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La Langouste ne passera pas !! – Par Tito Topin & Jean Yanne – Casterman

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 7 décembre 2011                      Lien  
La langouste a fini par passer ! Un OVNI millésimé 1969 fait sa réapparition dans le catalogue de Casterman. Il est signé au scénario par Jean Yanne, l’acteur et cinéaste de « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil… », et au dessin par Tito Topin, le scénariste de la série « Navarro ». Un véritable document d’époque.

C’était au temps où le monde était gouverné par De Gaulle, Nixon et Mao Tsé Toung, où nos aînés avaient foi dans le nucléaire tout puissant et le pétrole quasi gratuit et se languissaient à la vue de Brigitte Bardot, choisissaient entre les Beatles et les Rolling Stones, regardaient sur l’ORTF (en noir et blanc) les shows yéyés de Jean-Christophe Averty. Un autre monde.

La révolution était dans l’air. Goscinny se faisait humilier à Pilote et s’essayait à une sorte d’autogestion éditoriale qui allait droit vers l’échec, Tintin et Spirou entamaient leur déclin et Pif Gadget avaient des ventes aussi bondissantes que ses pois sauteurs mexicains ou les scores électoraux du Parti Communiste. Chacun voulait être dans le coup, voulait « faire jeune », à commencer par Jean-Paul Sartre.

Les éditions Casterman, ébahies par le succès d’Astérix qui décollait vraiment dans ces années-là, cherchaient la potion magique qui allait « moderniser » leur catalogue. Ils n’avaient pas encore découvert Hugo Pratt.

La Langouste ne passera pas !! – Par Tito Topin & Jean Yanne – Casterman
"La Langouste ne passera pas !!" – Par Tito Topin & Jean Yanne. Un dossier bourré de documents accompagne cette édition.
(c) Ed. Casterman

Passe Jean Yanne, ludion des médias, nouvelle star du grand comme du petit écran. Tout ce qu’il touche vaut de l’or. On lui commande une BD. C’est Topin dont le trait est « psychédélique » et « pop » comme du Pellaert [1] qui s’y colle.

Il avait tapé dans l’œil des éditeurs de la maison tournaisienne avec ses quelques pages publiées dans des journaux catholiques. C’est un pur débutant. Yanne et Topin n’ont, l’un et l’autre, quasi aucune expérience dans la BD. Cela donne cet OVNI, décousu au possible, truffé de jeux de mots improbables et de références aujourd’hui quasi cryptiques, mais passionnantes si l’on veut bien s’y pencher : parodies de publicités et des médias, caricatures d’hommes politiques, allusions à la situation économique (notamment à la dévaluation qui avait suivi Mai 68), à la mode, aux films de SF, à une BD comme Astérix même…

La notoriété de Jean Yanne fait la différence. La BD est pré-publiée dans Télé 7 Jours, le plus fort tirage de la presse hebdomadaire d’alors. L’album se vend à près de 150.000 exemplaires, un succès sans lendemain –l’expérience s’arrêtant au deuxième titre car, irrité par l’anticléricalisme de Jean Yanne, Louis-Robert Casterman milita pour l’avortement… de cette collection. Exit Les dossiers du B.I.D.E., car tel était leur nom. Les deux seuls volumes publiés figurent dans cette intégrale.

Topin quitte alors la BD pour faire carrière dans le cinéma et la télévision. On lui doit notamment la création du Commissaire Navarro qui fut des années durant la potion magique des soirées de TF1. « C’est la BD qui m’a permis de connaître les techniques du cinéma » déclara-t-il plus tard à ActuaBD.

À la faveur des fêtes, la Langouste s’invite sous le sapin. La nostalgie aussi.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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[1Auteur de Jodelle et de Pravda la survireuse. Figure du Pop Art dans la bande dessinée.

Casterman
 
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11 Messages :
  • IL y a un petit air de ’Ligue des gentlemen extraordinaire : 1969’ dans cette maquette. Hasard ou coïncidence ?
    Je me rappelle très bien de ’la langouste ne passera pas’ qui était une des rares BD, avec Tintin, que je trouvais chez ma grand-mère et que j’ai lu plusieurs fois alors que j’avais 10 ou 12 ans. Je n’y comprenais pas grand chose, mais j’aimais le côté délirant et coloré de ce drôle de machin. C’est sans doute devenu illisible, mais qu’importe, les dossiers du B.I.D.E. ont un sacré gout de nostalgie pour moi

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  • Vite ! De la mayonaise !

