Il y avait tout d’abord, programmée depuis longue date, une action de la part des auteurs de bande dessinée décidés de défendre leurs droits et d’améliorer leur situation précaire : "Il s’agit de faire comprendre que les auteurs reprennent en main leur métier, nous dit Marc-Antoine Boidin, membre du SNAC-BD, leur avenir et peut-être un peu plus aussi leur place dans le livre. L’idée est d’avancer ensemble, avec les lecteurs qui sont conviés, pour montrer que l’on a bien l’intention d’être présents à tous les niveaux de décision que ce soit dans les institutions, dans les sociétés de gestion de droits, qu’au niveau éditorial.
La manifestation aura lieu le samedi en début d’après-midi et donc un débrayage des dédicaces puisqu’on va demander aux éditeurs de bien vouloir stopper les dédicaces pendant le temps de la manif pour que les auteurs puissent nous rejoindre, ceux qui le veulent évidemment, on ne force personne. Plutôt que d’être frustré de ne pas recevoir de dédicace, que les lecteurs nous rejoignent pour nous soutenir parce que c’est une marche en soutien de la création. La question des dédicaces est secondaire.
Ce qui est central, c’est notre statut social et notre rémunération. Beaucoup d’éditeurs même ne sont pas au courant de nos problèmes. On touche des avances, or ces avances doivent être remboursées pour toucher des droits directs. Or, comme il y a de plus en plus de titres publiés, chacun vend un peu moins. Comme ils vendent moins, les éditeurs réduisent les avances... ce qui met les auteurs dans l’impossibilité de vivre décemment. Cela devient dramatique. C’est l’idée des États Généraux et c’est pourquoi aussi il faut que les éditeurs nous écoutent, il faut trouver un moyen de rémunérer décemment les auteurs."
Des "États Généraux"
Qu’en est-il précisément de ces États Généraux ? "C’est une association initiée par les auteurs dans l’idée de faire entrer tous les acteurs du livre : auteurs, éditeurs, diffuseurs, libraires... Chacun apportera un cahier de doléances, d’inventaire des problèmes rencontrés. Il seront mis à plat lors de la rencontre d’Angoulême, mis en perspective avec les études qui auront été faites et les confronter avec la réalité de terrain. Les États Généraux auront lieu le vendredi 30 janvier 2015 de 10h00 à 12h00 au Théâtre d’Angoulême. Un site est à disposition pour prendre contact avec les organisateurs.."
Aux dernières nouvelles, la marche rendra également hommage aux créateurs de Charlie Hebdo assassinés le 7 janvier 2015.
Problèmes de sécurité et services d’ordre
Le problème de ces actions, c’est qu’elles interviennent justement au moment où la nation toute entière est sous la menace terroriste, les autorités craignant que les opérations terroristes du 7 et du 9 janvier suscitent des répliques. À cela s’ajoute un contexte international où l’édition du "Charlie des survivants" continue à faire du remous dans certains pays musulmans avec de nouveaux appels au meurtre.
Il est évident que la préfecture de la Charente et la mairie d’Angoulême mettront en place des mesures de sécurité particulières pendant le festival. Attendez-vous à ce que vos sacs soient fouillés. Vu les files déjà considérables devant les "bulles", cela ne va pas être coton !
On attend en effet la venue d’auteurs de Charlie Hebdo pour recevoir les hommages, parmi lesquels peut-être un Grand Prix ? (voir plus loin) et puis aussi quelques auteurs israéliens pour lesquels une protection spéciale devrait être, en toute logique, assurée.
Le "débrayage des auteurs" et la manifestation auront lieu le samedi après-midi. Pour ceux qui connaissent le terrain angoumoisin, on imagine d’avance le cauchemar...
Polémique autour du "Prix Charlie de la Liberté d’expression"
Une fois de plus, le FIBD avait cru bien faire en proposant un "Prix Charlie de la Liberté d’expression". Sauf que, comme d’habitude, cela a été déclaré dans la précipitation et sans la consultation des principaux acteurs de la profession.
Le FIBD avait avancé une liste de 26 noms concoctée par on ne sait trop par qui et proposée aux votes de 2000 auteurs dont on en sait pas trop qui ils sont (ils paraît qu’ils sont proposés par leurs éditeurs...), qui vont, on suppose, de l’obscur fanzineux au dessinateur professionnel aguerri (aucune communication officielle claire n’est faite à ce sujet). De ce chapeau seraient sortis d’un premier tour le Belge Hermann, le Britannique Alan Moore et le Japonais Katsuhiro Otomo.
Or, voici quelques jours, l’auteur Gwen de Bonneval et quelques autres ont été à l’origine d’une pétition pour que, cette année, ce soit Charlie Hebdo qui reçoive le Grand Prix. Près de mille signataires avaient déjà souscrits à cette pétition quand nous vous en parlions voici quatre jours, ils sont plus de 4000 aujourd’hui...
Dans le quotidien Le Monde d’aujourd’hui (week-end, 17 janvier 2015), Frédéric Potet ajoute : "D’autres voix se mêlent au débat, comme celles des précédents Grands Prix, réunis au sein d’une "académie" devenue honorifique depuis son évincement progressif du mode de désignation. "Donner le Grand Prix à Charlie tombe sous le sens", indique Florence Cestac (primée en 2000), organisatrice d’un repas ayant rassemblé 18 lauréats."
"Il s’est quand même passé quelque chose de gravissime dit de son côté Bilal, selon Le Monde, tout paraît dérisoire à côté. Oui, Charlie Hebdo doit être Grand Prix, mais qu’en ferait-il pour autant ? Les dessinateurs ont l’impression d’avoir été esseulés pendant des années."
Entre les feux croisés de l’actualité, les problèmes de sécurité et ce Grand Prix une fois de plus dans un flou total, le FIBD va encore vivre une édition compliquée cette année.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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42e Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, du 29 janvier au 1er février 2015.
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