Du point de vue du dessin, El Roto (un vocable qui signifie littéralement "le cassé") alias Andrés Rábago García, né en 1947 à Madrid, est une espèce de Glen Baxter mâtiné de Steinlein, voire d’hispanique Honoré, dont les thèmes seraient bien plus sociaux, mais aussi plus poétiques.
Souvent, son humour s’articule autour d’un mot, d’un concept ou d’un sens plutôt, voire d’un slogan, qu’il pousse jusqu’au bout de sa logique. Cela fait surgir des idées d’une grande force, d’une telle pureté idéologique que de nombreux manifestants se sont saisis de ses dessins pour illustrer leurs pancartes lors des manifestations des "Indignés" à Puerta del Sol ou ailleurs en Espagne.
Le parcours d’El Roto est celui d’un artiste de son temps : peintre et dessinateur sous le Franquisme, sous le pseudonyme de Ops, il endosse l’habit d’El Roto sous la Movida, commence à faire des BD puis des cartoons dans la revue satirique « El Jueves », une sorte de Charlie Hebdo espagnol pour les jeunes, « Tótem », « El Cuervo » ou la très élégante revue « Madriz ».
Ce sont évidemment les inégalités sociales entre les riches et les pauvres, les pays "avancés" et ceux "en voie de développement", la misère et l’argent, la désincarnation de la finance et l’impuissance de la politique et cette éternelle "consolidation de l’insoutenable" qui caractérise notre monde qui figurent parmi ses thèmes favoris.
Un regard lucide qui, à travers 133 dessins, entretient quelque peu notre misanthropie.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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