Nous avons déjà évoqué dans nos pages le litige qui opposait les ayant-droits d’Hergé à l’éditeur Arconsil qui publie les romans des « Aventures de Saint-Tin et son ami Lou », une œuvre parodiant les exploits du reporter à la houppe. Chaque roman, écrit par Gordon Zola ou Bob Garcia, porte un titre amusant qui se réfère à l’univers de Tintin. Plusieurs livres étaient disponibles à la vente jusqu’à ce que le stock de la société Arconsil soit saisi en février dernier. Il était devenu, depuis lors, quasiment impossible de dénicher « Le Crado Pince Fort », « La Lotus Bleue », « L’oreille Qui sait » et « Le Vol des 714 Porcineys » dans le commerce.
Moulinsart, défendant les intérêts de l’ayant-droit d’Hergé, Mme Fanny Rodwell, avait porté l’affaire devant les tribunaux, estimaint que les aventures de Saint-Tin étaient une contrefaçon de celles de Tintin.
Le Tribunal de Grande Instance d’Evry qui a rendu son jugement le 9 juillet dernier n’est pas de cet avis. Certes, la société Arconsil a été condamnée à verser 40.000 € (et le remboursement de frais annexes) à Moulinsart en « réparation du préjudice économique pour parasitisme », mais le même jugement déboute le plaignant des poursuites pour « contrefaçon ».
Le trinunal a également levé l’interdiction de commercialisation des titres existants et ordonné que la saisie sur les stocks soit annulée. Le tribunal exige également que le jugement soit publié dans un quotidien national et dans le magazine Livres Hebdo.
Gordon Zola et Bob Garcia ne sont donc pas des « contrefacteurs », mais plutôt des « parasiteurs » de l’oeuvre d’Hergé.
Le jugement du Tribunal de Grande Instance d’Evry est peut-être paradoxal mais juste. S’il reconnaît que le côté parodique de Saint-Tin est licite et en autorise la diffusion, protégeant ainsi le droit de parodie, il admet néanmoins qu’un « parasitage » de l’œuvre d’Hergé est susceptible de porter préjudice aux affaires du réel détenteur des droits d’exploitation de l’œuvre d’Hergé, Moulinsart.
En clair, le jugement autorise la parodie mais condamne l’usage systématique de l’univers de Tintin à des fins commerciales.
La société Arconsil, qui édite les livres de Saint-Tin sous le label du Léopard Démasqué attend de recevoir une copie du jugement et de prendre connaissance de ses motivations avant de se décider de pourvoir éventuellement en appel.
L’éditeur comptait publier 23 romans mettant en scène le Capitaine Aiglefin, éclusier à la retraite, le professeur Margarine, éminent crypto-zoologue ou encore les agents secrets Ying et Yang, et bien entendu le grand reporter Saint-Tin et son ami Lou (un perroquet).
Le Léopard Masqué est interloqué par cette décision de justice, mettant en avant ses "incohérences". Il constate que chaque nouvelle parodie qu’il publierait serait licite mais qu’il lui faudrait s’acquitter de 40.000 euros de dédommagement à Moulinsart pour pouvoir le publier.
Il pose en outre assez directement cette question : « ... nous avons été saisis pour contrefaçon et, depuis février, nous ne faisons plus de chiffre d’affaire… Ayant gagné sur cette partie du procès, quid de notre préjudice financier ? »
(par Nicolas Anspach)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Lire aussi :
"Tintin et les contrefacteurs : « Saint-Tin » devant le tribunal" (Avril 2009)
"Le Léopard qui défie Moulinsart" (Novembre 2008).
"Bob Garcia contre Moulinsart : La citation graphique face au tribunal" (Juin 2008)
Participez à la discussion