On devine dès les premières pages le profond désespoir qui habite Jean, membre dirigeant de la "bande tragique", un groupe de gangsters sanguinaires qui se targuent aussi d’un engagement prolétarien. Malgré son absence de scrupules quand il abat froidement tous ceux qui s’opposent à lui, le chef du gang ne parvient pas à aimer vivre. Ses deux leitmotivs : "la vie est dégueulasse" et "la vie est comme ça... pleine de mort".
Quant il parvient à se débarrasser du mari de son grand amour, Gloria, il n’arrive même pas à gérer la situation, incapable de profiter enfin d’un amour véritable. Il rencontre alors un psychanalyste qui va lui réveler ses blocages, ses obessions morbides, son deuil impossible (sa mère est morte lorsqu’il était enfant).
Il n’est pas accordé beaucoup d’importance aux casses de la bande, ni même aux préoccupations politiques de Jean. Le récit est constellé de narratifs en voix off qui soulignent son désespoir, annonçant sa fin inéluctable.
Les auteurs ont tenu à souligner la frustration sexuelle du personnage principal, et ces scènes provoquent parfois un décalage étrange avec le reste du récit. L’intérêt du lecteur se trouve quelque peu troublé par ces pistes divergentes. Difficile de suivre l’itinéraire semé de violence de Jean tout en découvrant ses problèmes psychiatriques.
Reste un Paris de l’entre-deux-guerres magnifiquement dépeint par Daoudi, et les dialogues acerbes de Léo Malet repris par Bonifay.
Un album singulier, qui ne se contente pas d’illustrer un destin tragique mais qui tente une analyse psychologique fouillée, avec, en particulier en fin de récit, des explications psychanalytiques.
(par David TAUGIS)
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