Il paraît que c’est sous l’Occupation qu’a été entamée cette incroyable fresque contant l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Elle est dessinée par Edmond-François Calvo, l’un des plus extraordinaires illustrateurs français du siècle. Son dessin est sous l’influence de Disney (ce dernier ne manqua pas à la Libération de le rappeler à l’ordre : son méchant loup rappelant trop le sien. Un accord fut trouvé en enlevant la truffe des loups à l’album de Calvo, détail qui distingue les premières éditions des secondes) et de Tex Avery mais, le lyrisme et la justesse de son trait font immanquablement penser à Gustave Doré.
Jean Trubert, qui l’avait bien connu, me décrivait Calvo comme un homme très grand, « bâti comme une armoire normande », doté de grosses lunettes de myope, « aux mains énormes ». En regardant les originaux qui sont exposés en ce moment au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, on constate bien qu’il s’agit d’un travail de myope, d’une minutie incroyable. Il y a une scène de bataille dans le désert, sans aucune ligne de fuite, mais qui respecte néanmoins avec une ahurissante maniaquerie la justesse des proportions inscrites dans une perspective invisible, en même temps qu’un rendu des matières à l’aquarelle qui donne le frisson. On imagine un Calvo aux paluches énormes en train de faire ces miniatures…
La présence de ces planches à quelques mètres du Maus de Spiegelman interroge sur la nécessité de passer par le filtre de la représentation animalière pour traiter d’un sujet aussi terrible que les atrocités de la Seconde Guerre mondiale. Entre les deux œuvres, plus de trente ans, une longue période de résilience. Précise à la limite du cryptique, La Bête est morte vient d’être rééditée par Gallimard. Une édition qui rend justice au chef-d’œuvre.
Cette satire de la barbarie, joyau du patrimoine de l’humanité, est recommandée par l’éducation nationale en accompagnement du programme des collèges. Le Collectionneur de Bandes Dessinées, dans son prochain numéro (N°112) publiera une étude sur Victor Dancette, son scénariste, dont on sait finalement peu de choses.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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