La rentrée 2015 de Soleil : Sarkozy s’invite dans "Trolls de Troy"

Sous la houlette de Guy Delcourt, Soleil reste fidèle à une recette éprouvée : de la Fantasy, de l’humour, du fantastique, du celtique et de la jeunesse mais finalement peu de réalisme. Outre une série d’intégrales qui paraissent en ce début du mois de septembre, suivie d’une seconde vague en octobre (5 titres par mois), le programme reste fidèle à ces thématiques.

On attend donc la suite d’Elfes, de Nains, des Maîtres Inquisiteurs, de Succubes, d’Assassin Royal, d’Excalibur Chroniques, des Enquêtes de Mysterium, de Senseï, d’Alice Matheson, etc.

À tout seigneur, tout honneur : Christophe Arleston ouvre le bal avec deux de ses séries fétiches. Ceux qui n’auraient pas encore découvert Ekhö, monde miroir peuvent se rattraper en découvrant ce très beau voyage intitulé Barcelona. Sans qu’il soit besoin d’avoir lu ou de lire les tomes précédents, ce quatrième opus propose à nouveau de redécouvrir notre monde au travers d’une univers parallèle fantastique.

Avec Barcelone, c’est bien entendu la capitale catalane qui est mise en avant : Gaudi, la Sagrada Familia, la citadelle de Montjuïc, les rivalités avec la communautaires mais aussi les supporters de foot, la joie de vivre, etc. Tous ces éléments restent pourtant à l’arrière-plan, et l’on peut en profiter ou se laisser simplement emporter par l’enquête menée par la douce Fourmille et ses amis. Une enquête qui tourne d’ailleurs autour d’un Salvador, copie crachée de Dali, avec toute l’exubérance qu’on lui connaît !

Ekhö Monde Miroir T4 par Arleston & Barbucci

Cette escapade espagnole permet une nouvelle fois à Alessando Barbucci -qui habite cette ville- de donner toute la mesure de son talent. Ses personnages féminins se déploient en courbes et en caractères, les détournements géographiques sont fantasques et imaginatifs, sans que cela nuise à la lecture du récit. Comme d’habitude désormais, ce volume se décline parallèlement dans une version noire et blanche de grand format qui permet de mieux apprécier les prouesses graphiques du dessinateur italien.

Sarko chez les Trolls

L’incontournable événement de la rentrée de Soleil est sans nul doute le 20e tome de Trolls de Troy, qui est également le quatrième album de la série réalisé en moins de deux ans : une vraie déferlante poilante !

On ne présente plus la jeune humaine Waha élevé par des Trolls dans un village qui échappe à la tutelle de la magie et d’Eckmül. Si cela vous rappelle un peu Astérix, c’est normal : Arleston construit sa série de la même façon que Goscinny, chaque histoire permettant aux personnages de quitter leur village, de confronter leur différences de cultures avec les humains, de jouer sur leur force brutale, puis de revenir s’asseoir, non pas au banquet, mais à la tablée de la fiancée troll de Waha. Arleton réussit même à placer un « Ils sont fous ces humains ! » dans ses dialogues...

Trolls de Troy n’atteint pourtant la complexité des niveaux de lecture d’Astérix, car le monde de Troy est déjà trop codifié pour en faire le miroir de notre société. Même si le dessinateur Jean-Louis Mourier se dépasse une nouvelle fois par son dessin virtuose en dynamisme et humour, on craint tout de même un effet de lassitude au début de ce 20e tome, alors que la jeune Waha perd une nouvelle fois la mémoire et que ses instincts primitifs sont confrontés aux bonnes mœurs de la capitale humaine. C’est sans compter sur l’idée d’Arleston d’organiser à cette occasion une élection des Vénérables d’Eckmül, où Fuquatou pourrait être détrôné dans cette course à l’investiture par un petit mais perfide sage, dénommé… Färkho ! Toute ressemblance avec un candidat à la présidence française de 2017 n’est évidemment pas fortuite !

