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La rentrée Casterman : entre grosses pointures et petits one-shots

Par Charles-Louis Detournay le 12 septembre 2016                      Lien  
Avec l'arrivée de Benoît Mouchart à la direction éditoriale de Casterman, on s'attendait à des changements . La nouvelle filiale de Gallimard a effectivement tissé de meilleurs liens avec Moulinsart tout en cherchant une ligne plus jeune. Pour un mieux ? Pas si sûr...

Près de quatre ans après la nomination de Benoît Mouchart à la direction éditoriale de Casterman, il devient tout doucement possible de tirer un premier bilan de sa ligne éditoriale sur la base d’un programme de rentrée.

Rendons d’ailleurs honneur à ce qui fait la particularité de Casterman : ses univers de grands auteurs ! Ce qui nous avait enthousiasmé en 2014 reste de mise : la plupart des grands noms du catalogue ont répondu présent pour cette rentrée 2016. Mais parfois avec les moyens du bord...

Les grands maitres

« Au Grand Palais et en librairie, c’est la rentrée Tintin ! », écrivions-nous il y a quelques jours. Et s’il y a un rapprochement à mettre au crédit de Benoît Mouchart, c’est bien celui de Casterman et de Moulinsart qui continuent de publier le Feuilleton intégral des œuvres d’Hergé, telles qu’elles sont parues au jour le jour dans la presse de l’époque. Prêt à trôner sous les sapins, le volume 1937-1939 ne sortira pourtant que le 23 novembre...

La rentrée Casterman : entre grosses pointures et petits one-shots
Une exposition majeure au Grand Palais à Paris, du 28 septembre 2016 au 15 janvier 2017.

Autre société d’ayants droits dont l’entente semble au beau fixe avec le directeur éditorial, La Cong S.A. autorise enfin la réédition très attendue de Ticonderoga. Casterman annonce les premiers pas d’Hugo Pratt en tant qu’auteur complet. Il nous tarde de découvrir comment l’éditeur étaye cette affirmation, car le scénario est tout de même signé Hector Oesterheld, même si Pratt déclarait que : "beaucoup de choses venaient de lui" [1].

Outre cette ambiguïté, nous ne manquerons pas de revenir sur la double sortie en format normal et à l’italienne de cet album-phare d’Hugo Pratt. En effet, la première et unique édition en français de ce récit dans l’esprit de Fort Wheeling date de 1982 et proposait un graphisme très approximatif basé sur les publications en magazine. On ne peut donc qu’attendre impatiemment le travail de restauration réalisé par La Cong. Ce qui augure d’ailleurs un bel avenir à d’autres perles introuvables, telles que Billy James ou l’imposant Junglemen.

Si Jacques Martin nous a quittés en janvier 2010, ses personnages continuent de faire rêver des centaines de milliers de lecteurs, à commencer par Alix qui se décline toujours dans sa série éponyme, et Alix Senator. Chacune de ces séries profite d’une nouveauté cette automne : l’Alix jeune partira à la chasse au trésor en pleine civile sous le trait de Venanzi, tandis que son alter ego Senator se rendra au temple de Cybèle à Pessinonte, une cité galate fondée paraît-il par le roi Midas lui-même.

Et lorsqu’on pense à Casterman, impossible de ne pas y associer le nom de Jacques Tardi. L’infatigable expert de la Grande Guerre repasse une couche avec Le Dernier Assaut, un one-shot qui relate les rencontres d’un brigadier égaré entre les lignes de front. Dans cet album d’une centaine de pages couleurs, on pourra également trouver à nouveau un CD de son épouse Dominique Grange. A découvrir le 5 octobre.

Toujours dans la veine graphique de Tardi, Emmanuel Moynot reprend la destinée de Nestor Burma pour la quatrième fois. Autant on avait pu apprécier les diverses ambiances des arrondissements des Nouveaux Mystères de Paris, autant il nous tardait de retrouver le détective de l’agence Fiat Lux sous l’Occupation, dans la foulée du fabuleux 120, Rue de la Gare. Ce sera chose faite dans Nestor Burma contre C.Q.F.D., tout juste de retour du stalag (le 12 octobre).

