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Laurent Wauquiez (Secrétaire d’État) : « La BD concerne 10.000 emplois en France »

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 16 avril 2010                      Lien  
Où l’on découvre que l’on peut-être ministre de la République et en même temps passionné de bande dessinée. Laurent Wauquiez est secrétaire d'État à l'Emploi auprès de la ministre de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi dans le deuxième gouvernement de François Fillon, après avoir été auparavant porte-parole de ce même gouvernement. Il est aussi maire du Puy-en-Velay. Malgré cela, il a le temps de lire des BD.
Laurent Wauquiez (Secrétaire d'État) : « La BD concerne 10.000 emplois en France »
« Résurgences - Femmes en voie de resociabilisation » - Par Sandrine Revel –
La Boite à Bulles

À l’occasion de la publication de Résurgences, femmes en voie de resociabilisation de Sandrine Revel, son éditeur, Vincent Henry de La Boîte à Bulles avait invité le secrétaire d’état à l’Emploi, Laurent Wauquiez. On ne se posait même pas la question de savoir s’il viendrait, en dépit de grèves sporadiques : En ces temps perturbés, ce passionné de BD n’a pas raté l’occasion prendre un bol d’oxygène en venant nous parler de l’une de ses occupations favorites : la bande dessinée. Rencontre avec un connaisseur.

Il paraît que vous êtes un grand amateur de bandes dessinées. Qu’en est-il exactement ?

Il est rare qu’il se passe une semaine sans que j’aille dans mon magasin de BD acheter dix à vingt albums.

Comme ministre, vous avez le temps d’en lire ?

C’est un temps que je prends. D’abord parce que cela fait du bien, ensuite parce que, pour moi, la BD est un art total. On le voit bien avec ce livre, Résurgences, il y a une émotion qui est traduite par l’image qui est de l’ordre de l’intime sur le parcours de ces femmes et qui aurait été transcrite de façon plus maladroite si cela n’avait pas été une BD. La BD, depuis dix ans, est hallucinemment créative et s’est renouvelée totalement en allant précisément sur le registre de l’intime. Ce que j’adore dans la BD, c’est qu’elle investit tous les domaines, de Sfar aux mangas, de Alan Moore jusqu’à Moebius. L’un de mes moments les plus forts, il y a deux ans, a été ma rencontre avec Moebius au Festival d’Angoulême. Je suis juste un grand, grand fan de BD !

Quel genre de BD ?

Initialement, je restais dans une ligne assez classique. J’adorais les albums de Blueberry que je recouvrais de papier cristal et de scotch pour me les garder toute ma vie ! Progressivement, j’ai découvert les mangas : Akira de Katsuhiro Otomo au début, puis Appleseed et Ghost in The Shell de Masamune Shirow que je trouve être une bande dessinée avec une vraie réflexion sur l’univers de la politique. Et puis, à partir de là, je me suis ouvert à un peu tout. J’adore Alan Moore, Watchmen est un vrai chef d’œuvre.

Alan Moore est très anti-Tory. Ce n’est pas un conservateur…

Quand je lis de la BD, je n’y mets pas de politique. Certaines choses sont sacrées pour moi, la BD l’est. J’essaie de la préserver de la politique !

Est-ce que vos collègues en Conseil des Ministres parlent de BD ?

Non. Il y en a un seul, c’est Bussereau [1], qui est un fan de BD. Mais il est très classique : ce qu’il aime surtout, c’est la BD historique. En ce qui me concerne, j’adore le chien philosophe de Sfar. J’aimerais avoir un chien comme celui-là à mes côtés ! Ce week-end, je lisais Pluto de Naoki Urasawa (Kana) qui est un des mangas du moment les plus réussis et qui explore l’univers de Tezuka sur Astro Boy. Dans la nouvelle génération, il y a Bastien Vivès qui est absolument génial.

Vous êtes à la pointe de l’actualité, tout cela vient de sortir. En tant que ministre, avez –vous essayé de savoir combien d’emplois sont concernés par la bande dessinée ?

