La création de Wolverine est on ne peut plus simple dans le monde des comics qui est avant tout une industrie. Comme souvent, elle s’est imposée comme une nécessité stratégique. Stan Lee, figure tutélaire de Marvel, et Roy Thomas, alors son rédacteur en chef, constatèrent que cinq à dix pour cent de leurs lecteurs étaient canadiens, et ils n’avaient pas un seul personnage canadien pour les représenter pour qu’ils s’identifient à un de leurs héros. Il manquait donc un personnage originaire de ce pays pour faire fructifier et fidéliser cette partie du lectorat. Ainsi, logiquement, fut-il fait.
Il est dit que Roy Thomas a trouvé le nom Wolverine. C’est lui aussi qui aurait esquissé les traits de caractère du personnage. En plus d’être canadien, il le voyait petit, trapu, avec un mauvais caractère... Il voulait surtout définir et mettre en place un personnage à partir d’un animal qui vivait à la fois dans le nord des États-Unis et au Canada pour qu’il soit familier aux deux pays.
Les héros basés sur les animaux étaient très populaires à l’époque. Après un moment de réflexion, il a hésité entre un badger (une sorte de blaireau) et un wolverine (glouton ou carcajou en français). Il a finalement retenu le wolverine dont il aimait la consonance du mot qu’il contenait : Wolf (loup). Il n’aimait pas en revanche le nom de badger, car le son émit par le mot faisait à son sens penser à quelqu’un qui gémit, à un insatisfait plaintif...
À ce stade, le rédacteur en chef Roy Thomas, très occupé comme on le devine, convoque le scénariste Len Wein qui le remplaça à ce poste au départ de Thomas pour DC comics. Wein lui-même céda sa place à son assistant-donneur-d’idées sur le titre" X-men" qu’il venait de relancer : Chris Claremont...
L’intervention de Len Wein
Débordé par la surcharge de travail occasionnée par ce remplacement, Len Wein affirme avoir écrit les premiers numéros des X-men la langue pendante, la nuit, en plus de son travail en journée, pour qu’il développe tout ça. Thomas aimait la manière dont Wein faisait vivre les accents étrangers, notamment l’accent jamaïcain de "Brother Voodoo" dans Strange Tales et il voulait voir comment Wein se dépatouillait avec l’accent canadien...
Len Wein se documenta donc sur l’animal, le wolverine, et imagina un personnage correspondant à son profil particulier. Le scénariste ne sait pas encore qu’il sera partie prenante dans la relance de la série X-Men...
Pourtant, Wolverine est d’entrée désigné comme un mutant, un de ces super-héros nés avec un potentiel génétique différent qui leur permet de développer, dans le prolongement de leur puberté, des pouvoirs surhumains, au contraire des super-héros du type Spider-Man qui ont été affectés par un incident de parcours malheureux.
Pour Len Wein, le créateur du personnage, Wolverine est tout d’abord un chasseur d’une férocité et d’une résistance phénoménales. Doté de sens animaliers, il est un pisteur hors pair. Comme le glouton/carcajou son totem (« l’animal le plus féroce du Grand Nord » selon les Canadiens) :, il est particulièrement sauvage, cassant , méchant, dur et agressif, cherchant sans cesse
Doté d’un prodigieux instinct de survie et incroyablement combatif, cet animal n’hésite pas à s’attaquer à plus gros que lui ! Si Wolverine, le personnage, ne dédaigne pas l’héroïsme, son but n’est pas d’être gentil. Il doit même sévèrement contrôler ses implacables instincts naturels, ses accès de sauvagerie et de rage incontrôlables, pour ne pas sauter à la gorge de tout ceux qui viendraient le contrarier. C’est, pour Len Wein, "ce qui fait de lui un véritable héros, et non pas ses évidentes capacités à gagner !"
Dans la conception initiale du personnage, celle de Len Wein donc, les célèbres griffes d’adamantium (L’adamantium, un métal aussi dur que le diamant -d’où son nom- est une création de Roy Thomas pour un épisode des Vengeurs) ne sortent pas des mains de Wolverine mais bien de ses gants. C’est un gadget. De plus, pour le scénariste, Wolverine est un adolescent de dix-neuf ans, ce qui se révèlera parfait quand, plus tard, il l’intégrera dans l’équipe des X-men, une série dont les héros sont sensés être étudiants. Il est même le premier personnage proposé par Wein à Dave Cockrum lors de la refonte complète de la série que les deux auteurs mettront en chantier. download hentai games from https://xgames.zone/hentai-games/
Le personnage le plus cool des comics a bien failli parler le français !
En se documentant, Wein apprend aussi que les Carcajous expriment un véritable sens de la territorialité pour protéger leurs petits et leur secteur privilégié. Sur ce postulat, le puissant mouvement séparatiste du Québec, qui voulait devenir indépendant à ce moment dans les années 1970, a conduit Wein à envisager de faire de Wolverine un Canadien... francophone !, le sentiment de nationalisme québécois cadrant parfaitement, selon lui, avec la nature profonde de l’animal.