Si on se réjouit de découvrir la seconde partie de Revoir Paris, la visite futuriste de la capitale française imaginée par le génie visionnaire de Schuiten & Peeters qui profiteront également d’une exposition Machines à dessiner au Musée des Arts et Métiers, on peine à comprendre la stratégie de Benoît Mouchart concernant un autre Belge fidèle à Casterman : Philippe Geluck.

L’auteur du Chat prend actuellement un recul bien compréhensible, comme il vous l’expliquera lui-même prochainement, mais Casterman n’en réédite pas moins L’Art et le Chat, un album paru il y a six mois et auquel l’éditeur rajoute 8 pages... "inédites" ! Non sans oublier un coffret Bons baisers du Chat qui reprend le meilleur du Chat sous diverses formes. Les 300.000 acheteurs du Chat manqueraient-ils à ce point à l’éditeur qu’il se doit de recycler ses publications de manière si biaisée ?!

Enfin, Enki Bilal ne participera que très modestement à cette rentrée, par le biais d’Exterminateur 17, un personnage qu’il avait créé avec Jean-Pierre Dionnet. Une intégrale regroupera les trois tomes de la Trilogie d’Ellis dessiné par Igor Baranko, sans doute accompagnés du "premier" album de la série, ce qui légitime la couverture de l’auteur d’origine..

Les nouvelles séries

Outre les relations avec ses auteurs-phares, l’apport véritable d’un éditeur passe surtout par les nouveaux univers qu’il découvre et promeut. En ce domaine, la rentrée Casterman reste mitigée...

Sur la base attirante d’un jeune lecteur qui parvient à pénétrer au sein des récits majeurs de la littérature du XIXe siècle, Les aventures ahurissantes de Benjamin Blackstone déçoivent malgré le scénario signé par l’estimable François Rivière (Le Privé d’Hollywood, Albany & Sturgess, Victor Sackville, etc.). Les personnages ne développent pas de réelle personnalité, les touches humoristiques tombent à plat, et l’on attendait surtout mieux de l’utilisation de ces chefs-d’œuvre de la littérature. On voit mal comment un second tome pourrait sauver du naufrage ce que Casterman considère néanmoins comme une de leurs valeurs sûres de sa rentrée.

Heureusement, la seconde nouvelle série intitulée Les Larmes d’Apretagne de de Monin, Venries et Courric équilibre un peu ce bilan. Malgré un ton assez rude et quelques pages au trait aléatoire, on se passionne pour ces deux jeunes hommes, le Prince et l’esclave, que tout oppose. La construction des personnages et les combats qui rythment ce premier tome le destinent aux adolescents qui cherchent du renouveau en bande dessinée : ils seront servis !

Quant à ceux qui apprécient les temps historiques troublés, l’adaptation du best-seller de Tim Willocks La Religion et dessiné par Jacamon (Le Tueur) devrait leur permettre de mieux comprendre l’affrontement en 1565 des troupes de Soliman le Magnifique imposant le siège aux Hospitaliers de Malte. Un défi attendu pour le 19 octobre.

Les one-shot : le paradis...

Outre ses grands auteurs dont ils ont voulu rassembler les œuvres, Casterman s’est historiquement illustré par la qualité de ses one-shot ou romans graphiques, selon les acceptions, à commencer par Le Grand Pouvoir du Chninkel, l’un des plus gros tirages en ce domaine. C’est dire si l’éditeur est attendu de pied ferme dans son domaine de prédilection.

Et de religion, il est de nouveau question avec le passionnant Crépuscule des Idiots de Jean-Paul Krassinsky. En imaginant les bouleversements qu’un prophète tombé du ciel provoque au sein d’une bande tribale de singes, Krassinsky dézingue les religions et prédicateurs de tout poil. Loin du pamphlet agnostique, cette satire permet de prendre du recul sur les schémas de pensées judéo-chrétiens martelés depuis des siècles. Malgré quelques baisses de régime, cet album cumule intelligence, humour et réflexion. Un des immanquables de cette rentrée pour les lecteurs qui cherchent à se divertir sans s’abrutir !

