C’était une des découvertes majeures du défunt label 12bis fondé par Dominique Burdot et Laurent Muller, récupéré dans leur faillite par les éditions Glénat. Une pure aventure en quatre tomes qui débute dans un trou d’obus de la guerre de 1914. En présence, un aristo fin de race, Calixte de Prampréand, Léon Matilo, un voyou corse, et Ahmed, un spahi, Marocain du Rif. Ensemble, ils vont sceller une sorte de pacte, les deux Français se promettant de prendre la mer et de devenir pirates. Ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’Ahmed est le fils de l’un des plus puissants chefs de tribu du Rif, soucieux de se libérer de la tutelle coloniale. Les deux aventuriers vont l’y aider... Les pirates deviennent révolutionnaires. Ils seront bientôt les "princes du Djebel"... "L’Homme qui voulut être roi" de Kipling n’est pas loin...
"C’était une idée de Maurin Defrance à l’origine, nous dit Fabien Nury. C’est une guerre méconnue mais très importante qui est une sorte de modèle tragique des conflits anti-coloniaux des années 1950. Elle a la beauté des causes perdues. Elle est à la fois narrativement nouvelle comme univers et familière dans la mesure où l’on a une compréhension des forces en présence assez rapide."
C’est dans un voyage commun au Maroc que Nury et Defrance sentent le souffle de l’aventure. En défrichant l’histoire de la région, ils tombent sur cette période et cette guerre méconnue. Ils la jugent fertile en aventures. D’autant que cette région est disputée à la fois par la France et l’Espagne. C’est là qu’un certain Francisco Franco, le futur bourreau de la République espagnole, fait ses premières armes. Il croise le chemin de nos aventuriers. On voit même Léon le braquer et le soldat lui demander pitié : "La scène n’a pas eu lieu, s’amuse Fabien Nury, mais le fait que le truand corse l’ait à sa merci et lui dise : "mon petit doigt me dit que si je te tuais là, tout de suite, je rendrais service à plein de monde", c’était une jubilation où la fiction historique frôle l’uchronie, et n’y va pas ! Il y avait le plaisir de voir ce futur dictateur demander grâce. Il y avait une légitimité à faire intervenir Franco dans les négociations et tant qu’à le faire, nous en avons tiré un moment de folie avec les personnages. Le retour de Léon vers la liberté et vers ses amis ne pouvait être plus flamboyant. En plus, Franco est très cynique, dit à Léon qu’il est très bête, que l’ensemble des forces coloniales va se liguer contre cette révolte... Et Léon de lui répondre : "Oui, mais si je te descends..."
Quand on lui demande s’il y a encore ce genre d’aventuriers qui sévit aujourd’hui, Fabien Nury répond :"Il y a encore ce genre d’aventurier un peu partout dans le monde, j’en suis persuadé. Il y a des choses à faire sur l’Afrique, sur l’Amérique du Sud,... Le problème est la médiatisation. Le type part toujours avec une caméra et les moyens de communication posent un problème par rapport à l’aventure, c’est vrai."
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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