Vraiment, on s’en étonne tous les jours. Dans la très esthétisante collection Air Libre, créée à l’origine pour servir d’exutoire créatif aux grands noms de la maison Dupuis, on découvre des nouveaux talents venus d’univers bien plus radicaux : Ainsi Frédéric Poincelet avait-il plus ses habitudes chez Ego Comme X, Les Requins Marteaux ou sur les cimaises de galeries de dessin contemporain que dans le bon vieux catalogue gros-nez de la maison au calot de groom.
De même, Vincent Bernière traîna-t-il plus sa mèche blonde de dandy cynique dans les clubs branchés parisiens, à la tête des rhizomes bédéphiliques de Beaux-Arts Magazine ou dans les références américaines du catalogue Delcourt (Tomine, Sturm...) que dans la bande dessinée "mainstream". Est-ce cette addiction à une certaine "autre bande dessinée" qui est en sous-texte à cette histoire de désintoxication ? Allez savoir...
Pour l’amateur de BD de base, la majorité des lecteurs j’entends, cet album n’est pas des plus séduisants : le dessin illustratif de Frédéric Poincelet ne se démarque pas par ses qualités narratives ; le thème non plus (le héros est en stage dans un centre thérapeutique pour drogués) n’est également pas des plus affriolants.
Pourtant, comme dans cette couverture vide de personnages, une petite lueur attire le lecteur. Une fois l’album ouvert, on accompagne Jean dès son entrée dans un groupe de toxicos en pleine thérapie. Et là on ne lâche plus l’album. Le parcours de l’addiction à la déchéance raconté par chacun des protagonistes est poignant et interpelant grâce à des dialogues merveilleusement écrits et grâce à ce dessin clinique mais instable, au fil du sentiment, qu’est celui de Frédéric Poincelet.
Au final, on se dit que ce livre a sa place dans la collection Aire Libre : c’est une œuvre forte et si quelques ados en quête de sensations nouvelles y trouvaient de quoi réfléchir, elle serait en plus utile.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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