On en a parlé au dernier Festival d’Angoulême et notamment sur la question, très importante pour la France, des réseaux de distribution, car l’emploi est autant dans le chef des dessinateurs que dans les réseaux de distribution. On va travailler ensemble avec les maisons d’édition pour voir comment on peut mettre en place un fond qui permette de maintenir un réseau de librairies spécialisées et organiser, si besoin en est, leur transmission pour que cela ne soit pas perdu. Ce qui fait la force de la BD en France, ce sont ces points de vente spécialisés, des magasins de passionnés, qui portent son succès. Pour ce qui concerne les emplois, on a fait une étude qui estime qu’il y a 10.000 emplois qui dépendent de la BD.

Est-ce qu’il y a une réflexion sur les filières ? Les écoles de bande dessinée, par exemple, forment de plus en plus d’auteurs et, par ailleurs, on a le sentiment que ce qu’on appelle la « surproduction » leur fait de moins en moins de place.

Oui, un peu. Mais en même temps, la BD est une expression que l’on a à l’intérieur de soi que l’on peut travailler avec une approche du dessin, une approche du design, ou totalement en dehors de cela. Je ne suis pas sûr qu’il faille la corseter, créer des catégories. Ma seule crainte pour la BD est une espèce de dispersion, une surproduction qui fait que, finalement, certains titres ne sont pas suivis, ou insuffisamment dans la durée. Ma deuxième crainte est l’Internet. J’allume toutes les lampes rouges en disant : « Attention, il est important de continuer à acheter de la BD, que ce soit sur Internet ou en librairie ». Il faut continuer d’acheter car c’est un équilibre qui est fragile pour les auteurs. Si on ne l’achète pas, il n’y aura plus de BD. C’est un art très précieux. Il y a peu de pays qui ont un art de la BD comme nous. Il y a les États-Unis, le Japon, la France et la Belgique. Après, on peut aller en chercher, en ordre dispersé, un peu du côté de l’Espagne et de Italie, souvent intéressantes. Mais elle est anecdotique en Allemagne, quasi inexistante en Russie, etc. La BD est un des fondamentaux de notre culture française.

La richesse de ses créateurs, c’est leur capacité à changer de registre. On le voit bien avec Joann Sfar qui passe de la BD au dessin animé, au film live…

La BD s’y prête bien en effet, parce que, comme je le disais, c’est un art total. J’ai entendu Bastien Vivès dire quelque chose d’assez intéressant quand il évoque la possibilité que la BD soit aussi conçue pour Internet. J’ai été frappé récemment par la possibilité de pouvoir télécharger sur iPhone les premières pages de L’Épervier et de m’apercevoir que l’on pouvait vraiment accéder à une circulation dans l’image qui fait que l’on lit cette BD avec une scénarisation complètement différente.

Propos recueillis par Didier Pasamonik

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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[1Secrétaire d’État aux Transports dans les gouvernements François Fillon. Il est également président du conseil général de la Charente-Maritime.

 
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15 Messages :
  • 10 000 emploi oui bien sur ! Entre les éditeurs, les imprimeurs les vendeurs(Fnac, grande surface, et librairie spécialisé) sans parler des auteurs, on est déjà 5 au rayon Bd pour 1 Leclerc sur Nantes. Et sans faire dans la Bd intello ça sent comme l’avis d’un conseiller en com.

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  • Je ne savais pas que la boite à bulle était de droite, à moins que ce soit de l’opportunisme.

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    • Répondu par LO le 17 avril 2010 à  14:32 :

      Bêtise ! Cela fait huit ans que la droite est au pouvoir en France. Si l’on vous suit, tout éditeur qui a dû croiser un ministre depuis cette période serait de droite. Quelle pertinence !

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      • Répondu le 17 avril 2010 à  19:57 :

        Il est dit que c’est l’éditeur qui l’a invité, ce n’est pas ce qu’on appelle "croisé au hasard".