Trolls de Troy T20 : L’Héritage de Waha - Par Arleston & Mourier

On se rappelle que Guy Delcourt avait déjà co-scénarisé et édité une série intitulée Sarkozix qui parodiait l’ancien président sur le mode gaulois. Nous ignorons si c’est l’éditeur qui souffla cette idée dans l’oreille du scénariste-phare de Soleil, mais cette parodie à l’encontre du prochain candidat aux présidentielles s’avère mordante ! Détournement de répliques-cultes, campagne publicitaire, attaques médiatiques, promesses fallacieuses, chansons parodiques et bien d’autres : tous les coups semblent permis à ce personnage arriviste, petit par la taille, mais grand dans la perfidie. Comme tout sage qui se respecte et qui se doit de véhiculer la magie, Färkho semble ne pas avoir de pouvoir en lui-même, mais on vous laisse deviner celui que la douce et mélodieuse compagne de Färkho a développé pour terrasser ses ennemis !

Sherlock Holmes poursuit ses enquêtes au cœur de Londres

Au sein de la belle collection 1800 qui remet en scène les grandes œuvres littéraires du XIXe, nous avons toujours particulièrement apprécié les récits de Sherlock Holmes développé par Sylvain Cordurié. Si le scénariste proposait à nouveau des personnages tout en caractère et en verve dans le premier tome de Sherlock Holmes Society, le fait de découvrir le célèbre détective dans un combat des zombies donne un curieux départ à cette série qui doit aligner quatre tomes en une année !

Heureusement, le second tome permet de se rassurer sur la thématique et la qualité du scénario de ce nouvel avatar. Tout d’abord, la collection 1800 ne trahit pas sa thématique majeure, car Noires sont leurs âmes… y introduit Mr Hyde, après qu’il ait « assassiné » le Dr Jekyll. De plus, tout en se conjuguant à une intéressante enquête au sein de la Jet Set londonienne, le récit propose de savoureux dialogues entre Holmes, Watson et Mrs Hudson, que cela soit sur le terrain de l’amitié, du soutien et de l’humour.

Sherlock Holmes Society T2 - Par Cordurié & Eduard Torrents

Les différents dessinateurs de la série réalisent la prouesse de se suivre et de développer chacun leur propre talent sans que cela choque l’œil du lecteur. Ainsi Eduard Torrents propose une très belle évocation londonienne, portée par un superbe Hyde, le tout canalisé par les couleurs de Jean Bastide et les couvertures de Ronan Toulhoat. Une série à suivre, car la parution du prochain tome avant la fin de l’année permet d’expliquer la conclusion abrupte de ce second opus.

Les amateurs d’Histoire ne manqueront pas le premier tome du Chevalier à la Licorne : le prolifique scénariste Stéphane Piatzszek livre une étonnante mais passionnante vision d’un chevalier du XIVe siècle hanté par la chimère d’une licorne que lui seul aperçoit. Plus psychologique que fantastique, on suit avec beaucoup d’intérêt le parcours de ce maître-hospitalier blessé dans une bataille après avoir donné son cheval au roi de France, et que cette vision entraîne au plus profond du gouffre.

Dans ce récit qui joue habilement avec les scènes muettes, le dessinateur Gonzalez Escalada séduit par un graphisme aussi évocateur que réaliste, et mêle habilement les affres de ce destin aux visions qui obsèdent le personnage principal.

Un peu en marge de ce programme, on attend impatiemment de découvrir le Courant d’Art de Bezian, un livre accordéon qui mêle la géométrie d’Euclide illustrée au XIXe par le mathématicien Olivier Byrne, en imaginant comment cela aurait pu inspirer Mondrian. Un livre aux antipodes de l’adaptation vieillotte d’OSS 117 qui tente de son côté de pallier à un manque évident de punch par un soupçon d’humour.

Soleil tape fort en cette fin d’année et éclaire à chaque fois de nouvelles voies !