C’est le célèbre John Romita, directeur artistique chez Marvel, qui a réalisé les premiers croquis de Wolverine en se basant sur les recherches de Len Wein. Il l’a fait petit, comme convenu, ce qui, de fait, le démarquait des héros habituels, de même que sa férocité supposée. Il a choisi de dessiner des petites oreilles pointues et des sortes de moustaches pour le masque du costume. À cet instant, et pour un long moment encore, les griffes du personnage ont l’apparence de griffes et pas encore de lames...
Première apparition
Le personnage fait sa première apparition dans Incredible Hulk #180. Len Wein est au scénario et le dessinateur Herb Trimpe est chargé de mettre en image l’histoire sur deux numéros. Où le petit mais féroce mutant griffu se coltine au géant vert Hulk et au non moins imposant Wendigo, un personnage-malédiction qui transforme en béhémoth poilu tout ceux qui auront été contraint de manger de la chair humaine ! On appelle ça une entrée en matière...
John Romita designer expert de personnages -comme Le King, Jack Kirby, et le grand Gil Kane- a dessiné sur le masque de Wolverine de petites moustaches félines du plus bel effet. Mais le wolverine et un mustélidé pas un félin ! Dave Cockrum rectifiera de lui-même, mais il ne rectifiera pas à l’encrage, en revanche, l’erreur de Gil Kane, convoqué pour crayonner la couverture du "Giant Size X-men" numéro de relance de la série, qui attribuera à Wolverine de longues pointes sur le masque, comme Batman, de même que des yeux non apparents. L’idée était apparue lumineuse à Cockrum ! Bizarrement une légende a couru que l’erreur sur la couverture avait été constatée trop tard et qu’il avait fallu corriger les planches intérieures en conséquence ! Or, Cockrum avait bien corrigé les planches, mais parce qu’il avait aimé ce changement involontaire...
À propos de la question "félin/mustélidé", l’éditeur Lug qui publia les nouveaux X-Men en France, traduisit le nom Wolverine par "Serval", un félin africain qui n’avait rien à voir avec l’animal concerné et le grand nord canadien, parce qu’il estimait que la traduction littérale en français du vocable "glouton" ne correspondait pas à la personnalité du personnage et le desservait même par la connotation un chouia ridicule de ce mot.
L’éditeur concurrent, Artima/Arédit, qui publia les épisodes de Hulk où Wolverine apparaît pour la première fois, n’hésita pas de son côté à l’appeler tout de même "le glouton", alors que Carcajou, son autre patronyme possible, aurait simplement réglé le problème. Mais ce nom purement québécois d’origine algonquienne semble être passé sous les lignes du radar des traducteurs...
Lug refera encore le coup plus tard en traduisant par Félina un personnage mutant féminin se transformant en loup. On caresse là du bout du doigt les crochets et les nœuds avec lesquels se débattent traducteurs et adaptateurs de comics.
Quand l’éditeur danois Semic (Groupe Bonnier), qui avait racheté toutes les propriétés de Lug au départ à la retraite de l’un de ses membres fondateurs, perdit les licences Marvel au profit de l’éditeur Panini à la fin des années 1990, lui-même racheté quelques années plus tard par Marvel, Serval retrouva partout son nom original de Wolverine, celui de Serval appartenant en effet à l’éditeur scandinave.
Donc Wolverine, on le voit, intègre l’équipe des X-Men sous l’impulsion de Len Wein au moment de la relance du titre avec de nouveaux personnages d’origines étrangères supposés faciliter les ventes des titres Marvel à l’export. Wein, qui a scénarisé les deux premiers numéros et participé aux deux suivants, devenu entretemps rédacteur en chef de Marvel en plus de son travail de scénariste, complètement débordé, cède sa place à son assistant Chris Claremont très enthousiaste. Avec Dave Cockrum, avec qui il est très complice, Claremont développe peu à peu le personnage du mutant griffu.
Si Wein voyait Wolverine comme un adolescent de dix-neuf ans, Cockrum à ce moment-là le vieillit considérablement et le couvre de poils après avoir vu les croquis de John Romita. Cockrum et Claremont décident aussi très vite que les fameuses griffes ne sortent pas des gants du personnage mais bien de ses mains.
Claremont avait besoin de quelque chose qui fasse de Wolverine un mutant en dehors de ses sens animaliers. Avec Cockrum, ils décidèrent que les griffes faisaient partie du corps du personnage. Si les griffes sortaient des gants et non de son corps, "tout le monde pouvait être Wolverine...", alors que cette particularité le rendait unique, spécial et... plus vendeur.
Puis vient au fil des épisodes le pouvoir auto-guérisseur, les os incassables, le squelette lui-même recouvert d’adamantium... Mais ça, c’est pour plus tard... Pour l’heure, en ce qui concerne la psychologie du personnage, c’est nettement moins créatif... Cockrum ne l’aime pas vraiment ce mutant-là, il ne sait pas trop quoi en faire. De plus, il y a de nombreux autres protagonistes à animer dans la série. Pour lui, c’est " juste un fou furieux querelleur qui conteste sans cesse l’autorité et, seulement bon à se disputer avec les autres !"
