Kobe, début des années 1950. Une mystérieuse tour suscite curiosité et fantasmes. Surtout depuis qu’un crime y a été commis en se servant du mécanisme d’une horloge pourtant réputée cassée.
Deux ans après ce meurtre, nous suivons Taïchi Amano qui mène une bien terne existence, allant d’échec en échec. Sans emploi, sans petite amie, sans argent et désormais sans famille, il n’a d’intérêt que pour des revues mêlant sexe et horreur.
Alors qu’il croise d’anciens camarades de lycée, il fanfaronne devant eux et se retrouve dans une situation embarrassante dont il est tiré par Tetsuo, jeune homme passant là, semble-t-il par hasard. Cette rencontre fortuite conduit, de fil en aiguille, notre héros à explorer les mystères de la Tour fantôme.
Derrière l’intrigue policière que dessine au premier abord le récit de Taro Nogizaka [1] s’affirme d’emblée un champ référentiel qui trace les perspectives profondes de la narration, des genres dans lesquels s’inscrit cette histoire. Ainsi, aux revues de l’après-guerre, mêlant pornographie et gore, dont Taïchi est grand consommateur, s’ajoutent le cinéma de genre et, en particulier, la mention du giallo italien.
Et c’est bien cela dont il va être question dans La Tour fantôme : des crimes à mise en scène sanglantes, des jeunes femmes comme victimes potentielles de ces horreurs, des glissements du thriller vers le fantastique et des personnages troubles, à la limite du malsain.
Tout ceci construit un manga des plus étonnants, à l’atmosphère pesante mais terriblement prenante. L’action y progresse de manière extrêmement rapide et l’engrenage dans lequel le héros se trouve pris se déploie dans une mécanique parfaitement huilée.
Ce titre, au graphisme classique, voire peut-être un peu trop lisse pour le sujet développé, apparaît comme un véritable seinen ne s’adressant clairement pas aux plus jeunes. Nul doute qu’il constitue l’une des très bonnes surprises du moment susceptible de plaire à ce lectorat plus mature auquel le manga, en France, s’adresse de plus en plus. La Tour fantôme est un excellent exemple de cette tendance.
(par Aurélien Pigeat)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
La Tour fantôme T1. Par Taro Nogizaka. Traduction Victoria Tomoko Okada. Glénat. Sortie le 19 mars 2014. 224 pages. 7,60 euros.
Commander ce livre chez Amazon ou à la FNAC
[1] Précisons toutefois que La Tour fantôme est l’adaptation manga d’un roman japonais reprenant lui-même un roman anglais de la fin de 19e siècle et d’abord assez librement traduit en japonais : ouf ! Ce qui suppose son lot de variations notables au fil des œuvres, à commencer par l’ancrage spatio-temporel spécifiquement choisi pour la version manga et le contexte culturel et historique qui en découle.