Il y a quinze ans, Casterman lançait sa collection Manga dans un format presque identique à la version japonaise, mais curieusement avec un premier titre européen de Baru, Grand Prix d’Angoulême 2010. Au milieu de quelques auteurs français, tels Varenne, Crespin ou Beb Deum, ce fut surtout l’arrivée de titres emblématiques comme L’Habitant de l’Infini, Gon et le premier Taniguchi : L’Homme qui marche.
Le Chien Blanco fut la seconde série traduite en français du mangaka désormais incontournable en Europe. Ce chien blanc parmi les loups court sans éprouver de fatigue. Empli de compassion, mais n’hésitant pas à tuer, sa provenance est sujette à question : une légende inuit qui raconte que les esprits de toutes les proies abattues par les chasseurs se réincarnent tous les sept ans dans un être surpuissant à l’apparence d’un chien blanc, venu enlever la vie des hommes.
Produit de manipulations génétiques de la part de l’armée qui cherche à le capturer à tout prix ? Ces questions seront levées au cours du récit, mais pour Blanco, le plus important est de courir vers la personne qu’il aime, même s’il doit y perdre la vie.
Taniguchi réalisa ces deux volumes entre 1984 et 1986, traduit en 1996 dans cette collection Manga, devenue bientôt Sakka. L’auteur y explique l’origine du récit : "Ce titre est inspiré du nom d’un loup blanc, ’héros’ d’une histoire écrite par Shīton(Seton), Lobo le roi des loups.".
Avec le questionnement intérieur qu’on retrouve dans Quartier lointain,Un Ciel radieux ou Le Journal de mon père, le mangaka est aussi très intéressé par la nature, sa force et ses dangers : Le Sommet des Dieux, K, Seton, etc. Le Chien Blanco traduit ce sentiment de puissance de l’animal plongé dans de fantastiques décors naturels, alors que l’homme peine à le combattre. Une fois de plus, l’évocation sentimentale entre l’héroïne et ce chien surnaturel est sensible, même si ce n’est pas le but premier du récit.
Dix ans après cette première incursion dans le grand Nord, soit en 1995-96, alors que Casterman s’apprêtait justement à publier les deux premiers récits, Taniguchi ressentit le besoin de prolonger Blanco car "[...] je gardais au fond de moi plusieurs histoires [...] de chiens blancs". Ce sont justement les deux volumes complémentaires que Sakka propose au lecteur, centrés deux fils de Blanco suivant des chemins forts différents. Ces deux nouveautés sont accompagnées d’une heureuse réédition des deux premiers volumes, introuvables depuis des lunes. La série s’appelle désormais Blanco.
Sans faire partie des cinq incontournables de Taniguchi, les amateurs du mangaka retrouveront les caractéristiques de ses récits : honnêteté, puissance et finesse du trait, sensibilité de l’évocation derrière une apparente violence de la nature. Taniguchi n’a d’ailleurs pas échappé au virus naturaliste, car dix années après cette seconde immersion, il dessina la série Seton, à l’origine de Blanco, et qui arriva bien plus rapidement chez nous, par le hasard des traductions.
(par Charles-Louis Detournay)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion