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L’adaptation du Spirit par Frank Miller suscite des inquiétudes

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 5 avril 2007                      Lien  
Comme [nous vous l'avions annoncé l'an dernier->http://www.actuabd.com/spip.php?breve1601], {The Spirit} (publié en France par les éditions Soleil), le chef-d’œuvre de {{Will Eisner}}, va faire l’objet d’une adaptation au cinéma. Il sera écrit et réalisé par… {{Frank Miller}}, l’auteur de {Sin City}. Les fans d'Eisner sont inquiets.

The Spirit est l’œuvre majeure de Will Eisner. Il y met en scène un détective, Denny Colt, qui se fait passer pour mort lors d’un affrontement avec un savant fou. C’est dans le cimetière où il est enterré qu’il établit son quartier général avec l’aide d’Ebony, un jeune comparse noir, et la bienveillante complicité du commissaire Dolan, le chef de la police. Entouré d’une équipe remarquable d’assistants, parmi lesquels le virtuose Lou Fine, Eisner alignera 645 épisodes des aventures de ce personnage, plus remarquables les uns que les autres.

L'adaptation du Spirit par Frank Miller suscite des inquiétudes
Le dialogue entre Will Eisner et Frank Miller
Ed. Dark Horse Comics

Un corpus qui permet à Alan Moore, l’un des plus grands scénaristes actuels, d’affirmer : « Personne n’arrive à la cheville de Will Eisner. Si j’écris cela, ce n’est pas pour rabaisser les autres grands artistes que la bande dessinée a eu la chance de compter par le passé, quel que soit leur style. Personne ne pourrait nier la vitalité brûlante d’un artiste comme Jack Kirby, par exemple. Ni fermer les yeux sur la contribution des E.C. Comics, ô combien cultivés et raffinés. Cela dit, il semble qu’avant tout autre, c’est Eisner qui a su amener l’intelligence dans les comics. À mes yeux, personne n’a exploré les possibilités de ce support naissant avec autant d’acharnement et de réussite ; personne d’autre n’a réussi à créer un vocabulaire utile pour les différentes composantes et fonctions de la bande dessinée. » [1] C’est dire si la responsabilité de Frank Miller est écrasante.

Frank Miller et Will Eisner se connaissaient et s’appréciaient mutuellement, au point de conduire ensemble un entretien avec Charles Brownstein [2]. Miller peut donc se prévaloir de l’esprit du maître.

L’an dernier, notre collaborateur François Peneaud donnait la mesure de son appréhension : « Rappelons que le Spirit est un personnage qui, bien que très physique, est tout sauf un macho. Il est entouré de personnages féminins aux rôles aussi variés que subtils, dans des histoires pétries de second degré et de chaleur humaine. Tout le contraire des travaux de Miller ces dernières années... »

Et, de fait, les quelques informations qui filtrent aujourd’hui de la production du film ne laissent pas d’inquiéter : l’affiche de présentation du projet tout d’abord, aux contrastes bien plus crus et plus « millériens » qu’ « eisnériens ». Il semblerait aussi que la technique employée pour l’adaptation à l’écran soit proche de celle utilisée sur Sin City, une œuvre certes remarquable mais à l’antipode de la bonhomie du créateur du Spirit. « Ce sera bien plus subtil que cela » se récrie Miller, promettant que l’esprit du film sera conforme aux œuvres du maître. On l’espère, car dans 300, son dernier opus adapté au cinéma, Miller semblait avoir opté pour la testostérone plutôt que pour le talent.

L’affiche du film
par Frank Miller

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Code EAN :

[1Préface au premier volume de la collection du Spirit chez Soleil.

[2Eisner/Miller, Dark Horse, 2005.

 
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4 Messages :
  • L’adaptation du Spirit par Frank Miller suscite des inquiétudes
    15 avril 2007 08:55, par Jean-Paul Gabilliet

    DP écrit : "Frank Miller et Will Eisner se connaissaient et s’appréciaient mutuellement, au point de conduire ensemble un entretien avec Charles Brownstein. Miller peut donc se prévaloir de l’esprit du maître." Une lecture attentive de la série de conversations entre Eisner et Miller amène à nuancer cette affirmation : les deux hommes y manifestent des conceptions créatives fréquemment aux antipodes l’une de l’autre et la proximité (a fortiori la complicité !) entre eux s’avère finalement limitée. Pour une analyse très (souvent trop) critique du livre de Brownstein, je vous renvoie au compte rendu de Gary Groth paru dans le Comics Journal #279 (Nov. 2006), p. 88-93.

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    • Répondu par Michel Dartay le 15 avril 2007 à  11:18 :

      "C’est dire si la responsabilité de Frank Miller est écrasante."

      Alan Moore venant de rendre à hommage à Eisner, ne serait ce pas plutôt de lui qu’il s’agit ?

      Répondre à ce message

  • L’adaptation du Spirit par Frank Miller suscite des inquiétudes
    16 avril 2007 11:05, par Olivier Giraudeau

    Ne faisons pas de procès d’intention à Frank Miller et attendons de voir le résultat. On ne peux (pré)juger de ce film au regard des 2 deux films tirés de l’univers de Miller qui restent quant à eux, très fidèles à l’esprit et à l’esthétisme des graphics novels de cet auteur, que l’on peux aimer ou pas d’ailleurs.

    Et il en va de l’adaptation de bandes dessinées comme de celles de romans, une "trahison" d’oeuvres littéraires marquantes peux donner d’excellents résultats, pour peu que la personnalité du réalisateur et son talent soient suffisamment affirmés. L’histoire du cinéma est remplie de ces superbes "trahisons".

    Une oeuvre cinématographique est une oeuvre autonome et un cinéaste (même s’il est à côté auteur de BD) a tout à fait le droit de se réappropier un classique de la BD pour en faire une oeuvre originale, en tous points.
    Marre de ces produits aseptisés (type « Supermans returns ») qui ne rendent service, ni au cinéma, ni aux classiques de la BD qu’ils pillent sans rien apporter en retour.

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    • Répondu par François Peneaud le 16 avril 2007 à  20:11 :

      Entièrement d’accord avec vous pour dire qu’il existe de "superbes trahisons".
      Par contre, avec un personnage peu connu du grand public comme le Spirit, quel intérêt d’en faire un personnage à la Miller ? Autant en inventer un autre.
      Mais bon, même la nouvelle version en BD de Cooke a beau être très sympathique, elle n’apporte rien au personnage.

      Quant à Superman Returns, je le trouve très intéressant, comme remake-sans-être-un-remake. Mais je suis probablement dans la minorité...

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