Il est des absences dont on ne se remet pas. Ainsi en est-il du délicieux Maurice Rosy, disparu voici un an. Deux livres publiés ces jours-ci nous ravivent son souvenir.
Le premier d’entre eux, Rosy, c’est la vie ! nous rappelle combien cet homme discret a pesé dans le domaine de la bande dessinée franco-belge des années 1950 jusqu’aux années 1980. Engagé comme "donneur d’idées" aux éditions Dupuis, en réalité comme directeur artistique, mais aussi comme graphiste et, même s’il ne l’avoue qu’à moitié, laissant à Charles Dupuis tous les mérites qui lui reviennent, comme éditeur. Enfin comme illustrateur, l’un des plus charmants et des plus prolifiques des années 1980. Vous avez sûrement vu l’un de ses dessins dans une publicité, en couverture du Nouvel Observateur ou dans les publications pour la jeunesse des éditions Bayard.
Ce fils d’un marchand de clous était un artiste dans l’âme : pianiste de jazz, dessinateur, un esthète qui, dans cette conversation, menée par José-Louis Bocquet et Martin Zeller, fait allusion avec science aussi bien à Marcel Duchamp qu’à George Herriman, et ceci sans aucune ostentation alors que son aventure est fascinante. Son attelage créatif avec Yvan Delporte, l’ami de sa jeunesse qui l’introduisit aux éditions Dupuis, a accompagné l’éclosion des plus grands talents de l’école de Marcinelle : pour Franquin, il invente notamment le métomol ; pour Jijé, il donne l’idée de Yucca Ranch ; pour Will, il invente rien moins que le personnage de Choc dans Tif & Tondu ; pour Deliège, il conçoit Bobo ; pour Derib, il imagine Attila... Tout cela est raconté avec une mémoire précise, d’une voix posée où l’on ne décèle aucune arrogance, aucune volonté de paraître. Chez cet homme, la tendresse est son super-pouvoir.
L’autre petit livre qui nous rappelle son importance, c’est la réédition du mini-récit de Boule & Bill, dessiné par Jean Roba sur un de ses scénarios. Roba, Dupuis n’en voulait pas. Il se méfiait de ces graphistes venus de la publicité à la technique trop brillante. Rosy insista, jusqu’à monter un stratagème pour le faire engager... On lui doit aussi le recrutement de Marcel Remacle, l’auteur du Vieux Nick qui, sinon, serait resté sur le pas de la porte...
Dans tous ces cas, l’avis de Rosy a pesé sur la bande dessinée de son époque.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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