S’inscrivant dans la ligne éditoriale de la Chine vue de l’extérieur d’Urban China, La trilogie de la citadelle est un roman graphique réalisé par deux américaines passionnées par l’Asie : Anne Opotowsky, au scénario, et Aya Morton au dessin.
C’est également un album luxueux et imposant : 28,4 x 3 x 20,3 cm, 290 pages, papier de qualité, au prix de 25 euros. Découpée en trois tomes, il s’agit donc d’une œuvre ambitieuse et léchée, qui se veut une invitation à la découverte et à une certaine poésie.
L’intrigue nous entraîne à Hong Kong, durant les années 1920 et suit le parcours de Song, un jeune garçon qui a trouvé un emploi dans la nouvelle poste de Kowloon. Là il y découvre le travail de fonctionnaire dans toute son absurdité et se retrouve à trier les lettres mortes n’ayant pas trouvé leur destinataire.
Zélé et un peu lunatique, Song se met en tête de livrer ces lettres mortes, ce qui va le mener à la citadelle de Kowloon, un ersatz de cité, refuge de pauvres, de criminels et de marginaux en tout genre.
Song découvre un univers haut en couleurs et fascinant, dont les figures vont se mêler à son propre quotidien. Le récit se construit autour d’un microcosme de personnages d’importance diverse, composé de prostituées, de cartomanciennes (la mère de notre héros), de fabriquants de jouets, de livreurs de piano, de saltimbanques, de colons et de magouilleurs en tout genre ou encore d’un énigmatique homme aux œufs.
Récit de type puzzle, suivant plusieurs destinées, oscillant entre drame, comédie et enquête, ce premier tome s’avère dense même si parfois un peu confus et longuet. En effet la narration se veut labyrinthique et se structure autour de ruptures et d’ellipses : nous baladant ici et là, sautant parfois directement à la conclusion de la séquence, économisant ainsi paroles et explications.
L’ambiance est parfaitement réussie, grâce notamment au graphisme d’Aya Morton et à son travail sur la couleur qui sublime son trait simple lorgnant du côté de la calligraphie. Ainsi de très belles aquarelles, des aplats et des monochromes se mélangent dans un rendu de toute beauté qui participe pour beaucoup au plaisir de lecture.
Seul bémol, le choix de la narration labyrinthique, parfois un peu décousue, rendant la lecture par moment un peu trop hermétique, voire peu intéressante, et les puissances de l’évocation et de la poésie ne se trouvent pas toujours au rendez-vous.
Intriguant et doux amer, voire nostalgique, ce premier tome de La trilogie de la citadelle n’en demeure pas moins une lecture agréable et un projet artistique relativement réussi en dépit de ses quelques problèmes de rythme. Reste à savoir s’il mérite une édition si luxueuse, bien que la partition graphique de sa dessinatrice soit une merveille.
(par Guillaume Boutet)
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