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La rafraîchissante créativité du Festival Pulp à la Ferme du Buisson

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 13 avril 2015                      Lien  
Il y a, le saviez-vous?, près de 300 festivals de BD en France, quasiment un par jour... Pour sa deuxième édition, le Festival Pulp à la Ferme du Buisson, scène nationale de Marne-la-Vallée, dans la Région Parisienne, à deux pas de Disneyland, offre une programmation originale qui détonne dans l'offre éditoriale des festivals de BD traditionnels.

Les Festivals de BD tournent depuis des années autour des mêmes recettes : la dédicace, les accrochages de planches et, depuis quelques décennies, des "concerts de dessin" ou des performances-spectacles mettant le dessinateur en scène, des premiers concerts dessinés de Vaughn Bodé au Tac au Tac de la TV.

Quand La Ferme du Buisson, gigantesque scène nationale installée à Noisiel (Marne-La-Vallée) dans la Région Parisienne, située à 20 minutes de la capitale dans un ancien corps de ferme, met à disposition de la scénariste de BD Loo Hui Phang et du dessinateur Philippe Dupuy, soutenus par la chaîne de TV Arte, ce haut lieu de l’art contemporain, du théâtre et de la danse, c’est bien entendu pour inciter au mariage inédit de la bande dessinée et des arts vivants.

Le fait que ce festival soit piloté par des auteurs n’est pas anodin : cela induit des choix pointus, imaginatifs et hors des sentiers battus. Les auteurs en effet s’ennuient dans les festivals où ils sont alignés dans les stands pour produire des dédicaces comme des poules en batterie. Là, ils sont partie prenante des choix artistiques.

Doutes et renoncements

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Loo Hui Phang et Philippe Dupuy se sont bien entourés : ainsi en est-il du formidable projet que constitue l’exposition Bandes Fantômes dont le commissariat revient au scénariste Gwen de Bonneval et la direction artistique et la scénographie à Philippe Dupuy.

Nos deux complices ont l’idée d’exposer les bandes dessinées que vous ne risquez pas de lire : projets avortés, refusés par les éditeurs, oubliés, inachevés, cachés, censurés, détruits par accidents... Elles sont des centaines, ces bandes fantômes, signées des plus grands noms de l’histoire de la BD, de Caran d’Ache à Uderzo et Hergé, de Moebius à Tardi, d’Yves Chaland à Émile Bravo, de Jean-Christophe Menu à Marion Montaigne...

La rafraîchissante créativité du Festival Pulp à la Ferme du Buisson
Sur une longue bande, les "bandes fantômes"...

Le dispositif est en deux parties un espace où une bande (de Moebius ?) dévale avec des projections des œuvres avortées, une installation pourvue en son centre d"une petite marre où s’animent quelques personnages fantômes créés par des jeunes artistes vidéastes de l’ENSAD, et une autre, plus didactique, pourvue d’originaux et de bornes numériques où l’on peut examiner une à une les quelques 200 œuvres évoquées. À part, sur un grand écran, des auteurs racontent l’aventure de ces projets inaboutis.

Plus de 200 projets avortés sont exposés.
Une planche originale d’une "bande fantôme" : un Blake et Mortimer dessiné par Emile Bravo et scénarisé par Joann Sfar. Un projet non abouti...

Puissante idée : rien, en effet, ne peut mieux raconter le processus de la création, fait de doutes, d’hésitations mais aussi de renoncements. En prime, nous avons là comme une sorte de méta-commentaire du contexte de la production actuelle où tant d’œuvres se multiplient avec facilité : le renoncement pour l’auteur, le refus pour l’éditeur, pour le lecteur également, sont peut-être les gages nécessaires du maintien d’une bande dessinée de qualité.

Loo Hui Phang et Philippe Dupuy ne s’arrêtent pas de si bon chemin : ils ont demandé à leurs amis Florent Ruppert & Jérôme Mulot de rééditer l’exposition-performance La Visite des lycéens qu’ils avaient faite à Colomiers. Là encore, la créativité est au rendez-vous. Une suite de mises en situation sollicitent le visiteur, là à fabriquer un avion en papier, là à jouer une saynète sur un décor, ici à s’allonger pour lire une anamorphose...

