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L’immigration, au coeur de l’actualité... et de la bande dessinée !

Par François Boudet le 18 février 2016                      Lien  
L'immigration est un sujet d'actualité permanent et souvent dramatique. Et ce n'est pas près de s'arrêter, avec notamment les futurs réfugiés liés aux situations politiques du moment comme au dérèglement climatique. La bande dessinée, bien sûr, rend compte de cette actualité.

En 2010, les éditions Futuropolis publiaient l’album collectif : "Immigrants" à l’occasion d’un partenariat avec le festival citoyen BD Boum à Blois ; onze témoignages et six textes d’historiens pour briser les idées reçues...

On se souvient également, sur ce thème, en 2013, de la très belle exposition intitulée "ALBUMS - Des histoires dessinées entre ici et ailleurs", qui s’était tenue au Musée de l’histoire de l’immigration à Paris, regroupant plus de 400 documents, de George McManus à Halim Mahmoudi en passant par ceux de Will Eisner, Enki Bilal, Farid Boudjellal, Zeina Abirached et autres. Une multitude de grands noms attachés à une cause universelle.

En 2015, alors que la guerre en Syrie fait rage depuis plusieurs années déjà, Zep réalisa sur son blog sept planches bouleversantes de son célèbre personnage Titeuf pris dans la guerre et tentant de s’enfuir... Nous en avions rendu compte.

Attardons-nous aujourd’hui sur quelques titres parus aux éditions Des ronds dans l’O, un éditeur qui traite souvent de sujets sociétaux engagés et qui a déjà abordé à plusieurs reprises cette thématique.

L'immigration, au coeur de l'actualité... et de la bande dessinée !Le dernier album de ce type paru chez cet éditeur date de janvier 2016 : "Etenesh, l’odyssée d’une migrante", de l’Italien Paolo Castaldi. Comme son titre l’indique, il s’agit du parcours d’une migrante : Etenesh, qui débarque sur les côtes de Lampedusa, presque deux ans après son départ d’Addis Abeba en Éthiopie. Elle garde en elle la mémoire d’un voyage infernal entrepris dans l’espoir d’un avenir meilleur. Elle a parcouru le Soudan, le désert du Sahara, a fini dans les mains de trafiquants d’hommes dans une prison en Libye, a traversé la mer Méditerranée à bord d’un canot de sauvetage pensant à chaque mètre que tout ce périple se conclurait en vain.

Etenesh existe réellement, elle vit désormais en Italie. Paolo Castaldi a retranscrit son témoignage en bande dessinée de façon saisissante. Le graphisme est efficace et original. La couleur ocre évoque le désert. La narration, parfois elliptique (le voyage a duré près de deux ans...), nous entraîne sur les pas d’Etenesh et de ses compagnons d’infortune. Le livre est soutenu par Amnesty International qui a, qui plus est, rédigé une post-face pour rendre compte des enjeux des flux migratoires actuels. Un livre à lire et à faire lire.

Paolo Castaldi qui était au Festival d’Angoulême cette année a reçu un très bon accueil du public et a reçu le prix "Valeurs Humaines" 2016 du CRIABD.

© Des ronds dans l’O

Paru en avril 2011, "Droit d’asile" d’Étienne Gendrin parle de ces jeunes demandeurs d’asile mineurs arrivés en France après avoir fui leur pays et protégés jusqu’à leur majorité. L’auteur a recueilli les témoignages de cinq d’entre eux et nous décrit le parcours administratif pour l’obtention (ou non) du droit d’asile... Une interview de l’auteur avait été publiée, souvenez-vous-en, sur ActuaBD.com.

En ce qui concerne les adultes, les malheureux "sans papiers" risquent fort de se retrouver dans un "CRA", un Centre de Rétention Administrative... C’est l’objet d’une autre bande dessinée de reportage, éditée chez Des ronds dans l’O en août 2014, réalisée par Jean-Benoît Meybeck : "CRA". L’auteur a également recueilli et mis en images des témoignages (dans le cadre d’une campagne de sensibilisation menée par Migreurop et Alternative Européenne) sur ce sujet quasi tabou que sont les CRA... Là encore, une interview de l’auteur sur ActuaBD.com était venu signaler sa parution.

