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La bande dessinée coréenne s’installe durablement en France

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 10 mars 2016                      Lien  
Invitée d'honneur au Festival de la BD d'Angoulême en 2002, les manhwas ont petit à petit fait leur chemin dans le marché de la bande dessinée francophone. Sans prendre les proportions gigantesques des mangas, la bande dessinée coréenne affiche sa créativité et sa différence à l'occasion de Livre Paris qui ouvre ses portes la semaine prochaine à la Porte de Versailles.
La bande dessinée coréenne s'installe durablement en France
"Les Jumeaux" de Jung-Hyoun Lee (Fremok)

Il paraît que l’expression "Pays du matin calme", un concept poétique forgé par le businessman et astronome américain Percival Lowell en 1886 pour désigner la Corée, est une erreur de traduction : "pays du matin frais" aurait été mieux adapté. La bande dessinée coréenne, en effet, ne manque pas de fraîcheur face aux concepts très formatés de la plupart des mangas. On les désigne même par le mot "Manhwa", les Coréens n’aimant pas trop se faire envahir par les Japonais, même lexicalement...

Ils sont venus en France après la bataille, en 1996, les mangas s’étant implantés dans l’hexagone six ans plus tôt. Mais ils l’ont fait avec patience et méthode, ce qui fait qu’annuellement, de nouvelles traductions de manhwas arrivent sur le marché, un peu en dents de scie, si on en croit le dernier Rapport Ratier pour l’ACBD puisque seulement 21 manhwas ont été publiés en 2015 contre 63 en 2014.

Une grande nation de bande dessinée

Un effort particulier de visibilité avait été fait en 2002, lors de la 30e édition du Festival d’Angoulême où trois lieux d’expositions avaient été montés accueillant une délégation de 16 auteurs coréens. Depuis la bande dessinée coréenne a fait son chemin, quelques centaines de titres ont été publiés dans une vingtaine de maisons d’édition mais les labels qui, par le passé, avaient été les plus proactifs pour leur diffusion comme Tokebi, Saphira ou Samji ont souvent été amenés à baisser le pavillon, la BD coréenne intervenant comme un pis-aller de la BD japonaise, d’ailleurs aujourd’hui fortement concurrencée par la BD chinoise.

"Les Jumeaux" de Jung-Hyoun Lee (Fremok)
"Je suis communiste" de Park Kun-Wong (2 vol. Cambourakis)

Cependant, à la faveur d’une place d’honneur de la Corée au Salon Livre Paris, qui ouvrira ses portes la semaine prochaine, la venue de certains auteurs qui seront interrogés sur la Scène BD par notre collaborateur Laurent Melikian permettra de jeter un regard sur la diversité et la richesse de la production actuelle.

Le débat sera introduit par mademoiselle Jung-Hyoun Lee, une dessinatrice obsédée par la mort et par les rêves qui réside à la Maison des auteurs à Angoulême entre 2008 et 2012 et qui a publié Les Jumeaux chez Fremok, une BD muette bien dans la ligne de la "bande dessinée de poésie" défendue par l’éditeur belgo-français.

Né en 1972, Park Kun-Wong s’est fait remarquer par sa technique graphique inspirée de l’estampe. Mais si son approche est esthétisante, ses sujets sont politiques et s’intéressent de près à l’histoire de son pays. Fleur (3 vol. chez Casterman) raconte l’histoire de villageois qui se rebellent contre une soldatesque qui se croit tout permis et qui prend prétexte de la menace communiste pour imposer son autorité. Massacre au Pont de No Gun Ri (Coconino - Vertige Graphic) raconte l’exode des habitants du nord vers le sud pendant la Guerre de Corée en 1950. Enfin, Je suis communiste dont deux volumes ont été publiés chez Cambourakis, raconte le retour à la liberté d’un communiste sud-coréen jeté en prison pendant 36 ans.

Plus intimiste, Hong Yeon Sik s’intéresse plus particulièrement aux histoires autobiographiques. Pas étonnant qu’il ait trouvé le chemin de l’éditeur Ego Comme X avec Histoire d’un couple où il raconte comment des citadins, à savoir lui-même et sa compagne, retrouvent le monde rural. Un ouvrage paru en deux volumes en Corée et en un fort volume en France.

Histoire d’un couple de Hong Yeon Sik (Ego comme X)
"Mauvaises Filles" de Ancco chez Cornélius.

La dessinatrice Ancco opère dans un registre plus social. Les Mauvaises Filles (Editions Cornélius) dont elle parle tournent mal. L’impertinence de Jin-Joo entraîne l’incompréhension de son père, qui la bat.

Derrière cette histoire, c’est toute la révolte des enfants d’une génération sacrifiée par la crise économique des années 1990 qui nous est contée avec une touchante sensibilité. Ancco profitera au même moment d’une exposition au Centre belge de la BD à Bruxelles jusqu’au 11 avril 2016.

Nous avons déjà parlé du remarquable Yallah Bye de Park Kyungeun (avec Joseph Safieddine au scénario, Le Lombard), un épisode de la Guerre du Liban, un pays où le jeune dessinateur coréen qui habite Paris s’est même rendu pour se documenter.

Enfin, on ne peut plus éviter Christelle Pécout, une française d’origine coréenne (c’est une enfant adoptée) qui vient de publier chez Glénat, K-Shock, un formidable ouvrage sur le phénomène de la K-Pop en Corée et dont nous vous parlons par ailleurs. Un album frais comme un matin calme coréen !

Une planche de "Mauvaises Filles" par Ancco (Ed. Cornélius)

Tous ces auteurs nous parleront de la Corée et de sa bande dessinée, de son ampleur et de son originalité, en particulier dans ses développements nouveaux, comme le webtoon. La bande dessinée coréenne vient d’entre dans l’histoire de la France, comme dirait l’autre.

"Yallah Bye" de Park Kyungeun et Joseph Safieddine (Le Lombard)

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

- Retrouvez Jung-Hyoun Lee, Park Kun-Wong, Hong Yeon Sik, Ancco, Park Kyungeun et Christelle Pécout sur la Scène BD de Livre Paris 2016 (S66) le jeudi 17 mars à 17h00. Modérateur : Laurent Melikian.
LIVRE-PARIS, du 17 au 20 mars 2016.
PARIS PORTE DE VERSAILLES – PAVILLON 1 BOULEVARD VICTOR, 75015 PARIS

- La Page Facebook de l’événement

- LIRE AUSSI : La BD fait son retour sur scène à Livre Paris

 
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