Le critique et historien de la BD Yves Frémion discute avec Didier Pasamonik. Cela se termine mal ! (installation de Ruppert et Mulot mise à disposition des visiteurs).

À cela s’ajoute une installation, Le Petit Théâtre de l’ébriété, où une collection de phénakistiscopes, appareils d’optique dont le principe repose sur la persistance des images rétiniennes, donne à voir au visiteur les séquences animées d’une histoire un peu tragique, sauf qu’ici -et la démonstration est bluffante- elle est animée en 3D ! Un ravissement pour petits et grands.

Un phénakistiscope de Ruppert & Mulot : de l’animation an 3D d’avant l’invention de la 3D...
Une machine à tampons d’Anouck Ricard permet de faire progresser la BD.

Sons de dessin

On a bien aimé aussi sur l’exposition Jim Curious qui propose des lectures en 3D et les curieuses machines d’Anouk Ricard, Les Experts en tout, dont les tampons permettent de lire une histoire ou celle que Philippe Dupuy a concoctée avec les étudiants de l’IMAC, qui permet au visiteur, alors qu’il dessine sur une feuille blanche, d’actionner des machines produisant des sons, ou encore L’Uzine, conçu par les élèves en Master de BD de l’EESI, qui permet à tout un chacun de fabriquer sur place ses propres bandes dessinées. Elles tranchaient avec La Chute de la maison Usher ou le grand dessin de Joe Sacco, vu déjà ailleurs, représentant le premier jour de la Bataille de la Somme, plus décevants.

Nous ne passerons pas en revue tous les éléments d’une manifestation qui a eu lieu ce week-end (mais les installations se prolongent jusqu’au 26 avril 2015) : nous vous l’avions d’ailleurs signalée en temps utile. Les spectateurs que nous avons rencontrés ont été enchantés par l’adaptation du Petit Cirque de Fred (Dargaud), sous le titre "J’ai horreur du printemps" et du Prestige de l’uniforme de Loo Hui-Phang et Hugues Micol (Dupuis) sous le titre de "Lichen-Man", la reprise de Quartier Lointain de Jirô Taniguchi pour la scène, ou par les joutes dessinées d’Exquise esquisse, de même que par les débats, hautement fertiles, sur Blake et Mortimer ou sur les bandes dessinées "modestes" publiées dans les Petits Formats commenté par le peintre Hervé di Rosa.

Philippe Dupuy a conçu avec des étudiants de l’IMAC, chargés de coordonner informatiquement les instruments, la partie mécanique de la "Machine à son" Machination ! Quand on dessine, un orchestre bizarre se met en marche !
Jim Curious et son aquarium en 3D
L’EESI d’Angoulême était présent mettant des outils d’apprentissage de la BD à la disposition des créateurs en herbe...
Ted Benoît, André Juillard et Antoine Aubin partagent avec le journaliste Frédéric Bosser (2e à g.) leur expérience sur la reprise de Blake et Mortimer.

Enfin, une librairie éphémère, le Magic Salon, offrait un large choix de bandes dessinées passionnantes que l’on pouvait acheter et faire dédicacer sur place. Un festival réussi qui va rapidement devenir un incontournable si la qualité est pareillement maintenue.

Joutes de dessins et Tac au Tac
Photos : La Ferme du Buisson
Sous le chapiteau, une librairie ephémère...

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

PULP FESTIVAL
Expositions jusqu’au 26 avril 2015
Tarifs de 3 € à 5 €

SCÈNE NATIONALE DE MARNE-LA-VALLÉE
allée de la Ferme - Noisiel 77448 Marne-La-Vallée Cedex 2

RER A station Noisiel à 20 min de Paris Nation & à 10 min de Marne-la-Vallée
en voiture par l’A4 (depuis Paris) Porte de Bercy, direction Marne-la-Vallée,
sortie Noisiel-Torcy puis Noisiel-Luzard

Sauf mention contraire, les photos sont : D. Pasamonik (L’Agence BD).

 
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