disques comme ultimes refuges. Il s’enferme dans son atelier et y entend des voix, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus qu’attendre que le temps passe, dans son fauteuil.

L'Esprit à la dérive – Par Samuel Figuière – Warum

Afin de recréer un lien avec son père affaibli, Samuel plonge dans les carnets de la Guerre d’Algérie que son père a précieusement gardés. Jusqu’alors, Samuel n’avait pour seul lien avec l’Algérie que le souvenir d’enfance du fou du village, revenu dément, probablement pour avoir été forcé de torturer. Les documents de René permettent de dresser le portrait d’un homme de conviction, épris de justice, empreint de culture et de pacifisme, refusant de porter les armes, s’opposant à ses supérieurs et aux soldats en dépit des pressions, du harcèlement et de la culpabilisation de la hiérarchie militaire qui le considère comme un lâche, allant même jusqu’à le faire passer en Conseil de discipline. Concédant toutefois le port de l’uniforme, il est affecté comme infirmier chez les parachutistes, d’abord à Toul, puis en Algérie. Il y soigne quiconque se présente à lui, voit la violence, les enfants qu’on caillasse, les simplets qu’on envoie au combat, la mort. Et ses fantômes, qui poursuivront René jusqu’au bout.

Au-delà de l’émouvant hommage rendu à son père, dont la maladie est abordée avec pudeur, Samuel Figuière offre un témoignage réaliste sur la guerre d’Algérie, sur l’importance d’un passé parfois pas aussi lointain qu’on ne l’imaginerait spontanément, et sur la nécessaire compréhension que quiconque doit porter envers ceux qui cherchent une échappatoire pour fuir la dureté d’une vie.

Bien servi par un dessin en noir et blanc propice à l’évocation du passé ou de l’imaginaire, et un découpage alternant dynamisme de l’action (notamment en Algérie) et moments où l’auteur se concentre sur des phases plus intimes (sur les souvenirs d’enfance, ou le lent crépuscule de René), l’ouvrage fait mouche.

(par Damien Boone)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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