Son œuvre n’est pas si connue, mais son personnage un peu plus : Antonin Artaud, figure de la littérature française, a marqué le 20ème siècle. L’ambition de Maximilien Le Roy demeure assez modeste : illustrer quelques épisodes de sa vie en mettant en exergue quelques rencontres déterminantes (Diego Rivera au Mexique, notamment). Il ne s’agit donc pas ici d’une biographie et pas non plus d’une illustration de ses œuvres. Les citations sont rares et les auteurs s’intéressent moins aux processus créatifs d’Artaud qu’à sa souffrance infinie.
Car voilà le socle de l’album : la terrible dépendance de l’écrivain à l’opium, et ses tentatives pour en sortir, balayées par des rechutes spectaculaires dans nombre de bas fonds trouvés au gré de ses voyages. Pour une telle plongée en toxicomanie, le réalisme n’avait pas sa place. Le jeune Zéphir ( pas encore 25 ans) gère les ambiances avec une culture de peintre, et côté BD, l’héritage de Gotting assumé avec ses contours épais.
L’expérience de lecture n’est tout de même pas si facile : les scènes illustrant les états de manque et les plongées dans les plaisirs trompeurs s’accompagnent d’illustrations abstraites parfois impressionnantes, comme ces rougeurs qui finissent pas déborder des cases dans une série de planches muettes en fin d’album. Certes, il n’est pas nécessaire d’avoir lu Artaud pour entrer dans ces parties de sa douloureuse vie, mais mieux vaut connaître le surréalisme littéraire pour comprendre le récit de Le Roy et Zéphir, qui dressent un portait de l’artiste sans aucune complaisance, rendant d’autant plus mystérieux ses talents d’écrivain, d’acteur et de conférencier.
(par David TAUGIS)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.