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La République des couacs - Par Renaud Dély et Aurel - Glénat

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 20 novembre 2014                      Lien  
Reprenant pas à pas les faits saillants de la première partie du quinquennat de François Hollande, cet album est une excellente chronique d'une gouvernance qui godille entre le poids des promesses et des idéaux portés par la gauche et le principe de réalité qui est celui auquel est confronté chaque homme politique qui accède au pouvoir.

Il n’est pas rare que les esprits étroits d’un certain discours stigmatisent ce genre de bandes dessinées qui "polluent les rayonnages" au détriment d’une bande dessinée d’auteur "qui apporte quelque chose au médium" (c’est leur formule favorite). Et de gloser ensuite à propos de la surproduction. Sont visés ici les auteurs de ce type de BD, qui font rarement partie d’un certain sérail. Renaud Dély est journaliste ("pouah", forcément, si l’on s’en tient à l’usage en cours) et Aurel est caricaturiste, donc pas un auteur de BD à proprement parler.

C’est oublier que l’on ne crée pas une BD "pour apporter quelque chose au médium", mais pour apporter quelque chose au lecteur ; que les caricaturistes et les illustrateurs, de Caran d’Ache à Reiser, Cabu, René Pétillon ou Jul, ont apporté à la bande dessinée quelques-uns de leurs outils les plus efficaces : l’art de la synthèse, le trait spontané qui fait mouche, voire une certaine méchanceté de propos à laquelle la bande dessinée bourgeoise et conservatrice s’est pendant longtemps refusée.

La BD de Dély et Aurel apporte-t-elle quelque chose au lecteur ? Sans aucun doute. La caractéristique des mass médias modernes, que ce soit la TV ou les réseaux sociaux, c’est qu’ils diffusent un flux continu d’informations courtes. L’avantage de la BD, c’est son art de la synthèse. "En un dessin, tout est dit" concluait Baudelaire à propos de l’art de Daumier. Pas seulement en un dessin : une bande dessinée, c’est avant tout une histoire, celle d’un quinquennat en cours sur lequel on s’arrête ici avec d’autant plus d’intérêt que le journaliste politique Renaud Dély connaît chacun des personnages qui en composent la dramaturgie.

Il n’y a pas chez cet auteur le dénigrement ordinaire et facile de la politique que l’on constate par exemple dans les pitoyables Guignols de l’info de Canal +, un programme naguère savoureux, aujourd’hui mort-vivant, davantage navrant que drôle. Il n’y a pas non plus la paresse intellectuelle d’un Plantu, le dessinateur-éditorialiste du monde qui se contente désormais à amalgamer deux faits du jour pour en tirer un prétendu trait d’esprit.

Il y a au contraire, même si l’on sent des opinions bien ancrées, une vision très informée du storytelling politique qui nous campe avec sagacité des personnages et leurs enjeux : Montebourg et la nationalisation ratée de Florange, l’éviction de Delphine Batho , éphémère ministre de la transition écologique, sous la pression des lobbies énergétiques ; les pas-de-deux fiscaux de Moscovici ; l’affrontement entre Manuel Valls et Christiane Taubira ; les atermoiements du pacte de responsabilité...

La République des couacs - Par Renaud Dély et Aurel - Glénat
La République des couacs - Par Renaud Dély et Aurel. Des notes en marge donne toutes les infos complémentaires qui permettent de mieux comprendre le sel de l’histoire.

On ne ressort pas d’un tel livre avec une haine accrue contre Hollande ou contre ses opposants, ni avec un dégoût de la chose politique. Au contraire, il apporte de façon légère des éléments de réflexion et des interrogations qui redonnent envie à s’intéresser à l’action de ces icônes surfaites qui nous gouvernent.

Aurel s’acquitte proprement de la mise en images de cette histoire. Pas facile de caractériser les dizaines de personnages qui gravitent autour du char de l’état. On regrette cependant des caricatures un peu floues qui rendent difficiles les identifications, alors qu’il rend très bien les attitudes de chacun des protagonistes (le côté matamore incontrôlable de Montebourg, intelligent et roué de Hollande, déterminé mais peu charismatique de Ayrault...)

Alors, que cela "apporte quelque chose au médium", on s’en bat le coquillard, cette lecture est intéressante et plaisante. Il y a dans la vie des choses plus importantes que la bande dessinée, et cette bande dessinée nous invite à nous y intéresser.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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