1917, Moscou : elle est Russe et révolutionnaire, il est Américain et pacifiste. Natalia et Walter se rencontrent aux premiers jours de la Révolution d’Octobre. Ils sont tous deux étudiants en art, et la révolution est aussi celles de la création. Les couleurs éclatent, l’art devient abstrait ! Nos amants, aussi curieux qu’intrépides, vont découvrir ensemble un monde dont les normes explosent, entre terreur et fascination.
1922. Après avoir quitté la Russie en compagnie de leur maître Kandinsky, Walter et Natalia entrent au Bauhaus en Allemagne. Une école d’art et de tolérance où ils y découvrent l’écologie avant la lettre, et la liberté sexuelle, un lieu d’enseignement aussi qui est un îlot de résistance face au fascisme naissant, où d’étranges professeurs font aussi office de gourous. Une drôle de vie d’étudiants les attend dans ce monde en crise.
Les sentiments de Walter et Natalia s’exacerbent, ils vont s’aimer mais aussi s’opposer. Walter ira même jusqu’à intégrer un mouvement spirituel de fanatiques présidé par le charismatique Johannes Itten, professeur au Bauhaus. Natalia fera tout pour sortir Walter de cette secte qui entretient de dangereuses connivences avec leur pire ennemi, le nazisme…
Amères retrouvailles en juillet 1945. Les troupes Alliées parcourent les ruines de Berlin encore fumantes. Enrôlé dans les forces armées américaines, Walter fait partie de la division des « Monuments Men ». Sa mission : explorer ce qu’il reste des lieux culturels de la capitale pour tenter de sauver les œuvres d’art épargnées par les bombes.
En effet, dès 1940, la clique d’Adolf Hitler avait pillé l’Europe entière de ses chefs-d’œuvre pour la création d’un musée à sa gloire. Un trésor qui fait des envieux, car les troupes russes se livrent également à une chasse à l’art. Et Walter ignore que celle qui est à la tête de la « Mission trophée » ordonnée par Staline n’est autre que... son ancien amour, Natalia !
Cette nouvelle série scénarisée par Jack Manini entraîne donc le lecteur à la suite d’un couple improbable qui découvre les rêves de la révolution rouge, avant de déchanter. Après un premier tome plein d’action, le rythme se ralentit sensiblement dans le deuxième opus qui traite du fameux Bauhaus, cette école d’art des plus pointues, morte et est née plusieurs fois. Les longs dialogues de cet épisode raviront les amateurs d’art mais laissent le commun des lecteurs quelque peu sur leur faim.
À ce Rouge Révolution et ce Bleu Bauhaus, s’ajoute une troisième couleur : Jaune Berlin. Une relation d’amour et de rivalité sur fond de chassé-croisé entre les forces russes et américaines, concluent un récit qui retrouve sa dynamique.
Au dessin, Olivier Mangin nous livre sans doute sa meilleure série : ses décors sont travaillés, mais c’est surtout dans la façon dont il incarne la passion des personnages qu’il déploie tout son talent. Les regards des amants, tantôt enflammés, tantôt courroucés, donnent toute leur force à cette saga romantico-artistico-militaire. Il a également particulièrement soigné l’ambiance de l’album, collant avec talent aux différents tempos du scénario… et de la couleur au centre de chaque récit ! Une très belle réussite.
Deux cahiers historiques de huit pages se rajoutent aux deuxième et troisième tome. De quoi prolonger sa lecture et son intérêt.
(par Charles-Louis Detournay)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.