Le même auteur publie en mars prochain chez le même éditeur un livre pour enfants expliquant les enjeux et le parcours des migrants : "Koko au pays des Toutous".

En 2014 est sorti, toujours chez Des ronds dans l’O, "Un Monde libre" de Halim Mahmoudi qui décrit une réalité de la vie en banlieue de Khalil et ses potes qui n’est pas rose : entre racisme, discrimination, harcèlement policier et poids de l’Histoire..., le jeune Khalil grandit. Il devient adulte et décide, après avoir pris totalement conscience de sa situation ainsi que celle du monde, suite au décès tragique de sa mère, de prendre son destin en main, de sortir du ghetto, de parcourir le monde et d’y prôner la Révolution.

Si Halim Mahmoudi, depuis le 7 janvier 2015, écrit malheureusement un certain nombre de propos contestables sur Internet (il se dit anti "Charlie", etc.), il n’en reste pas moins que son livre nous apporte un témoignage intéressant et une réflexion sur la vie d’enfants ou petits-enfants d’immigrés dans les banlieues...

Enfin, terminons par un très bel album paru en mai 2015, celui de Laurent Bonneau : "Nouvelles graphiques d’Afrique".
Dans cet ouvrage, un garçon de 21 ans remet en question ses conditions de vie en Afrique subsaharienne, son éducation, son pays. C’est sur ces notes que débute ce recueil graphique de courtes histoires sensibles, mêlant déambulations et pensées intérieures présentées sous forme de témoignages.
L’auteur a séjourné plusieurs fois dans différents pays d’Afrique durant sept années, réalisant des films courts métrages et des carnets de voyages. Il a eu envie tout naturellement par la suite de réunir tous ses ressentis et ses réflexions sur les choses qu’il a pu entendre et voir là bas.

Il montre une Afrique au plus juste, loin des clichés. L’écrivain, scénariste et photographe Gauz a écrit à propos de cet album : "Le cercle de l’assemblée se resserre autour des « Nouvelles graphiques d’Afrique » de Laurent Bonneau qui raconte et conte si bien une Afrique si proche et si loin de tout le village France. À l’indicatif, composée, décomposée, recomposée, il parle au présent d’une Afrique plurielle."

Graphiquement, le résultat est éblouissant. Le style varie d’une nouvelle à l’autre pour s’adapter aux propos... Ci-dessous une petite vidéo réalisée à la librairie Mollat à Bordeaux dans laquelle Laurent Bonneau parle de son album.

La bande dessinée traite de tous les sujets, l’immigration ou la mémoire de l’immigration en fait partie. Nous aurions pu citer d’autres titres comme : "Petit-fils d’Algérie" de Joël Alessandra, "Portugal" de Cyril Pedrosa, "Le Cousin Harki" de Farid Boudjellal, "Exil" de Henri Fabuel et Jean-Marie Minguez, "Là où vont nos pères" de Shaun Tan,etc.

Ce sont d’excellents outils de médiation pour en parler en famille ou en classe. C’est à la fois beaucoup d’albums et relativement peu par rapport à l’ampleur et la prégnance de ce problème sur la situation politique actuelle. Un sujet à suivre ; vous pouvez commenter en ajoutant à cette liste les albums que vous avez appréciés et que nous aurions oubliés, car la liste est loin d’être close...

(par François Boudet)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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4 Messages :
  • l’un des plus beaux livres sur le sujet reste Les Ombres de Zabus et Hyppolite, paru chez Phébus. Un chef d’oeuvre !

