Rarement un titre aura aussi bien résumé un album : une mère, témoin de la mort de son fils, voyage jusqu’au repaire de la Mort pour le reprendre, mais il est trop tard. Et en parallèle, dans une autre famille, une autre maman supplie les maîtres de l’autre monde de ramener son enfant à elle. Mais là encore, le garçon est entre deux états, et sa situation se révèle insupportable...
Il faut retourner le livre à mi-chemin, pour passer d’une histoire à l’autre, grâce à une double page en miroir qui opère la transition. Truffé de références de toutes époques et de foisonnants univers littéraires, cet album, comme le précédent travail de Nicolas Arispe, diffuse un charme vénéneux jusque dans sa morbidité glaçante. Outre la réflexion qu’il offre à propos de cette autre vie qui hante tout humain, son écrin d’illustrations débordant de détails fascine d’une page à l’autre. Le texte, concis jusqu’à l’épure, est signé de deux conteurs, Alberto Laiseca (argentin) et Alberto Chimal (mexicain). Il rappelle autant le gothique romantique européen que le culte des morts mexicains, récemment honoré par le formidable Coco au cinéma.
Pour la deuxième fois, les éditions Le Tripode mettent en valeur l’univers d’Arispe, et son noir et blanc d’une richesse singulière. En Argentine, La Mère et la Mort a été honoré par un prix jeunesse. Car oui, malgré son thème, ce livre ouvre une réflexion philosophique dès les débuts de l’adolescence.
(par David TAUGIS)
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