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"La Revue Dessinée" n° 13 : trois ans de reportages pour une entreprise réussie

Par Frédéric HOJLO le 19 septembre 2016                      Lien  
Le numéro d’automne de "La Revue Dessinée", paru début septembre, marque les trois ans d’un projet éditorial inédit : rendre compte par la bande dessinée d’un travail journalistique approfondi. Un projet ambitieux mais réussi, jusqu’à maintenant, grâce à un grand sérieux et des choix assumés.

La Revue Dessinée, que nous vous avions présentée dès son lancement, parvient avec ce treizième numéro à ses trois ans. L’âge de la maturité pour une revue décidée à occuper un créneau éditorial encore neuf à son départ ? Nous pouvons l’affirmer, tant La Revue semble avoir trouvé son rythme de croisière… et séduit son lectorat.

L’équipe de La Revue Dessinée, dirigée par Franck Bourgeron (directeur de la publication et rédacteur en chef), Sylvain Ricard (rédacteur en chef adjoint) et David Servenay (conseiller à la rédaction en chef), tous trois également fondateurs actionnaires, affirme ne pas « être adepte des commémorations ». Nous ne lui en voudrons pas de ne pas sacrifier à ce qui est devenu un véritable rite… Mais nous lui savons gré de nous livrer un premier bilan de son projet éditorial.

La Revue Dessinée, affirme son équipe, a plus que doublé son chiffre d’affaire, celui-ci passant de 300 000 euros en 2013 à 665 000 euros en 2015. Cette réussite économique n’est pas due à d’improbable profits publicitaires, mais aux ventes de La Revue. Sur les douze premiers numéros, une moyenne de 12 000 exemplaires a été vendue, pendant que le nombre d’abonnés passait de 500 à 6 000.

Une analyse fine de son lectorat serait probablement fort instructive, bien que difficile à mener. Nous savons pour l’instant que 14 % des abonnés sont des collectivités et que 10 % d’entre eux résident à l’étranger (Suisse, Belgique et Canada en tête, mais pas uniquement). Quant aux abonnés français, ils vivent pour un tiers en Île-de-France, ce qui équivaut à une très légère surreprésentation de la région parisienne.

"La Revue Dessinée" n° 13 : trois ans de reportages pour une entreprise réussie
LRD 13 © La Revue Dessinée 2016

Si le bilan économique est largement positif, que dire du bilan éditorial ? Certains sont sans doute déçus : ceux qui souhaitaient davantage de légèreté et d’humour, ceux encore qui voulaient un décryptage des actualités les plus brûlantes, ou même ceux qui désiraient voir des expérimentations graphiques plus poussées.

Pour les autres, dont nous sommes, La Revue Dessinée est plus que satisfaisante : elle se révèle passionnante. La ligne éditoriale est précise et rigoureusement suivie. Il s’agit d’éviter les sujets à la pointe du « buzz » pour au contraire donner le temps aux journalistes et dessinateurs d’enquêter, de façon approfondie et souvent avec un angle précis. Cet engagement est assumé par la rédaction, sans pour autant être un parti pris obtus et contraignant. C’est bien ce qui nous est rappelé dans l’éditorial du n° 13 : La Revue ne veut pas nous « indiquer la couleur du bulletin à glisser – ou non – dans le secret de l’isoloir », mais nous convier sur « un chemin à emprunter pour se saisir d’un certain sens du collectif ».

Or ce numéro d’automne vient effectivement confirmer ces choix. Ainsi, les rubriques les plus « légères » ou humoristiques sont réduites à la portion congrue. Nous retrouvons la chronique sémantique de James et la rubrique sportive, dévolue cette fois-ci à Halfbob. Ce qui fait peu pour les lecteurs désireux d’avoir des espaces de respiration entre les sujets plus ardus. Car les autres chroniques, reportages ou enquêtes sont d’un sérieux presque austère, bien qu’heureusement très variés.

