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"L’Été Diabolik" rend hommage aux années Sixties, et au menaçant Diabolik

Par Tristan MARTINE le 4 avril 2016                      Lien  
Cet « Eté Diabolik », servi par Smolderen & Clérisse louvoie entre rêve et réalité, entre acide et espionnage. Un petit bijou graphique à recommander chaudement !

Quand on évoque Diabolik, on pense directement au héros de fumetti créé par les sœurs Giussani, un Fantômas à la sauce italienne. Et le titre de cet album publié récemment par Dargaud n’est pas choisi innocemment, car la figure masquée de ce sombre anti-héros plane comme une ombre menaçante sur tout l’album, à commencer par sa couverture.

En fin analyste du neuvième art, Thierry Smolderen nous dresse d’ailleurs en fin d’album une généalogie des héros masqués, remontant jusqu’au XVIIIe siècle. Ce dossier érudit et intéressant éclaire utilement les orientations que le scénariste a voulu donner à sa bande dessinée, à partir de ses lectures d’enfance. Il fait alors l’analyse de la genèse de son projet parti d’une « image toute simple : un homme – un industriel peut-être – jette un coup d’œil dans son rétroviseur, et aperçoit, au volant de la voiture qui le suit, la silhouette de Diabolik, le héros des sœurs Giussani. Cette vision fantastique disparaît aussitôt, mais, quelques jours plus tard, l’expérience se reproduit… Et il ne comprend pas pourquoi » [1]. De ce mince prétexte est né un album aussi poétique qu’intéressant, aussi haletant qu’intelligemment construit.

"L'Été Diabolik" rend hommage aux années Sixties, et au menaçant Diabolik

L’histoire prend pour cadre l’été 1967, the Summer love, période charnière pour le jeune Antoine, le narrateur, qui perd en deux jours son pucelage et son père. Le tout en se faisant un meilleur ami, en découvrant le LSD, en ne comprenant plus la personnalité de son père, et en assistant incrédule à une suite de catastrophes.

Qu’en tirer ? … Un roman, pardi ! Vingt ans plus tard, Antoine revient donc sur ces quelques jours turbulents, et explique sa globale incompréhension. Ce roman constitue la première partie de l’album. La seconde présente les conséquences de la publication de ce roman, qui permet enfin à Antoine de comprendre ce qui se passa deux décennies plus tôt.

Thierry Smolderen est probablement, avec Benoît Peeters, un des rares grands théoriciens de la bande dessinée qui a réussi à produire de très bonnes bandes dessinées. Spécialiste de l’histoire du neuvième art, il met tout sa science de l’écriture séquentielle au service d’un récit aussi fluide que passionnant.

Rappelons que son association avec Alexandre Clérisse avait déjà accouché d’un petit chef-d’œuvre en 2013 : Souvenirs de l’Atome.
Si cet précédent album explorait l’univers graphique des années 1950 avec brio, on change ici de période en plongeant dans les années 1960, dont les règles architecturales et vestimentaires, ainsi que les bandes dessinées irriguent cet album.

Le dessinateur développe de nombreuses trouvailles graphiques et utilise la planche de manière souvent aussi surprenante qu’impressionnante. Le graphisme joue avec « les couleurs pimpantes, les images coup-de-poing, les lignes fluides des BD des années pop »[1], développant une forme de « psychédélisme rococo »[1].

Alexandre Clérisse s’est brillamment approprié les codes graphiques des années 1960, les choix de couleurs osées, les déconstructions de planche, les délires pop pour rendre les effets du LSD et d’une libération intellectuelle et graphique. Lors de la lecture, son imagination graphique luxuriante ne cesse de nous régaler.

L’avalanche de références aurait pu faire craindre un récit trop sage, trop hermétique ou versant trop dans le pastiche. Il n’en est rien ! Ce récit graphique, construit sur des faux-semblants, louvoyant intelligemment entre roman d’initiation, polar et histoire d’espionnage, ferait assurément un très bon film. En attendant, on en prend plein les yeux, tout en savourant son plaisir !

(par Tristan MARTINE)

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[1Tiré de la postface du livre, signée par Thierry Smolderen.

 
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