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        • Répondu le 18 avril 2010 à  08:33 :

          Et pourquoi l’éditeur se serait-il privé de contacter le ministre, l’un des premiers concernés par les messages du livre ? Le gouvernement aurait été de gauche, vous n’auriez pas réagi, alors que la démarche aurait été identique...

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        • Répondu le 18 avril 2010 à  16:18 :

          Les petits éditeurs vivent de subventions, c’est normal qu’ils fassent la lèche au pouvoir.

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          • Répondu par Flavien le 29 avril 2010 à  10:10 :

            L’éditeur a invité un passionné de Bd, pas un ministre. Cessez un peu de mettre de la politique dans chacune de vos interventions, c’est lassant et c’est développer une énième définition de la perversité intellectuelle.

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  • Il est rare qu’il se passe une semaine sans que j’aille dans mon magasin de BD acheter dix à vingt albums.

    Wow, impressionnant ! Si j’arrive à m’investir une fois par mois dans un album de bd je suis satisfait- question de priorité sans doute, ou de niveau de lecture.

    La BD, depuis dix ans, est hallucinemment créative

    Soyons pas chien et rajoutons un zéro au 10 : 100, il fallait lire cent ans.

    Quand je lis de la BD, je n’y mets pas de politique. Certaines choses sont sacrées pour moi, la BD l’est. J’essaie de la préserver de la politique !

    Dieu nous préserve de Gébé, et autres ! La bd un art total (dixit) au service de la détente (je n’en reviens toujours pas : 20 albums par semaine- c’est pas un peu stressant ?)

    Dans la nouvelle génération, il y a Bastien Vivès qui est absolument génial.

    Ben tiens, Vivès. C’est pas Lauzier non plus...

    Mais en même temps, la BD est une expression que l’on a à l’intérieur de soi que l’on peut travailler avec une approche du dessin, une approche du design, ou totalement en dehors de cela.

    Traduction : On peut faire ceci ou cela ou son contraire. Je crois que l’on appelle ce genre de discours la "langue de bois"

    C’est un art très précieux. Il y a peu de pays qui ont un art de la BD comme nous. Il y a les États-Unis, le Japon, la France et la Belgique. Après, on peut aller en chercher, en ordre dispersé, un peu du côté de l’Espagne et de Italie, souvent intéressantes. Mais elle est anecdotique en Allemagne, quasi inexistante en Russie, etc. La BD est un des fondamentaux de notre culture française.

    Voici une réflexion proprement stupide, acculturée et impérialiste. Si les structures commerciales sont mal appropriées à la diffusion dans les pays nommés (on appréciera au passage le choix des pays cités)cela n’implique pas que la pratique de la bd soit inexistante ou que l’art de la bd soit une particularité francaise. C’est un mensonge grossier -un de plus- que de faire croire au peuple francais qu’il est détenteur d’un message unique porteur d’une culture.

    J’ai entendu Bastien Vivès dire quelque chose d’assez intéressant quand il évoque la possibilité que la BD soit aussi conçue pour Internet.

    Vivès l’a dit, le ministre trouve cela intéressant...Je réprime un profond baîllemment.

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    • Répondu par guido bacri le 17 avril 2010 à  11:30 :

      Voilà un avis surtout motivé par la hargne. Si vous voulez vous opposer efficacement au gouvernement (c’est bien légitime) faites de la politique, militez ! On peut comme moi être farouchement contre les idées de Wauquiez mais reconnaître qu’il est un véritable fan et quel que ce soit le parti (à part les extrêmes) cela me semble une bonne chose.

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      • Répondu par Alex le 18 avril 2010 à  22:08 :

        Perso, que Mr Wauquiez appartienne à un bord politique ou un autre m’est totalemment indifférent. Ce qui m’a amené à réagir c’est le coup de "20 albums par semaine". C’est une insulte à l’intelligence, et aux créateurs... Ou 99,99% de la bd est de la m.. et peut-être consommée à cette rapidité -ce qui n’est pas à exclure- ou nous avons là à faire à un "animal" politique. Qq’un qui est à la "pêche aux points", plus royaliste que le roi. Un fan(atique) ? Cela ne me conforte en aucun point. Je n’ai aucun besoin d´être caressé dans le sens du poil.