La culture trouve ainsi sa place avec la rubrique « Instantané », dédiée à la photographie, de Jean-Michel Billioud et Rudy Spiessert – rubrique que nous aimerions voir plus étoffée ou plus dense. « Face B » d’Arnaud Le Gouëfflec et Nicolas Moog est toujours aussi instructive – et pourquoi, si ce n’est pour des raisons de droits d’auteurs, ne pas donner à écouter sur le site Internet de la revue des morceaux cités dans cette rubrique ?

Pages 88-89 © La Revue Dessinée 2016

Tandis que Fabrice Erre et Terreur graphique poursuivent leur histoire de la caricature, « La revue des cinés », confiées dans ce numéro à Jeff Pourquié, donne envie de voir ou revoir de grands films. Enfin, la chronique scientifique de Jean-Philippe Uzan et Zoé Thouron, si elle se fonde sur un choix pertinent de ses sujets, reste encore légèrement brouillonne et pâtit de la comparaison avec le travail effectué par Marion Montaigne dans les premiers numéros de La Revue.

La revue des cinés © La Revue Dessinée 2016

Politique, économie et société se trouvent mêlées dans le reste de ce numéro. Cyrille Pomès s’arrête à Calais, au plus proche des migrants et des bénévoles, qu’il peint avec grâce et dépeint avec empathie. Patrick Roger et Aurel décryptent les rouages institutionnels de la Cinquième République française, en retraçant le parcours de la « Loi Macron »… Choix effectué évidemment avant que ledit Emmanuel Macron devienne l’un des personnages politiques préférés des grands médias.

Pages 18-19 © La Revue Dessinée 2016
Pages 56-57 © La Revue Dessinée 2016

Louise Fessard, Camille Polloni et Aurore Petit s’intéressent à l’histoire du flash-ball, aux débats – et aux dégâts – que son utilisation engendre. Le graphisme d’Aurore Petit, qui emprunte à celui de Jochen Gerner en y ajoutant des couleurs vives contrastant avec son sujet, convient parfaitement à la narration adoptée.

Pages 88-89 © La Revue Dessinée 2016

Le médecin et dessinateur Charles Masson explique comment il a choisi de s’engager auprès de Médecins du Monde. Son récit est vif, mais nous donne l’envie d’en savoir plus : le problème de « l’accès aux soins » en France, qu’il met judicieusement en lumière, mériterait quelques pages de plus, notamment pour décortiquer plus profondément le fonctionnement de la Sécurité sociale d’une part et l’attitude de certains médecins d’autre part.

Pages 144-145 © La Revue Dessinée 2016

L’enquête la plus ambitieuse et probablement la plus difficile à effectuer est celle d’Hélène Constanty et Thierry Chavant. Ils ont entrepris tous les deux de diriger leurs projecteurs sur la Principauté de Monaco, en s’appuyant sur l’histoire de l’assassinat de la milliardaire Hélène Pastor. Les millions et milliards d’euros, les manipulations immobilières, les privilèges fiscaux… Nombre des points abordés sont connus. Mais la volonté de les relier dans une même enquête, pour mettre au jour un système, est louable et plutôt réussie, même si une question à la fois naïve et primordiale reste en suspens : pourquoi l’Etat français continue-t-il de soutenir ce micro-Etat, paradis fiscal, royaume du béton et du cynisme ?

Pages 186-187 © La Revue Dessinée 2016

La Revue Dessinée, assumant ses choix éditoriaux, soignant sa maquette et sa conception graphique, a donc trouvé son lectorat. Avec des sujets ancrés dans son époque mais ne courant pas après la mode, traités avec beaucoup de sérieux et une réelle variété artistique, La Revue se place comme un périodique de référence, décidé à durer et même à grandir, comme le prouve le lancement récent de Topo.

Voir en ligne : Présentation du n° 13 sur le site de La Revue Dessinée

(par Frédéric HOJLO)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9791092530056

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