Nouria est serveuse dans un restoroute. Elle tente de survivre. Son fils est en prison et elle a des rapports difficiles avec lui. Son patron s’est aperçu qu’elle fauchait de temps en temps des produits pour améliorer l’ordinaire. Il accepte de ne pas la renvoyer à condition qu’elle se laisse faire, et qu’elle ne se révolte pas quand il a envie d’une relation sexuelle.
Jean-Claude est chauffeur routier. Il est marié, et a des enfants. La passion n’est plus présente dans son couple depuis de nombreuses années. Il gare son bahut près du restoroute où Nouria travaille. Il surprend une dispute entre l’employée et son patron. Nouria en a marre d’être abusée sexuellement et de se faire exploiter. Le ton monte. Son patron se montre violent. Jean-Claude s’interpose pour protéger la femme. Après avoir collé une beigne à l’excité, Jean-Claude embarque Nouria dans son camion. Elle s’écroule et s’endort directement, tellement elle est en manque de sommeil. Jean-Claude conduit son bahut toute la nuit pour arriver dans une petite ville, située près de Bordeaux.
Il a les clefs de l’appartement d’un copain. Ce dernier vit chez sa petite amie. Nouria va pouvoir s’y reposer et se refaire une santé. Elle s’étonne à peine qu’en partant, Jean-Claude ferme la porte de l’appartement sans lui laisser un double des clefs. Jean-Claude revient de temps en temps pour s’occuper d’elle. Nouria le trouve gentil et prévenant, et apprécie qu’il ne cherche pas à la sauter. Ils vont tomber amoureux. Leur histoire va rapidement se dégrader dans des rapports malsains.
Emmanuel Moynot signe ici une chronique sociale noire. Il explore les aspects les plus sombres des relations humaines et amoureuses. Celles qui menacent l’équilibre de l’une des parties. Jean-Claude abuse de Nouria en la rendant dépendante de ses allées et venues et de ses souhaits. Il instaure peu à peu un climat où la violence psychologique se cache derrière des artifices mielleux. On se prend pourtant d’affection pour ces deux êtres qui n’ont pas eu de chance dans leur vie et qui, à un moment, croient en leur relation. Ce climat particulier est sans doute amené par la double narration de Moynot. Tour à tour, il propose au lecteur les monologues intérieurs de Nouria et de Jean-Claude.
Les ambiances du récit doivent également beaucoup au dessin de l’auteur. Reconnaissable entre mille, il utilise une palette chromatique qui ne joue que sur quelques couleurs : des teintes rougeâtres et bleutées pour les scènes de nuit, ocres pour celles de jour. Cette unité graphique renforce l’aspect écrasant d’une thématique implacable traitée avec intelligence.
(par Nicolas Anspach)
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