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        • Répondu par Oncle Francois le 19 avril 2010 à  23:42 :

          Cher Alex... Monsieur Wauquiez a dit "dix à vingt albums" par semaine, ce qui est à mon avis effectivement beaucoup pour un amateur éclairé et sélectif. Je suppose qu’il n’a pas le temps de parcourir en détail ses futurs achats, ni de lire les revues consacrées au genre (Casemate, Zoo, etc). Peut-être aussi s’agit-il du nombre total de ses achats (y compris mangas et comics), mais je pense pour ma part qu’il a découvert le genre récemment et qu’il comble des pans énormes de collection et de culture BD (en gros, tout ce qui s’est fait de bien de 1950 à 2000, soit au siècle dernier).

          Si c’est le cas, laissez-le s’émerveiller et remplir ses étagères !°)

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          • Répondu par Flavien le 29 avril 2010 à  18:35 :

            Dix à vingt bds : quoi de choquant ? le budget que ça demande ? il a le mérite de ne pas cacher qu’il gagne bien sa vie ! En même temps, il ne fait pas la Une de Paris-Match pour des vacances au Maroc ou un séjour en Polynésie...Si son budget va vers cette passion, alors...

            Néanmoins, votre article aurait pu être intéressant s’il n’était pas plein de hargne. Nous sommes sur un site de Bd, face à une interview de Bd et vous voilà entrain de parler politique, langue de bois et consort. Ma foi, si vous voulez vous enfermer dans cette spirale destructrice que la télévision développe depuis notre début de siècle, à publier des commentaires assassins, à rechigner sur les sujets les plus légers, libre à vous. Pour ma part, je préfère voir là un homme qui aime la bd et qui en achète suffisamment pour faire vivre le commerce du 9ème Art. Et croyez-moi, ce sont ces acheteurs qui nourrissent les auteurs.
            Chaque semaine, les éditeurs nous offrent des œuvres de qualité, et pas que de la m.... comme certains le prétendent. Ne me dîtes pas que sur les dizaines (voir plus) de sorties hebdomadaires, il n’y en a pas une 10-15 qui sortent du lot et 5-6 qui valent vraiment le coup ? Enfin, si lui se satisfait de peu, grand bien lui fasse. Chacun ses envies et si les puristes (vous ?) ne sont satisfait de rien, c’est bien dommage et je vous plains !

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  • Une jolie confession de foi en faveur de la BD. Inhabituel de la part de quelqu’un qui n’est pas spécifiquement en charge de la culture, donc laissez-lui sa chance, avec un peu de chance, il pourra favoriser des festivals en manque de subvention par un petit mot à ses collègues....

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  • La BD concerne 10.000 emplois en France, dont les moins payés, les plus précaires, les plus dans la dèche sont les auteurs... cherchez l’erreur !

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    • Répondu par Artisan le 30 avril 2010 à  13:16 :

      LOL ...mais la question venait de M. Pasamonik, dont cette interview laisse paraître soudainement des vues personnelles polémiques, pourrait-on croire...

      Et les résultats des enquêtes du gouvernement, franchement, quelle crédibilité ont-ils ?

      En revanche les réactions du forum montrent clairement une limite de la BD en Europe : elle est associée essentiellement à de la politique de gauche.

      Sponsorisée (achetée) par les ministères de la culture à coup de musées par-ci par là.

      En tant qu’auteur je ferais tout pour éviter ce tiroir de l’assistanat. Le grand art est en principe, ... intemporel et indépendant. Certains artistes ont crevé la faim pour nous le prouver.

      Et Alan Moore : anti-Tory, M. Pasamonik ? ma fois pourquoi pas ? J’imagine mal Gordon Brown en héros intergalactique néanmoins.

      Eh pourtant, les Watchmen sont assez peu réalistes pour que cela ait une importance quelconque.

      Cependant, toute l’idée du super héros individualiste et teigneux colle assez mal avec les idéaux socio-politiques de la gauche moderne... en général.

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