« Malédiction ! » est une des interjections favorites de Philip Mortimer quand Olrik lui échappe. Il peut en user dès le début de cet album qui s’ouvre sur la spectaculaire évasion de l’ennemi juré de nos héros britanniques. On y retrouve la veine historique des aventures de Blake et Mortimer, celle du Mystère de la Grande Pyramide avec ce zeste de fantastique présent aussi dans L’Énigme de l’Atlantide.
Qu’importe si le prétexte –les fameux trente deniers de Judas- ne se retrouve pas dans les Évangiles. Selon ceux-ci, Judas ayant au mieux rendu cette somme à ses commanditaires (Matthieu), au pire s’en serait servi pour acheter un champ (Luc) et se serait pendu ensuite. Ceux que cela intéresse peuvent même lire en ligne sur le sujet une exégèse d’un théologien émérite qui n’est autre que le pape Benoit XVI !.Qu’importe aussi le fait que cette histoire des trente deniers est un des fantasmes les mieux ancrés de l’antijudaïsme chrétien attribuant l’appât du gain aux Juifs.
Jean Van Hamme s’assoit sur ces incohérences, prêtant même au Professeur Mortimer une connaissance erronée des textes (il mentionne des « Actes des apôtres de Luc » qui n’existent pas) pimentant son récit avec des personnages hauts en couleur comme ce nazi ayant usurpé l’identité d’un rescapé de Mauthausen au patronyme arménien qui fait sortir Olrik de son pénitencier pour opérer ses basses besognes. Le reste n’est que cavalcades sans enjeu. Du grand n’importe quoi.
Heureusement, le dessin de René Sterne est convaincant et, même si parfois les personnages secondaires sont d’un burlesque à la limite du caricatural, on peut sans conteste le classer comme l’un des successeurs les plus honorables de Jacobs, juste derrière Ted Benoit. La reprise de Chantal De Spiegeleer se remarque à peine. L’œil exercé l’aperçoit surtout dans les décors.
Si cet album a tout du pastiche, c’est au scénariste qu’on le doit. Jean Van Hamme s’amuse et espère que son histoire amusera de même le lecteur. Hélas, on ne marche pas trop, même si, incontestablement, le savoir-faire est là, notamment dans le rythme. Le premier tome se termine sur un suspense plutôt tiède. On attend la suite bien sûr, mais sans vraiment de gourmandise. Malédiction !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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