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Le Marché de la BD en 2011 (2/2) : Le Rapport Ratier indique une production et un marché figés

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 26 décembre 2011                      Lien  
5.327 livres de bande dessinée ont été publiés en 2011 contre 5.165 titres en 2010 (+ 3,04%), soit une nouvelle augmentation pour la 16e année consécutive. Le marché francophone de la BD compte désormais 310 éditeurs (299 en 2010, 288 en 2009) et 1749 auteurs publiés (1689 en 2010 et 1396 en 2009). Est-ce un signe de bonne santé ou une folie?

Rappelons-le, comme chaque année, à l’intention des numérologues distraits ou malintentionnés : Gilles Ratier, aidé depuis quelques temps par ses amis de l’Association des journalistes et des critiques de bande dessinée (mais pas seulement eux), est bibliothécaire de profession.

À ce titre, et de façon bénévole, il comptabilise depuis 12 ans la production de la bande dessinée dans l’espace francophone européen. Cet indicateur permet depuis tout ce temps de mesurer l’activité éditoriale mais ne constitue pas une étude de marché, seulement une tendance. Nous aurons les vrais chiffres du marché lorsque les officines d’analyse sectorielle de type Ipsos ou GfK produiront leurs chiffres en début 2012.

Mais l’ACBD qui compte dans ses rangs Fabrice Piault, journaliste auprès de l’hebdomadaire professionnel Livres-Hebdo, lequel dispose d’éléments statistiques tangibles publiés par cet hebdomadaire de référence pour les librairies et les bibliothèques, fournit des chiffres indicatifs des parts de marché, ce qui permet d’en tirer quelques enseignements.

Quelles sont les tendances cette année ?

Le Marché de la BD en 2011 (2/2) : Le Rapport Ratier indique une production et un marché figés Une augmentation de la production. "Encore !" disent la plupart des observateurs, Gilles Ratier en tête. Les éditeurs (310 en 2011), de plus en plus nombreux, ne sont pas effrayés par l’évolution du secteur. Ils continuent de publier chaque année encore plus. Mais il sont de plus en plus à se partager un gâteau relativement stable : 3876 nouveautés cette année, soit seulement 65 titres de plus que l’année dernière, moins de 2% !

La production des nouveautés est stable pour ne pas dire atone en Europe francophone en 2011 : 3876 titres dont 2018 BD, 1494 mangas et 364 comics.
Chiffres : Gilles ratier ACBD / Infographie : L’Agence BD.

- Là où cela devient relativement ahurissant, c’est le nombre de nouveaux auteurs arrivés sur le marché. Ratier compte ceux qui sont publiés : 1749 , soit une progression de près de +25,2% en deux ans qui n’a rien en commun avec les possibilités du marché. Cela veut dire que si, pour le consommateur, c’est un gage de choix et de diversité, pour les auteurs, la concurrence devient de plus en plus féroce.

Il serait intéressant à ce stade de distinguer deux types d’éditeurs et/ou d’auteurs (lesquels se confondent parfois) : les acteurs professionnels qui vivent de leur métier et les acteurs occasionnels qui ont un autre job à côté. Mais il est possible que ce distinguo ne soit pas pertinent : un bon nombre de titres publiés viennent d’éditeurs généralistes (par exemple : Gallimard ou Actes Sud) pour lesquels la BD n’est qu’une partie de leur activité ; bon nombre d’auteurs, par ailleurs, sont profs ou produisent des travaux publicitaires qui les nourrissent sans que cela puisse jeter un discrédit sur leur talent.

- Une redistribution des cartes dans les parts de marché : Delcourt/Soleil affiche cette année sa production la plus basse depuis six ans et Flammarion/Casterman depuis sept ans (Tintin a dû leur prendre les mains) ! En revanche, le nombre de titres croît nettement chez Média-Participations qui profite sans doute de l’espace laissé par Delcourt et Casterman, puisque la production de leurs nouveautés a plus que doublé en six ans, tandis qu’elle a augmenté de 61% chez Glénat qui a décidé, en outre, de se recentrer sur le marché français. La surproduction, s’il y en a une, c’est eux !

Avec 30,4% de parts de marché, selon Ipsos/Livres-Hebdo, Média-Participations reste leader sur le marché francophone.

