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La Table de Vénus - José Roosevelt - La Boîte à bulle

Par Nicolas Fréret le 2 avril 2004                      Lien  
Et si la civilisation perdait la mémoire ? Etrange et surréaliste, « La table de Vénus », version intégrale, est une fable faussement philosophique mais vraiment ironique sur une société manipulée, en perdition. Une bande dessinée originale, à lire tout simplement.

Tout commence par une couverture, comme le reste, belle, pas banale, intrigante et attirante. Tout finit par une couverture, la même. Elle n’a pas changé, notre regard, si. D’un seul coup, tout s’éclaire, tout y est, l’intégrale tient en une seule page, souple, aux personnages glacés, au relief délicat. Roosevelt est peintre et ça se voit.

Plusieurs fois éditée, « La table de Vénus » n’a semble-t-il jamais vraiment trouvé son public. A moins que ce ne soit le contraire. Sans le savoir, certains passionnés sont peut-être passés à côté d’un album de référence, où l’art de la bande dessinée est assumé sans prétention mais avec subtilité et délicatesse, où la finesse du trait s’allie à la sobriété d’un noir et blanc dénué d’exubérance, où la poésie des dialogues transcende l’intemporalité de l’oeuvre. On devine le regard aguerri de José Roosevelt sur le monde qu’il déchire avec malice et ironie en projetant un résidu de société civilisée, rongée par le vide, l’insignifiant et le superficiel.

Ouvrage prophétique ?

Avec le temps, la culture fossilise la mémoire d’un pays, d’un peuple, d’une civilisation. L’occulter ou l’interdire entraînerait fatalement l’amnésie générale. Mais à chaque prohibition ses rebelles irréductibles, ses besognes souterraines. Roosevelt a imaginé le pire, le bannissement des livres au profit d’une oisiveté extrême, sans travail, ni rêve. Et il a ressorti, entre autres personnages mythologiques, son canard fétiche et attachant, Juanalberto, petit être lettré, doué de réflexion et d’imagination, avide d’apprendre, de comprendre et de transmettre.

Imaginez alors qu’il tombe bec à bec sur une authentique bibliothèque ignorée de tous, riche des œuvres indispensables d’un temps révolu. Imaginez encore qu’il y découvre un exemplaire du « Nouveau Testament » s’initiant un peu, beaucoup, passionnément, au côté de disciples amadoués, à l’un des moteurs d’antan, la religion. Une aubaine lorsque l’on nourrit l’ambition de rédiger un scénario sur la vie d’un illustre inconnu, l’Antéchrist, pour la désuète télévision. Télévision qui semble dans le même temps et contre toute attente renaître de ses cendres, sous la houlette de fanatiques téléspectateurs organisés en secte. Tout cela semble tellement compliqué... et pourtant ! Pourtant, la fertile imagination du père de Juanalberto coule de source.

(par Nicolas Fréret)

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