    Effectivement, c’est un ovni psychedelique bien poilant. Pas sur qu’il ait bien vielli...

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    • Répondu par Gill le 7 décembre 2011 à  15:29 :

      "Pas sur qu’il ait bien vielli" ? Comme toutes les BD qui sacrifient à la mode. Celle-ci est particulièrement marquée par les années 70 et s’y retrouve rattachée quoi qu’on y fasse. Délires, multi-références et psychédélique.

      D’autres, comme "Astérix" (sorti à la même époque), restent éternelles. Uderzo et Goscinny préféraient leur "Oumpah-Pah" parce qu’ils étaient passionnés par le western, le grand genre populaire de l’époque. Qu’est devenu le western, aujourd’hui ?

      Les auteurs et éditeurs devraient s’en souvenir qui ne jurent que par le style qui prévaut actuellement. A court terme, OK. Mais si on vise la postérité ?

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      • Répondu par Lo le 7 décembre 2011 à  15:56 :

        "viser la postérité", voilà la pire des prétention !

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        • Répondu par Gill le 7 décembre 2011 à  17:46 :

          Viser la survie à court terme, alors ? ;o)

          Je voulais dire (en plus court) : "si l’on cherche à créer une oeuvre que le lecteur aura plaisir à lire et relire très longtemps sans se lasser, sans avoir ce sentiment d’avoir sous les yeux un truc passé de mode, un truc que ses enfants pourront tout autant apprécier que lui-même".

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        • Répondu le 8 décembre 2011 à  02:26 :

          Viser le succès immédiat en se foutant de la postérité, voilà la plus basse des prétentions.

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        • Répondu le 8 décembre 2011 à  02:33 :

          "Viser la posterité", la plus noble des prétentions (mais prétention quand même ! Voire même la prétention absolue, mais en aucun cas la pire !) car l’auteur, par définition, ne peut en profiter.

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  • merci pour ce bain de jouvence ! 1969 : A l’époque, je n’étais qu’un jeune et modeste étudiant en droit. Cette période coïncide avec une merveilleuse émancipation de la femme, jusqu’alors réduite à objet de mariage !

    Je n’ai pas à l’époque acheté ces albums, pourtant présents chez tous les libraires (surtout La langouste !!). Mais je me suis ratrappé par la suite en lisant les Séries Noires que vous avez oublié de mentionner. Cordialement

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  • Didier si je puis me permettre, et c’est mineur, je ne partage pas votre phrase sur le "déclin" de tintin et pilote ou spirou, du moins sûrement pas en 69 où il me semble que le lecteur d’alors dont j’étais (13 ans alors...) , pouvait encore trouver un tas de merveilles et de récits qui sont devenus des classiques. Je parlerais plutôt de fin 71 et 72 pour dater ce déclin qui eut effectivement lieu, à bas de Poppys et autre trucs à la mode dans mon journal préféré. En 69, grande créativité dans ces trois hebdos, au contraire. je ne fais pas la liste, mais je suis certain que de Blueberry à Alix en passant par Lefranc, Vaillant, Astérix et Gaston les titres de cette année "érotique" - selon Serge - sont des classiques...

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    • Répondu le 8 décembre 2011 à  21:34 :

      C’est quand on est à l’apogée que le déclin commence.

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  • La Langouste ne passe pas du tout
    11 décembre 2011 21:47, par Pulsar

    J’ai eu la faiblesse d’acheter cet album sur le nom de Jean Yanne et effectivement La Langouste ne passe pas. C’est nul, mais nul, je n’ai même pas fini la lecture, ce n’est pas tant le dessin qui gêne (très médiocre même indépendament du style psyché) mais le scénario , si on peut appeler ça comme ça, c’est vraiment super nul, jamais drôle. J’espère que je vais réussir à me le faire rembourser.

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