Autre recherche du bonheur, la rencontre du magnifique dessin de Michel Plessix (Le Vent dans les Saules, Julien Boisvert, etc.) et du scénario de l’inespéré Frank Le Gall nous propose la plus belles des parenthèses positives de cette rentrée ! Surfant sur le précédent Vent des Sables, l’auteur de Théodore Poussin permet à son complice Plessix de se sublimer dans Là où vont les fourmis. Ce conte est à la fois tendre, simple, humoristique, poétique, touchant et universel. Il réunit les aspirations personnelles de l’enfant qui sommeille en nous avec les légendes qui façonnent chaque culture. A la fois proches et différentes des précédentes séries à succès de Michel Plessix, Là où vont les fourmis se profile comme l’incontournable "Casterman" de la rentrée.

Enfin, n’oublions pas l’attendue Joséphine Baker ainsi que Andersen, les ombres d’un conteur dont nous venons de vous parler !

Les one-shot : ...le purgatoire...

D’anges en voie de déchéance, il est bien question dans l’adaptation du roman de Carlos Salem : Je viens de m’échapper du ciel. Si le graphisme et les centres d’intérêts de Laureline Mattiussi (L’Île au poulailler, La Lionne, etc.) trouvent un magnifique écho dans l’évocation de ce gangster en proie au vague à l’âme, le récit en manque de repère risque de désarçonner les amateurs de polars.

Quant aux férus de récits poétiques et inspirés, ils auront raison d’oser entrer dans cette sarabande urbaine, et même si la conclusion pourrait les laisser sur leur faim, la superbe mise en page de l’auteure doublée de son hypnotique noir et blanc leur proposera un voyage dans l’esprit des films de la nouvelle vague britannique.

Quant au social, la collection Sociorama nous livre encore deux très intéressantes études sociologiques : la première est consacrée au métier de journaliste qui doit filmer les banlieues, et le second s’intéresse à la grande distribution. Une fois de plus, le propos est passionnant… mais le dessin et la mise en page comportent trop d’approximations pour espérer passionner les foules.

La couverture d’Encaisser laisse à penser que le livre se focalise sur le métier de caissière, alors que c’est toute la grande distribution qui est passée au peigne fin. Malgré un objectif assez orienté, on se passionne rapidement pour un sujet qui nous touche tous et qui représente l’évolution de notre mode social, qu’il soit lié à la consommation ou au monde du travail.

D’un graphisme moins abouti que le précédent, La Banlieue du 20 heures aborde pourtant un sujet fort qu’il faudrait mettre dans les mains de tous les spectateurs de JT, afin qu’ils puissent du recul par rapport à une information souvent instantanée et dirigée qu’on leur sert chaque soir. Mais une fois de plus au sein de la collection Sociorama, le graphisme sera un trop gros frein pour atteindre cet objectif…

Les one-shot : ...et l’enfer

L’avantage des one-shot n’est plus à démontrer : le lecteur débute un récit dont il est certain de connaître directement la conclusion, et l’auteur peut souvent se permettre de faire varier le format ou la pagination pour donner du sens à son univers. Mais une fois le livre ouvert et le graphisme validé par l’amateur, il s’agit souvent d’une loterie car les livres inspirés côtoient les mal fagotés. Puis une bonne idée n’est pas toujours développée à bon escient si elle n’est pas cadrée par l’éditeur.

Au propre comme au figuré, c’est un principe qui s’est sans doute confirmé avec La Loterie, réalisé en solo par Myles Hyman. L’auteur a effectivement choisi d’adapter seul une nouvelle qui fit scandale aux Etats-Unis à sa sortie en 1948. L’auteure Shirley Jackson n’est autre que la grand-mère de Myles Hyman, et elle est également considérée par Stephen King comme l’une des références de la littérature américaine. Le maître de l’horreur écrivit d’ailleurs une nouvelle en hommage à La Loterie de Shirley Jackson.

