Trois destins fragiles au-delà des Pyrénées. Trois trentenaires mal dans leur peau, à la recherche d’une amélioration de leur quotidien, et même d’une autre vie. Carlos dépérit comme vendeur de vêtements et se prépare à un emploi d’ingénieur en Estonie ; David ne trouve pas de travail et décide de vendre ses charmes ; Sara a renoncé à l’enseignement et déprime chaque jour au téléphone à tenter de vendre des assurances.
Chronique sociale parfaitement réaliste, Le Monde à tes pieds dresse un portrait générationnel touchant. Les trois récits ne sont reliés que par leur ancrage urbain, des âges similaires, et l’emprise totale du travail dans les choix de vie. Si les situations de départ reposent sur des socles solides, les scénarii pâtissent de dialogues envahissants, à la limite de l’auto-complaisance. Le malaise permanent des personnages pourrait se passer de tels développements. Et Nadar apparaît parfois inégal dans son dessin et le choix des couleurs. Ses cadrages sont en revanche plus convaincants.
Reste l’aspect purement sociologique. L’éditeur a eu la bonne idée de solliciter le sociologue Phlippe Lemistre pour ajouter une postface à l’album. Il commente avec précision les trois trajectoires sociales des personnages autour de la question du déclassement. Un peu frustrant, sans données chiffrées et trop de citations théoriques, d’autant qu’il laisse de côté la question du vieillissement de la population espagnole, des flux migratoires, de la famille et des secteurs tendus comme le tourisme. Et même si cela sort de son domaine d’expertise, la sociologie de l’homosexualité, importante dans ce roman graphique, méritait une ébauche de commentaire.
(par David TAUGIS)
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