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    • Répondu par HAL le 22 février 2016 à  10:13 :

      L’article est très intéressant, et bien écrit. Cependant un point : le terme "anti-Charlie" n’est pas du tout approprié. Il aurait fallu dire que l’auteur n’est "pas Charlie" tout simplement. Comme beaucoup de personnes sont libres de l’être ou ne pas l’être d’ailleurs. C’est ce qu’offre la liberté de conscience à chacun(e), pour peu que la liberté soit une valeur réelle, et non une arme... Mais dire qu’un dessinateur de presse est "anti-Charlie" et laisser entendre que c’est depuis Janvier 2015, c’est un peu absurde, voire même blessant. Par ailleurs cet auteur était ami avec quelques uns des dessinateurs de Charlie. Cavanna ne se sentait même plus Charlie à la fin de sa vie, et Siné n’en parlons pas... Bref, c’est plus complexe que être ou ne pas être "Charlie". C’est triste, on ne devrait pas juger, ou prêter des intentions aux autres, mais plutôt questionner, ouvrir le champs aux opinions diverses. Cette ouverture d’esprit sur l’immigration, il faut aussi l’avoir pour les pensées différentes.. Amitiés.

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      • Répondu par Francois Boudet le 22 février 2016 à  11:31 :

        Halim, je te respecte, je respecte ta liberté d’expression et de conscience ; mais je ne peux pas te suivre quand tu fustiges en permanence la laïcité, les valeurs de la république, inexistantes selon toi, le droit au blasphème ; que tu soutiens Dieudonné, Médine, Tariq Ramadan, etc. Je renvoie à ton dernier texte sur internet : "Halim Mahmoudi, je suis dessinateur de presse et je ne suis pas Charlie."

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        • Répondu le 8 avril 2016 à  20:15 :

          Francois, Je critique les valeurs de la république, pas les valeurs humaines pacifistes et solidaires. Il y a malheureusement une marge entre les deux...

          Je m’efforce à plus de lucidité c’est tout. Je ne critique pas par haine, mais par respect, honnêteté. Et cela ne veut surtout pas dire que je n’aime pas ce pays. Bien au contraire. Alors c’est dommage que l’on fasse ce raccourci en permanence lorsque Dieudonné, Ramadan, ou Médine ( que je pense sincères) essaient eux aussi de critiquer ces libertés que tout le monde semble s’être donné pour mission d’ériger en bouclier ou bien comme une arme. Je n’interdirai même pas Lepen, Zemmour ou Finkelkraut, je ne vois pas l’intérêt d’interdire qui que ce soit.
          Ca me donnerait l’impression d’ériger des barricades, et souffler sur les braises de l’incompréhension, et du conflit (pas le chemin idéal pour trouver une paix ou une solution à un problème).

          Quant au blasphème je ne l’ai jamais interdit, je ne suis pas contre du tout sinon quel dessinateur de presse je ferai ? Je fais seulement la différence entre un dessin d’humour et un dessin raciste. Je me suis expliqué sur un article pour dire cela. Et je serai ravi que l’on m’explique en quoi j’ai tort, cela ne me dérangerai pas le moins du monde. Mais jusque là, il se trouve que mes arguments tiennent la route, et fasse même la lumière sur les zones d’ombres du "droit au blasphème".

          C’est pareil pour le voile , je suis pour le voile à priori, mais je déteste l’aveuglement de ma communauté à ne pas vouloir admettre qu’il y a réellement un problème ( le changement de comportement, le prosélytisme du repli sur soi) avec ça depuis l’emprise de la doctrine wahhabite des Emirats sur le monde arabe ( même en Algérie c’est visible !).

          je te respecte et t’estime tout autant. Très sincèrement. Ça passe même au-delà de nos "divergences" d’opinion, qui à mes yeux sont minimes, puisque l’un comme l’autre nous souhaitons que toutes et tous vivent en paix, dans un monde en paix. Donc tout le reste, les avis, ce n’est pas grave... ça relève plus de nos expériences de vies, de nos angles de vu. Mais tu vois, je vois cela comme une richesse, et non pas un fossé qui nous séparerait...

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