Le propos de l’ouvrage est donc passionnant, et le magnifique trait de Miles Hyman convient parfaitement pour dépeindre cette Amérique profonde de l’après-guerre. On s’attend donc à une nouvelle réussite de l’auteur qui nous avait déjà conquis avec les précédents Nuit de fureur, Le Dahlia noir, et les autres.

Et pourtant, on déchante rapidement. Graphiquement parlant, le style d’Hyman reste somptueux, et l’on comprend le lien familial et la thématique qui le lient à cette nouvelle. Mais le choix de longues séquences muettes et d’un découpage présentant des successions de cases très rapprochées ne convient pas à son style posé.

« L’enfer, c’est les autres », disait Sarte. Cette phrase trouve bien entendu un autre sens dans cette Loterie. On regrette pourtant que l’éditeur n’ait pas pu mieux encadrer le talent graphique de Miles Hyman qui a ressenti « l’envie de se mettre en danger en devenant auteur complet ».

Autre excellente idée de départ mal finalisée : Le Rose vous va si bien, scénarisée par Véronique Grisseaux et dessinée par Eva Rollin. Cet hommage parodique à Barbara Cartland ne parvient pas à choisir entre l’un de ses deux aspects. L’entame littéraire de chaque chapitre est intelligemment amenée, et l’idée de faire intervenir l’écrivaine dans la vie-même de ses personnages apporte humour et fraîcheur. Mais après quelques dizaines de pages, on ne trouve plus beaucoup d’intérêt à cette récit à l’eau de rose dénué de toute surprise, ni à la gouaille presque forcée de cette écrivaine caractérielle.

La suite des séries

Finalement, on vient presque à se réfugier auprès des séries qu’on connaît et dont on attend les suites : Canardo, Le Monde d’Après de Chauzy, le maintes fois annoncé et repoussé Universal War Two T. 3 de Denis Bajram, La Guerre des Lulus, Eternum T. 2 de Christophe Bec & Jaouen, Médée T. 3, Les Poilus d’Alaska, Les Cinq de Cambridge, une nouvelle aventure de Scott Leblanc dont nous vous reparlerons, ainsi qu’en point d’orgue la conclusion d’India Dreams porté par deux albums signés par Maryse & JF Charles.

N’oublions pas non plus le tome de Lastman qui va non seulement profiter de la diffusion espérée du dessin animé sur France 4, tandis que Bastien Vivès sera certainement interviewé pour la sortie du film Polina ce 16 novembre dans les salles obscures.

Difficile de tirer un bilan complet sur la base de cette ligne éditoriale, car elle propose d’excellentes surprises mais aussi d’amères désillusions. Sans doute faudra-t-il attendre le second numéro de Pandora, la nouvelle revue de bande dessinée de Casterman, pour mieux jauger l’apport de Benoît Mouchart ?

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Lire également l’interview de Benoît Mouchart : « La vocation de Casterman est de mettre en valeur l’œuvre de ses auteurs »

Lire également nos article concernant la rentrée avec :
- Vents d’Ouest
- Le Lombard
- Les Humanoïdes Associés
- Dargaud

Tous les visuels sont : © Casterman.

[1De l’autre côté de Corto - Entretiens avec Dominique Petitfaux, p43, 1996, Casterman.

Casterman
 
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18 Messages :
  • Laureline Mattiussi, pas Laurence.

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    • Répondu par Charles-Louis Detournay le 12 septembre 2016 à  20:24 :

      Merci pour ces deux remarques, c’est corrigé

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  • Si Jacques Martin nous a quittés

    par pitié !
    Seul le roy de France (et peut-être quelques curetons de haut rang) pouvaient se permettre ce qui pour le reste de la population reste une abominable faute d’accord.
    Grand merci.

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    • Répondu par lucien latour le 16 septembre 2016 à  18:56 :

      Je ne vois pas où est la faute...