Mais, si l’on en croit les chiffres Ipsos produits par Livres-Hebdo et Gilles Ratier, cela ne se traduit pas dans la réalité des parts de marché : Média-Participations a perdu 8 points depuis 2004 (mais il reste néanmoins leader avec 30,4%) ; Delcourt-Soleil ont progressé de 4 points sur la même période avec 16,5% de PDM ; Glénat en a perdu plus de 5 avec 15,1% de PDM et Casterman 1 avec 7,9%.

Cela s’est fait en faveur des nouveaux outsiders : Bamboo (3,4%), Kurokawa (groupe Editis, 2,8%), Panini 2,6% et quelques autres comme Ki-Oon, 12bis, Futuropolis ou Ankama qui tutoient les 1% de parts de marché.

- Les parts de production de nouveautés entre la bande dessinée, les mangas et les comics sont relativement stables (seuls les comics frémissent un peu), constituant 47,4% des nouveautés.

Les comics comme les mangas ne progressent pas de façon notable cette année.

- Les titres patrimoniaux des catalogues (rééditions de classiques, intégrales, etc.) font une progression régulière mais remarquable : 300% en 10 ans. Cela traduit d’une part une maturation du marché qui se réfugie dans des valeurs sûres et une volonté des éditeurs de favoriser les titres du catalogue qui font de la marge, puisque ces ouvrages sont amortis depuis longtemps.

Mais c’est peut-être le signe d’une clientèle qui a notablement vieilli et d’un lectorat qui ne se renouvèle pas.

Quant au marché de la BD numérique, il apparaît à peine sur le radar. Le "switch" du livre sur l’écran ne se fera pas pour 2012.

À moins d’une apocalypse ?...

LE RAPPORT DE GILLES RATIER POUR L’ACBD (EN PDF)

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Code EAN :

En médaillon, Gilles Ratier.

Photos : D. pasamonik (L’Agence BD)

 
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17 Messages :
  • une progression de près de +80% des auteurs en deux ans, qui n’a rien en commun avec les possibilités du marché !!!

     ??????? Là, ça fait peur !! La concurrence va être vive, ainsi que els coups de poignards dans le dos :(((

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    • Répondu le 26 décembre 2011 à  17:54 :

      C’est surtout effroyable pour les auteurs de plus de 40 ou 50 ans qui n’ont fait que ce métier et qui se retrouvent sur le bord de la route. Pour eux pas de reconvertion possible (ils sont trop vieux sur le marché du travail) et pas de chomage... C’est la mort à petit feu.

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      • Répondu par Oncle Bob le 26 décembre 2011 à  19:41 :

        Malheureusement les artistes sont fragiles et on risque d’avoir quelques suicides dans les temps qui viennent, ils feront pas les titres des sites et encore moins des journaux, car ce ne seront pas des auteurs vedettes évidemment mais d’honnêtes artisans abandonnés par tous.

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    • Répondu le 26 décembre 2011 à  18:18 :

      Depuis un an déjà, je pense, dans les salons on en entend des vertes et des pas mures dans la rubrique " je te pique un dessinateur, ou un scénariste " et tant pis, si ça flingue ta série en cours

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    • Répondu le 26 décembre 2011 à  19:57 :

      "soit une progression de près de +80% en deux ans"...
      A mon humble avis il y a une erreur : ce serait 25 % ou alors sur dix ans ?

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      • Répondu par Auteur écoeuré. le 27 décembre 2011 à  00:15 :

        Tout dépend si on compte aussi tous les auteurs amateurs et autres bloggeurs édités par les petits éditeurs tout aussi amateurs (rappelez-vous les mimistinguette et autres Simon Roussin). C’est comme si dans les musiciens de métier on comptait aussi ceux qui ne sortent leur guitare que pour la fête de la musique, ça finit par faire nombre, mais ça ne signifie rien.

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      • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 27 décembre 2011 à  10:24 :

        Vius avez raison, c’est 353 auteurs de plus depuis 2009, et donc 25,2%. Nous corrigeons cette coquille.

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        • Répondu par Tche le 27 décembre 2011 à  15:09 :

          Comment vous calculez ça ? Tous ne sortent pas un album par an, certains ne sortent qu’un seul album et disparaissent, d’autres semblent arrêter le métier (je pense au formidable Olis, mixte entre Morris et Franquin, qui fit 8 albums du Garage Isidore et puis plus rien, ou Warnant, créateur de Soda). Comptez-vous chaque compte d’auteur ? Tous les petits brochés chez Warum ou l’égouttoir ? Mimistinguette est-elle comptée parmi les auteurs, à légale de Mœbius ?

