Sepideh Jodeyri, traductrice de la bande dessinée "Le Bleu est une couleur chaude" de Jul Maroh (Ed. Glénat), un long récit de 152 pages qui s’attarde au cours d’une histoire sensible et attachante sur le thème de l’homosexualité féminine et de son acceptation dans la société d’aujourd’hui, est une poétesse iranienne spécialisée de l’adaptation de nombreuses œuvres en persan, comme les romans d’Edgar Allan Poe ou de Jorge Luis Borges.
Cette traduction du livre de Maroh qui a dès le départ connu une exceptionnelle reconnaissance de la critique et du public, reçu aussi de multiples prix -dont le Prix du Public au Festival d’Angoulême en 2011- et, fait encore plus exceptionnel, surtout pour un jeune auteur, une adaptation au cinéma nommée La Vie d’Adèle, réalisée par Abdellatif Kechiche honoré par la Palme d’Or du Festival de Cannes 2013 été jugée malvenue de la part de dirigeants iraniens et de médias conservateurs religieux pour qui il vaut mieux ne pas faire la promotion de l’homosexualité. En tout cas si on veut éviter la prison, pour ne pas dire plus...Car en Iran l’homosexualité est passible de la peine de mort...
Sepideh Jodeyri déjà censurée par le passé, et menacée pour ses prises de position contre Mahmoud Ahmadinejad, a été victime d’une véritable campagne de lynchage médiatique dans son pays. Un lynchage qui touche aussi l’éditeur de son dernier recueil de poésie, dont les opposants à Sepideh Jodeyri affirment qu’elle y affiche clairement son soutien à l’homosexualité. Le directeur du musée qui faisait la promotion de cette publication a, quant à lui, été tout simplement viré !
En réaction, Jul Maroh, contactée par Sepideh Jodeyri, a publié une tribune relayée par le SNACBD (section BD du Syndicat National des Auteurs et Compositeurs) et aussi par toute une chaîne de solidarité médiatique.
Dans un entretien accordé à Caroline Besse pour le magazine Télérama, la poétesse iranienne, exilée en République tchèque, explique comment ce lynchage médiatique, qui risque de lui interdire toute publication en Iran, a commencé : "J’ai fait publier mon dernier recueil de poésie, And, etc., par un éditeur iranien l’année dernière, sans que cela ne provoque aucun problème. Tout s’est de nouveau envenimé il y a quinze jours, quand l’éditeur en question a annoncé qu’il participerait à une fête du livre, où mes poèmes seraient présentés. Raja News, un site d’infos proche des conservateurs religieux a publié un article très virulent, dénonçant le fait que cette manifestation, accueillie par un musée public, allait promouvoir « un auteur pro-gay », en rappelant que j’avais traduit Le Bleu est une couleur chaude à Paris. D’autres médias lui ont emboîté le pas. Les services de renseignements sont intervenus et ont annulé la fête. Le directeur du musée a été limogé."
Lucide et d’un courage enviable, elle conclut : "Récemment, deux critiques littéraires à qui j’ai envoyé deux essais m’ont répondu qu’il valait mieux que je les envoie à des publications iraniennes basées à l’étranger… Cela m’attriste, car c’est avant tout à mon peuple que j’ai envie de m’adresser. Mais je suis fière que mon soutien aux homosexuels soit connu. Et même fière d’être punie à cause de cela."
(par Pascal AGGABI)
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Photo : Commons from fa.wikipedia. Illustrations de Jul Maroh. © Glénat
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