Il préfère de loin faire briller son personnage fétiche, Diablo, le mutant aux trois doigts ! Claremont tributaire -dans le cadre de la Marvel Way qui laisse un grande emprise narrative aux dessinateurs- des décisions et des préférences des artistes, suit le mouvement et ne s’occupe pas trop de développer la personnalité profonde du mutant griffu. Wolverine est relégué au second plan.
Au bout d’un moment Cockrum, épuisé (il travaille comme employé chez Marvel où il est entre autres chargé de concevoir des projets de couvertures pour d’autres artistes de la maison) se trouve contraint, après de longues heures passées dans les transports en commun new-yorkais pour rejoindre son domicile, à dessiner la série le soir, chez lui. Alors que la série aux nombreux personnages devient justement mensuelle, il abandonne le titre. John Byrne prend le relais.
Claremont et Byrne avaient déjà travaillé ensemble, souvent sur "Star-Lord", sur "Iron Fist" (dont les derniers épisodes avec l’apparition des X-men ont servi de test d’aptitude ) et sur des épisodes de "Spider-man Marvel Team-up", une série où le tisseur de toile est en duo avec un autre héros sur le modèle de "Brave and the Bold" de DC Comics, avec Batman. Il n’empêche : tout au début, Claremont continue de dialoguer avec Cockrum sur les intrigues et Byrne n’est qu’un simple exécutant. Vite, ce dernier tape du poing sur la table... De plus, Claremont lui annonce qu’il compte se débarrasser de Wolverine dont il ne sait lui aussi que faire... Pas question pour Byrne, canadien d’adoption, de retirer le seul personnage canadien de la saga. "Je m’en occupe !", assène t-il. Il s’accapare alors du personnage et lui consacre une grande part de son énergie.
Avec Byrne, Wolverine gagne ses galons de héros de premier plan, devient plus sympathique et plus complexe. Marchant dans ses pas, Claremont embraie de plus belle. Mais l’entente n’est pas forcément au beau fixe. Claremont échangeait beaucoup avec Cockrum qu’il voyait souvent et qui habitait pas très loin de chez lui, à seulement une heure de voiture, c’était convivial. Mais avec Byrne le canadien c’est très différent, vu qu’il habite à plusieurs milliers de kilomètres de son domicile, à Calgary...
C’est pourtant sous le règne de Byrne, qui affiche de plus en plus de sérieuses velléités de scénariste, que le squelette d’adamantium et autres nouveautés seront vraiment mis en avant. C’est la coloriste Christie Scheele qui avait choisi les couleurs jaune et du bleu pour le costume originel de Wolverine. Byrne, qui trouve qu’"il évoque davantage un joueur de football américain qu’une bête sauvage !" finit par changer ces couleurs pour des tons de bruns-rouges.
Pour lui, Wolverine, à qui il a donné le prénom de Logan, d’après le nom de la plus haute montagne du Canada : le Mont Logan, dans le Yukon, est incontestablement “une bombe à retardement”. Il est dominé par ses instincts, capable de donner la mort froidement. La seule raison pour laquelle il incorpore l’équipe des X-Men, c’est pour y être contrôlé : le professeur Xavier l’a recruté pour avoir plus ou moins en permanence un œil sur lui...
Au bout d’un moment Claremont et Byrne chercheront à adoucir Wolverine, à le rendre plus rationnel. Voyant cela, le rédacteur en chef de Marvel, Jim Shooter s’exclama : "pourquoi le personnage était devenu une poule mouillée ?" Et, même si, paradoxalement, notre éditeur était convaincu que "les super-héros comme les X-Men ne tuent pas", si par ailleurs il insistait pour "que toutes les victimes de Wolverine puissent un jour revenir vivantes, peut-être avec des parties bioniques...", il voulait qu’il reste un danger potentiel pour les X-Men comme pour les autres personnes. Donc, tout le monde autour du personnage devait être en alerte, parce qu’on ne sait jamais comment cela peut sa passer avec ce fou furieux... Alors les deux artistes en refirent un personnage explosif et sans contrôle.
Pour Byrne, la définition du mutant griffu est toute simple. Il imagine cette séquence pour le définir, même s’il n’accepta jamais de la dessiner :"Wolverine est assis à une table pour son petit déjeuner et mange tranquillement un bol de céréales. Quand Kitty (la cadette de l’équipe des X-Men, elle a treize ans et demi) arrive et marmonne un vague "salut !" sur un ton incorrect. Puis arrive le chef, Cyclope. Wolverine continue à manger ses céréales, détaché. Kitty gît sur le sol éventrée..." Pour Claremont, au contraire, le personnage reste difficile à écrire, à faire vivre.
(A Suivre...)
(par Pascal AGGABI)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
LIRE LES PARTIES SUIVANTES :
2e partie
3e partie
4e et dernière partie
Commander X-Men Intégrale 1975-1976 - Panini- chez Amazon ou à la FNAC
Commander X-Men Intégrale 1977-1978 - Panini- chez Amazon ou à la FNAC
Commander X-Men Intégrale 1979 - Panini- chez Amazon ou à la FNAC
Toutes les images sont (c) Marvel Comics.
Participez à la discussion