C’était il y a quelques mois une « fake news » mais il y avait quand même baleine sous le gravillon. Ce n’est donc pas Hachette qui entre dans le capital de Delcourt mais la holding familiale Florac, actionnaire historique du groupe Louis Dreyfus, présidée par Marie-Jeanne Meyer et dirigée en Europe par Léopold Meyer. L’investissement serait purement financier, Florac accompagnant l’entreprise dans son développement sans intervenir dans le management d’une société qui marche plutôt bien déjà : « Florac investit des montants unitaires compris entre 20 et 150 millions d’euros (fonds propres et quasi fond propres), dit le communiqué, avec un horizon de sortie flexible, aux côtés de fondateurs, dirigeants et partenaires stratégiques, dans des entreprises à fort potentiel de croissance et administrées par d’excellentes équipes de management. »
Depuis sa création en 1986, Guy Delcourt a plutôt bien mené sa barque. De son premier succès « La Bande à Renaud » à un catalogue aujourd’hui largement diversifié dans la BD, les comics et les mangas, diffusé par une équipe de vente en propre (le diffuseur Delsol), le groupe réalise un chiffre d’affaires de l’ordre de 80 à 100 millions d’euros répartis sur plus de 650 nouveautés annuelles (jeunesse, romans graphiques, séries classiques, comics, manga…) avec les labels Delcourt, Tonkam, Soleil, soit un catalogue cumulé de 9 500 titres. Avec ses 115 salariés basés à Paris et à Toulon, le Groupe Delcourt est le second éditeur de BD francophone.
Les moyens d’une ambition
Pourquoi ce rapprochement ? Simplement pour financer la croissance du groupe. Pour décoller, il faut du carburant. Or, Delcourt a des ambitions de « croisement », comme dit le communiqué, de la BD dans domaines culturels et artistiques : livres illustrés, produits dérivés liés aux univers du Groupe, romans jeunesse ou littérature (comme la création récente d’une collection de thrillers). En clair, de croître tous azimuts.
Le déploiement ces dernières années du groupe Media-Participations avec ses univers adaptés à l’écran (Valérian, Spirou, Gaston Lagaffe, Tamara, Zombillénium… rien qu’en 2017) et sa filiale de Mediatoon qui pilote des projets de parcs d’attraction thématiques comme le Parc Spirou en Provence, montrent bien la voie : aujourd’hui, la bande dessinée n’est plus seulement une activité éditoriale : c’est une exploitation à 360° qui influence des industries bien plus puissantes qu’elles : le cinéma, le jeu vidéo, les parcs de loisir, le jouet, la mode...
L’autre axe, le communiqué le fait bien comprendre, ce sont des « opérations de croissance externe ». Dans le domaine de l‘édition, comme Média-Participations l’a fait récemment avec le Groupe La Martinière-Le Seuil ? C’est bien possible : la tendance est à la fusion -les éditeurs ayant multiplié comme champignons sous la pluie- chaque groupe s’employant à atteindre la taille critique utile.
Mais aussi dans d’autres secteurs… Là encore, le modèle Disney ou encore Media-Participations est d’application : cette dernière a pris le contrôle de la société de jeux vidéo Hanuman et est entré dans le capital d’Ankama. Média est co-producteur de ses films et actionnaire de son parc d’attraction. Ces secteurs pèsent six à sept fois celui de l’édition et sont très dépendants des licences… détenues par les éditeurs et les ayants droits. Adossé à un groupe financier puissant, le groupe Delcourt peut afficher son ambition.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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