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  • La rentrée Casterman : entre grosses pointures et petits one-shots
    12 septembre 2016 21:20, par Richard (Teljem)

    Typique de la sclérose dans le monde de l’édition, faire avec ce qu’on a et ne surtout pas prendre de risque. Pourquoi lancer des nouveautés alors qu’on peut maintenir en survie ad nauseam des gloires d’antan. C’est comme si au cinéma on faisait des films qui ressemblaient à la pub Puget, avec un Fernandel de synthèse, un imitateur pour la voix et une incrustation dans un décor contemporain. C’est exactement ce à quoi ressemblent beaucoup de BD qui sortent aujourd’hui.

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    • Répondu par Ralph le 13 septembre 2016 à  06:33 :

      Richard,
      Si je vous comprends bien, Benoît Peeters et François Schuiten, Jacques Tardi et Enki Bilal devraient arrêter de créer des histoires pour laisser la place aux jeunes auteurs, car le nombre de jeunes auteurs qui publient des albums est trop petit ces temps-ci.

      Il faudrait aussi arrêter les remises en avant de l’oeuvre d’Hugo Pratt, ainsi que la vente de dvd de films de Fernandel, car rééditer ces histoires élimine de facto des albums de jeunes auteurs et freine la production de cinéma contemporain.

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      • Répondu par Richard (Teljem) le 13 septembre 2016 à  14:24 :

        Non Ralph ,vous ne comprenez pas bien (ou vous le faites exprès, ce que je vous souhaite), mais pour assurer sa pérénnité un éditeur ne devrait pas entièrement s’en remettre à des auteurs atteignant l’âge de la retraite, mais bien préparer la relève en permettant aux auteurs des générations suivantes de faire leur métier dans de bonnes conditions, artistiques, financières et de les mettre en avant pour leur donner une chance d’exister.

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        • Répondu le 14 septembre 2016 à  07:58 :

          Ce qui est étonnant dans votre raisonnement, est que vous vous souleviez, avec une certaine violence ("proche de la retraite", "des films qui ressemblaient à la pub Puget, avec un Fernandel de synthèse, un imitateur pour la voix et une incrustation dans un décor contemporain"), contre le fait de pouvoir aspirer, lorsqu’on est un auteur confirmé, à être bien accompagné par un éditeur de manière qualitative.
          Et contre le fait de pouvoir esperer qu’un éditeur continue à mettre en avant votre oeuvre, après votre décès, de manière qualitative.

          Comme si vous souhaitiez que cette perspective pour un auteur d’être installé dans le métier, et de mener une carrière ambitieuse, de qualité, et soutenue par un éditeur, n’existe pas.

          Si ce n’était pas le cas, si un auteur confirmé devait arrêter d’être publié passé 50 ans, cela même s’il est encore en pleine activité créative, si les éditeurs faisaient ce choix absurde : quelle drôle de perspective, quel drôle de signal pour des auteurs débutants souhaitant grandir dans le métier. À titre personnel, si cette perspective n’existait pas, je ne me lancerai pas dans le métier.

          Reste le problème de la rémunération et les conditions de travail des auteurs débutant dans le métier. Cet article d’ActuaBD n’a pas vocation à évoquer les rémunérations d’auteurs débutants chez Casterman. Je n’ai pas de chiffres à ce sujet, et ne peux donc pas me faire un avis.

          Cet article, tout au plus, laisse entendre que chez Casterman, à cette rentrée, le nombre de séries nouvelles ou d’albums d’auteurs nouvellement dans métier n’est pas immense.

          Mais publier "un nombre raisonnable" d’auteurs débutants m’apparaît, à première vue, comme allant plutôt dans votre sens, et envoyer un signal plutôt positif pour les conditions de travail de ces auteurs.

          Le contraire (publier trop de nouvelles séries) raisonne à mes yeux d’avantage comme un sujet d’inquiétude.

          D’autre part : Êtes-vous sûr que, si problème de rémunération des jeunes auteurs il y a, ce soit dû à la mise en avant des auteurs confirmés ? Êtes-vous sûr que la publication des grands noms de la maison Casterman ne soit pas une condition essentielle pour que des albums d’auteurs qui débutent existent ?