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        • Répondu par Ced le 27 décembre 2011 à  21:02 :

          353 auteurs de plus depuis 2009,

          Ne sont-ce pas les "écoles" de bd le problème, qui balancent sur un marché déjà saturé plus d’une centaine de candidats par an, surtout que la qualité n’est pas au rendez-vous, pour un Bastien Vives, combien de Simon Roussin ou d’Isabelle Pralong, et malgré la médiocrité des projets, ils trouvent des éditeurs (il y en a tellement) qui ont besoin de remplir leur catalogue pour exister, quitte à publier de l’impubliable.

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          • Répondu par lebon le 28 décembre 2011 à  20:19 :

            J’ai le sentiment qu’on avance dans les discussions sur ce thème, même si c’est beaucoup de constats et que c’est facile d’en faire, j’ai l"espoir qu’un jour la publier redevienne le privilège du talent et de l’audace, en résumé que l’accès à la publication soit moins galvaudé que ces dernières années, ce que j’appelle le tout publiable, à peut être bientôt vécu.

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          • Répondu par kstor le 28 décembre 2011 à  21:02 :

            à vrai dire, je ne vois pas trop l’intérêt de participer au forum vu le nombre d’experts qui s’y collent déjà, experts en Bande Dessinée, experts en Art, experts en Edition, experts en Economie, experts en Prospective, experts en Marché, experts en Tout, mais quand je lis une expertise à ce point entendue, "pour un Bastien Vives combien de Simon Roussin ou d’Isabelle Pralong", c’est étonnant, je m’aperçois que le clavier bouge tout seul sous mes doigts. Tout ça pour dire que certains devraient vraiment réserver leur expertise au comptoir de leur bistrot favori.

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  • Les choses sont simples :

    De plus en plus d’auteurs, de plus en plus de livres, de plus en plus d’éditeurs et de moins en moins de ventes par album = seuil de rentabilité revu à la baisse = baisse des avances sur droits = diminution du temps pour faire un livre = diminution de la qualité du dessin = diminution du lectorat = éparpillement du lectorat = de moins en moins de maîtrise du marché (best seller aléatoire) = remplacement des auteurs à la mode de plus en plus rapide = profession dangereuse pour les auteurs, travail alimentaire nécessaire.

    A terme on va paupériser les auteurs et paupériser les maisons d’édition. Le système suit le principe de la crise économique (crise des subrprime etc). Les éditeurs se payent sur la mise en place mais les ventes baissent. A un moment tout éclate, la bulle explose. La moitié des éditeurs des grosses maisons d’éditions seront virés (compression de personnels) et la moitié des auteurs n’auront plus d’avaloirs ou un avaloir symbolique (1000 euros). On aura atteint le marché de la littérature que L’Association appelait de ses voeux. 10 auteurs médiatiques qui vendent et 1000 qui rament. Les journalistes et libraires qui font la loi en sacrant les auteurs qu’ils veulent. Les lecteurs qui ne seront plus les geeks trentenaires mais les profs, les bibliothécaires, les urbains de plus de 40 ans.

    La mutation est en train de s’opérer lentement. Songez à tous ceux dont le business est en train de sombrer lentement. Les auteurs de demain ne seront pas parmi les gros vendeurs d’aujourd’hui, bien au contraire.

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    • Répondu par Sergio Salma le 27 décembre 2011 à  00:48 :

      Un premier intervenant qui prédit des suicides d’auteurs. Ici un médium qui a tout calculé , tout prévu dans la catastrophe annoncée. Bonne année tout le monde !

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      • Répondu par lebon le 27 décembre 2011 à  07:16 :

        Bonne année à vous également monsieur Salma.

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      • Répondu le 27 décembre 2011 à  12:08 :

        Le marché sort 15 livres par jour. Comment voulez-vous qu’il ne s’écroule pas. Les éditeurs creusent leur propre tombe. C’est une fuite en avant insensée.

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        • Répondu par lebon le 27 décembre 2011 à  15:01 :

          Rendez vous compte, en 2011 il y a eu 567 articles anxyogènes sur la fin de la BD et plus de 567 nouveaux intervenants ce sont balancés des noms d’oiseaux. le mot chef d’oeuvre à été prononcé 879 fois, alors que "cet album est une grosse bouse" a été cité 2345 fois, heureusement que la fin du monde est prévue pour 2012 (dixit maya l’abeille) plus que quelques mois à souffrir. Boaf, on peut déconner non ?

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