La Vénitienne, tomes 1 & 2 - Par Ordas et Gnoni - Editions Bamboo

Dans cette chronique historique, les auteurs nous proposent une aventure de cape et d’épée sombre et torturée ayant pour cadre une Venise crépusculaire. Une vision bien éloignée de celle des guides touristiques !

En cette fin du XVe siècle, le doge de Venise, Barbarigo a bien des soucis : les finances de la Sérénissime sont exsangues, Français et Turcs cherchent à mettre la main sur la cité, tandis que la pègre et les truands tentent de prendre le contrôle des bas-fonds, au risque de mener une fronde irréversible.

Lorenzo, surnommé « Le Barbier », est le chef d’une des plus redoutables bandes, composée d’une population interlope sans foi ni loi. Il a projeté d’enlever des filles de la noblesse pour rançonner leur famille. Lors d’une des nombreuses fêtes organisées par les plus fortunés de la ville, il kidnappe Constanza, la nièce du Doge. Peu farouche, la jeune femme est connue pour mener une vie libertine, ses ravisseurs ne manquent pas de lui faire subir les pires humiliations tant pour satisfaire leur soif de vengeance. Mais la belle est rebelle, devant les assauts sauvages et répétés des miséreux et autres crève-la-faim auxquels elle est livrée, elle se montrera inflexible et déterminée.

Dans ce second tome intitulé La Demoiselle du Grand Canal, on assiste à la tentative ratée du marquis et fidèle ami de Constanza pour la délivrer. Le jeune homme y perd la vie, tout comme le Barbier, victime des sentiments ambivalents qu’il nourrit à l’égard de la fille du Doge. Une fois sortie des griffes de ses ravisseurs, Constanza n’aura de cesse de se venger des violences et des humiliations qu’on lui a fait subir. Dans cette Venise au bord de la ruine, débauchée et gangrénée par les ambitions et les intrigues, son châtiment prend la dimension d’un règlement de compte impitoyable et sanglant.

La Vénitienne nous décrit une cité où le luxe et les excès côtoient la misère et la violence. Dans cette République faible où règnent la tyrannie et l’obscurantisme du Vatican, des fêtes sont offertes au petit peuple pour mieux l’asservir et le manipuler. Prenant appui sur ce contexte historique particulier, Patrick Ordas, l’un des piliers de grandes séries historiques publiée chez Grand Angle (Ambulance 13, la Rafale, …), jusqu’ici accompagné par son complice Patrick Cothias, nous propose ici un récit dense, documenté et foisonnant. Presque trop !

Tout en insistant sur les intrigues politiques et financières menaçant l’indépendance de la Lagune, il développe un récit à la fois romanesque et particulièrement sombre. Mais, bien que riche et captivante, cette base narrative prend le risque de noyer le lecteur au cœur d’enjeux multiples et contradictoires.

La Colombe Noire, premier tome paru en 2014.

Si le parti-pris du scénariste est de restituer le plus fidèlement possible la complexité et la confusion de l’environnement dans lequel évoluent ses personnages, ce choix semble se faire au détriment de leur consistance psychologique. La personnalité singulière de la plupart des protagonistes aurait sans doute mérité une attention plus approfondie, évitant parfois à la narration de sombrer dans les clichés complaisants.

Le dessin de Laurent Gnoni privilégie davantage les ambiances vénitiennes sans négliger le réalisme indispensable à ce type de récit. D’une manière générale, la composition et les cadrages correspondent à l’esprit du drame qui se joue, la souplesse du trait du dessinateur se trouvant éclairée avec bonheur par les couleurs douces et lumineuses de Sébastien Bouet qui transcendance une vision de Venise loin des clichés touristiques.