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        • Répondu par Ralph le 14 septembre 2016 à  08:01 :

          (J’ai oublié de signer le dernier commentaire que je viens d’envoyer)

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        • Répondu le 14 septembre 2016 à  09:17 :

          "des auteurs atteignant l’âge de la retraite"

          Il y a des auteurs qui ont dépassé l’âge de la retraite des salariés depuis longtemps mais qui restent plus novateurs et féconds que de jeunes auteurs balbutiants. On s’en fiche de l’âge du capitaine, ce qui importe, c’est la qualité de l’œuvre.
          Il y a même des auteurs morts il y a plus de 2000 ans qui demeurent plus modernes et d’actualité que des auteurs contemporains. Quand la modernité s’accorde au classicisme, comme Hergé, par exemple.

          Pour ce qui est de la retraite des auteurs. C’est du cas par cas. Par exemple, certains ne peuvent physiquement plus continuer et profitent de leur retraite s’ils en ont une suffisante, d’autres touchent une retraite mais continuent d’écrire et dessiner quand même. Simplement, ils lèvent un peu le pied.

          Pour ce qui est des jeunes auteurs, ça ne changera jamais, à eux de se rendre indispensables, de proposer et d’imposer un ton, un angle nouveau, ce que leur génération ou ce qu’individuellement ils ont ou il a à dire. Les éditeurs sont toujours à la recherche de nouveaux talents puisque c’est pour leur entreprise une nécessité, une des conditions de leur survie. Suffit pas d’offrir le confort matériel à un jeune auteur pour qu’il produise de bons ouvrages et/ou des succès. Et ce n’est pas parce que vous allez injecter de gros moyens sur un nouvel auteur que le succès prendra forcément. C’est beaucoup plus complexe, fragile et hasardeux que ça. S’il y avait une autre formule pour mettre en avant de nouveaux talents et obtenir des succès, les éditeurs l’appliqueraient depuis longtemps, non ?

          Alors, si les éditeurs, actuellement recyclent, c’est parce que cette solution correspond à ce qui est économiquement viable et à notre époque. On recycle tout. Comem si on avait pas eu le temps d’absorber toute la créativité du siècle précédent et qu’on se contentait de réviser et revisiter nos ainés. Un peu comme le Baroque qui n’a pas su s’extraire de la Renaissance et s’est contenté de pousser les innovations vers des performances virtuoses. Les éditeurs sont aussi obligés d’être opportunistes pour garantir des revenus à leur entreprise. Mais ils ne sont pas qu’opportunistes. Ils ont aussi des coups de cœur, des envies, des idées, une vision du monde, des auteurs difficiles auxquels ils croient et qu’ils aimeraient voir émerger. Ce ne sont pas que des marchands.

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          • Répondu par Thomass le 16 septembre 2016 à  19:13 :

            Ce ne sont pas que des marchands.

            C’est là que vous vous trompez, les éditeurs ne sont que des marchands.

            Répondre à ce message

            • Répondu le 17 septembre 2016 à  10:52 :

              Ben certes non. Il y a d’un côté le commerce et de l’autre la culture. Parfois, les deux se rejoignent. Les directeurs.trices littéraires et de collections servent à quoi, à votre avis ? Uniquement à dénicher les trucs vendables pour faire plaisir aux directeurs commerciaux ? Vous croyez vraiment qu’ils ont fait des études littéraires pour se mettre uniquement au service de cerveaux reptiliens ? Ben non. Il y a des directeurs.trices littéraires qui veulent publier un auteur parce qu’il doit être publié pour ce qu’il a à dire et à montrer. Même Jacques Glénat qui est réputé pour sa pingrerie, vous croyez qu’il n’est éditeur que pour se faire plein d’argent ? Je ne crois pas. Je crois qu’il a plusieurs facettes et qu’il est véritablement passionné par la bande dessinée, par les livres, par l’art.

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              • Répondu par Manu le 17 septembre 2016 à  17:53 :

                Même Jacques Glénat qui est réputé pour sa pingrerie, vous croyez qu’il n’est éditeur que pour se faire plein d’argent ?

