L’aventure de ces voisins pas bien assortis commence vers 1999. Trois tomes plus tard, nous sommes en 2010. Et ces vies croisées ont alimenté près de 500 pages en 10 ans. L’intégrale et sa belle reliure avec couverture estampée permet non seulement de regrouper tous les volumes en un chapitrage unique, mais propose, parfois intercalées, des pages supplémentaires. La majorité vient d’ailleurs éclairer des épisodes importants des trois opus édités séparément.
Cet immeuble, ses trois appartements et ses sept occupants composent un petit monde singulier : un jeune couple encore étudiant, un vieux ménage avec un imposant dogue allemand, et une mère célibataire de deux enfants. Nous découvrons leur ordinaire au fur et à mesure, au cours de chapitres courts souvent aérés par des scènes quotidiennes très simples, presque contemplatives.
Mais ce que Vanyda montre surtout, ce sont les blessures, les fragilités, et les ressorts relationnels. Ces presque quinquas fatigués, aigris, comptent tout de même beaucoup l’un sur l’autre, et ce chien qui les soude est aussi leur ambassadeur pour l’extérieur, permettant dialogue et empathie. La jeune maman apparaît à la fois combative et déboussolée. Elle s’accroche à un lien vacillant avec le père biologique de ses enfants, tentant de faire bonne figure en s’appliquant à son rôle de mère. Et au premier plan, les charmants, faussement épanouis Louis et Claire, à peine plus de 20 ans. La fraicheur de leur amour encore insouciant ne cache pas des moments de doute et les tentations d’évasion qu’ils croisent à chaque soirée. Surtout entourés d’amis qui vivent souvent dans la frustration...
Le talent épatant de Vanyda, outre une observation chaleureuse et bienveillante, c’est d’animer ce microcosme par des moments de grâce, de solidarité, de tension, de séduction aussi. Outre l’attachement grandissant aux personnages, nous guettons les évolutions. Avant tout le rapprochement tellement délicat, tellement interdit aussi, entre Jacky, quadra bougonnant, et Béatrice, maman encore pleine de charme.
L’exploration d’un immeuble comme radiographie de nos existences laborieuses, et malgré tout exaltantes, d’autres l’ont fait, notamment Georges Perec avec La Vie, mode d’emploi et Jean-Charles Tacchella avec le film Escalier C. Des œuvres d’importance inégale certes, mais tout autant marquantes l’une que l’autre. L’Immeuble d’en face de Vanyda peut prétendre compléter ce possible ensemble thématique, où la BD montre une fois de plus qu’elle véhicule des émotions aussi subtiles et profondes que des arts plus largement consacrés.
Voir en ligne : le blog de Vanyda
(par David TAUGIS)
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