                Bon exemple, lui en particulier n’est éditeur que pour se faire plein d’argent, il y arrive très bien d’ailleurs. Avez-vu passer cet album de BD qu’il édite pour lequel les Droits d’Auteurs n’existent même plus ?

                https://scinfolex.com/2016/08/30/pepper-et-carrot-une-bande-dessinee-open-source-publiee-chez-glenat/

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                • Répondu le 19 septembre 2016 à  09:49 :

                  Je suis au courant et je ne cautionne évidemment pas. Mais vous isolez une partie de ma phrase, ce qui fausse mon propos.

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                  • Répondu par Manu le 19 septembre 2016 à  17:35 :

                    « vous isolez une partie de ma phrase »
                    Pas du tout, la phrase est complète, de la majuscule au point d’interrogation, quant au contexte votre commentaire est juste au dessus du mien, facile de s’y référer, alors assumez vos propos monsieur.

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    • Répondu le 13 septembre 2016 à  10:57 :

      Proposez une alternative ! Faites avec ce que vous avez et que les éditeurs n’ont pas ! Ne vous contentez-pas de demander aux autres de prendre des risques, prenez-les vous-même !

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      • Répondu par Zot ! le 13 septembre 2016 à  22:24 :

        Vous semblez bien dûr avec Mouchart, mais c’est vrai que la réédition d’un récent Chat augmentée de quelques gags a de quoi faire grincer bien des dents. Si maintenant, les éditeurs n’attendent même plus les intégrales pour proposer des compléments... et sinon, pourquoi les livres Sociorama sont ils (parfois, pour être poli) si moches à regarder ??

        Répondre à ce message

        • Répondu par Charles-Louis Detournay le 20 septembre 2016 à  17:56 :

          Bonjour et merci pour votre message,

          Je vais tâcher d’y répondre le plus complètement, sans vous garantir que cela soit bref.

          Vous semblez bien dûr avec Mouchart

          Si vous pensez que j’ai un souci avec M Mouchart, détrompez-vous, j’ai au contraire beaucoup d’estime pour lui, même si nous ne sommes croisés que très rarement. Je trouve qu’après les dix ans passés à la direction artistique au FIBD d’Angoulême, il devait un moment ou l’autre trouver un défi à la hauteur de ses compétences, et il est vrai que les postes de directeurs éditoriaux ne sont pas légion. Après le vide laissé par Louis Delas, il a donc eu beaucoup de mérite à reprendre un catalogue aussi spécifique, pour non seulement le maintenir, mais aussi lui donner une nouvelle orientation. C’est un challenge de taille et de longue haleine, qu’on ne réussit pas en deux coups de cuillère à pot, et qui comprend souvent autant de réussites que d’échecs. De plus, ces réussites et ces échecs ne sont pas dû qu’à lui ; il y a la relation avec l’auteur (et surtout son travail), l’équipe, les sociétés avec qui il faut concilier, et bien d’autres paramètres.

          Malgré tout, il occupe la position du capitaine, avec les bons et les mauvais côtés. J’avais précédemment réalisé une interview où j’avais loué son magnifique programme de rentrée en 2014. J’ai trouvé que le bilan était un peu de deçà cette année, voilà tout. De plus, je tente de garder le même point de vue avec les autres éditeurs : j’ai publié une interview-battle avec le directeur éditorial du Lombard il y a deux semaines dans laquelle je ne l’ai pas ménagé, et j’ai d’autres interview et bilans de ce type prévus dans les semaines à venir à propos des autres éditeurs. Non pas que je désire en découdre, mais j’aime aller au fond des choses.

          C’est vrai que la réédition d’un récent Chat augmentée de quelques gags a de quoi faire grincer bien des dents

          Je pense qu’il faudra analyser le contenu du Chat à paraître en fin d’année pour voir réellement ce qu’il contient. Un rendez-vous presque immuable est pris entre Philippe Geluck, et ses lecteurs qu’il déteste flouer. Voyez ses interviews à ce propos, il est très à cheval sur ce point. Je n’ai pas les chiffres de vente, mais la publication de « L’Art et le Chat » en février trouvait sa logique dans l’exposition-vente, mais il est fort possible que la majeure partie des lecteurs soit passée à côté (les fameux 300.000 lecteurs que j’évoquais et pour lesquels je ne connais aucun éditeur qui manquerait le rendez-vous annuel). Le contenu du livre pourrait changer, en intégrant des gags traitant de la peinture, en lien avec les peintures elles-mêmes. Faison le bilan avec le livre en main en fin d’année.

          Toutefois, à mes yeux, ce n’est pas la raison de ma conclusion mitigée sur cette rentrée. Casterman est un éditeur qui s’est progressivement bâti une image basée sur ces univers de grands auteurs : Tardi, Bilal, Pratt, Schuiten & Peeters, Hergé, etc. Selon moi, l’impact de Benoît Mouchart dans le rapprochement avec ces auteurs et ayant droits est prépondérant. A ce niveau, le bilan de cette rentrée (et donc le bilan que j’attribue à Benoît Mouchart en tant que directeur éditorial d’une équipe plus complète) est plus que positif.

          J’étais surtout déçu à la lecture des aventures ahurissantes de Benjamin Blackstone, des derniers Sociorama (voir ci-dessous) et de la Loterie. Dans la préface de ce dernier livre, Miles Hyman remercie chaleureusement l’équipe de Casterman et Benoît Mouchart à qui il attribue l’idée d’adapter un récit de sa grand-mère. Toutefois, j’ai appris par la suite que Casterman n’est pas responsable de la forme prise par le récit, devant accepter la mouture réalisée de concert par l’auteur et l’éditeur américain. Cela change considérablement la donne, et nous donnera dans quelques jours l’occasion d’analyser plus en détails cet album avec son auteur, ainsi que les différences de marché entre l’Europe et les Etats-Unis.

          A la lumière de ces derniers éléments, la responsabilité de l’équipe de Casterman ne peut donc plus être engagée, ce qui relève nettement alors le niveau de cette rentrée, portée par le très beau Là où vont les fourmis et Josephine Baker. Il faudra aussi attendre la lecture de La Religion pour vérifier si l’éditeur a eu raison de lancer cette nouvelle série dans ce moment si particulier, et si le bilan final correspond à celui qu’on a tiré fin août et publié début septembre. Si le final se révèle explosif, nous ne manquerons d’exprimer notre satisfaction !

          et sinon, pourquoi les livres Sociorama sont ils (parfois, pour être poli) si moches à regarder ??

          Je ne pense pas avoir jamais employé ce qualificatif. Mais j’ai effectivement pointé du doigt les multiples approximations et les erreurs de découpages de certains des exemplaires, alors que le niveau d’autres albums correspondent mieux aux études sociologiques qu’ils présentent. Mon souci réside dans la mise-en-page qu’on donne de ces thématiques passionnantes, au sein d’un marché où Le Lombard propose des albums comportant souvent un contenu aussi dense, avec un graphisme plus calibré pour le grand public. De même, les revues comme Topo, la revue XXI et la Revue Dessinée sont plus qualitative avec un prix qui s’approche de ceux de Sociorama. Enfin, le titre Encaisser me semble peu porteur par rapport à la thématique sous-jacente du livre. Dans un marché concurrentiel, l’accumulation de ces approximations me paraît néfaste à l’éclosion d’une collection qui était très bien partie avec La Fabrique Pornographique

          Lire Sociorama :la sociologie en bande dessinée et Sociorama, les hauts et les bas de la société française

          En conclusion, mon article ne vise donc pas Benoît Mouchart mais bien le reflet d’une politique dont il est le porte-drapeau en tant que directeur éditorial. Outre la Loterie dont leur responsabilité ne peut pas être engagée, Casterman a réalisé quelques excellents one-shots et un intéressant démarrage de série (Les Larmes d’Apretagne), mais également certains autres albums dont le travail éditorial aurait pu être mieux finalisé. Attendons de découvrir la suite des futurs albums de cette fin d’année, qui peuvent encore largement améliorer cette tendance.

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PAR Charles-Louis Detournay  
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