Florence Cestac, la seule auteure membre de l’Académie des Grands Prix à Angoulême, n’en démord pas : « Le directeur du festival d’Angoulême est un crétin total, déclare-t-elle au Figaro. Le festival est devenu une foire à dédicaces, un business qui n’a plus rien de culturel. Les organisateurs du festival ne connaissent pas leur sujet. [...] Il y a plein d’auteures de ma génération et de la génération suivante qui méritent amplement le Grand prix. La moindre des choses, c’est que des femmes soient nominées ! »
Une contre-offensive médiatique
Franck Bondoux, puisqu’il faut l’appeler par son nom, et sa responsable de la communication Marie-Noëlle Bas, ironie de l’histoire par ailleurs présidente de l’Association des Chiennes de Garde, ont fait une large contre-offensive médiatique ces jours-ci. Dans le JDD, le directeur délégué du FIBD répond à Florence Cestac : "...ce qui me gêne dans les propos de Florence Cestac, ce n’est pas qu’elle me traite de crétin, mais c’est qu’elle dise que le festival n’a plus rien de culturel. C’est insultant pour les festivaliers, dessinateurs et éditeurs et dommageable pour le festival à l’international."
Monsieur Bondoux est devenu le porte-parole malgré eux des festivaliers, des dessinateurs et des éditeurs ! il passe un peu vite à la trappe les nombreuses bourdes qui ont accompagné la liquidation programmée de l’Académie des Grands Prix voulue par 9eArt+ et dont ActuaBD.com a rendu compte
La dernière boulette des organisateurs du FIBD concernant l’absence d’auteures dans la liste des nominés pour les Grands Prix n’est pas passée inaperçue. Son retentissement médiatique -que le délégué général du FIBD déplore, et on le comprend- a été exceptionnel et international.
Elle a d’autant plus fait le tour du monde qu’à Londres, une exposition réunissant les 100 plus grands auteurs féminins de l’Histoire s’apprête à ouvrir ses portes dans les prochaines semaines et constitue comme une sorte de démonstration de la cécité des organisateurs du FIBD.
Son patron a beau persister dans la dénégation en avançant, dans une habile partie de bonneteau, que la Sélection officielle comporte 25% de femmes, laissant entendre que tous les commentateurs auraient mal lu ce qui leur a été proposé, il ne pourra jamais contester que la liste des Grands Prix -la distinction suprême !- n’en comportait aucune !
Et ce n’est pas en supprimant cette liste de présélection pour la remplacer, à quelques jours du scrutin, par une autre laissée au choix des votants dont les conditions discrétionnaires de désignation restent contestables, qu’il nous le fera oublier. La tache reste indélébile.
Comme par un fait exprès, le Prix Artémisia de la bande dessinée féminine, proclame sa nouvelle élue le 9 janvier. Rien d’opportuniste là-dedans : créée le 5 octobre 2007 par Chantal Montellier et quelques autres personnalités, cette association remet chaque année un Prix le 9 janvier, date de l’anniversaire de Simone de Beauvoir. Irmina de Barbara Yelin (Actes Sud, L’An 2) en avait été la lauréate l’année dernière.
Cette année c’est "Glenn Gould, une vie à contretemps" de Sandrine Revel (Ed. Dargaud) qui emporte la palme : "Cette magnifique biographie dessinée explore la vie du célèbre pianiste. Cet ouvrage riche et documenté permet de découvrir la personnalité cachée de l’artiste et tente de percer le mystère de ce génie de la musique" dit le communiqué. Que dire de mieux face à ce formidable travail graphique, tout en rythmes et en silences, aux touches de couleurs sobres et délicates, qui interprète graphiquement Gould tout en ne passant pas à côté de l’objet du livre : nous faire découvrir la personnalité énigmatique du grand musicien canadien ?
L’autre choix du jury présidé par Chantal Montellier (composé de 12 membres dont quatre hommes) revient, à travers un "coup de cœur", à Théa Rojzman pour son album Mourir (ça n’existe pas) paru aux éditions La Boîte à Bulles "Un récit intimiste et poignant magnifiquement réalisé en couleurs directes à l’aquarelle qui aborde les thèmes forts du traumatisme, de la souffrance et de la folie" proclame le communiqué.
"L’œuvre de Théa Rojzman est tout à fait cohérente, écrivait David Taugis dans nos pages. Sa formation de thérapeute donne une place primordiale à l’exploration des failles humaines. La forme de l’album affiche donc d’une grande liberté, imposant au lecteur de se laisser aller au milieu de scènes qui s’enchainent parfois de façon surprenante. Ses couleurs sont encore plus audacieuses, avec en particulier des choix de décors totalement décalés (murs, ciels, paysages). On est clairement dans un univers parallèle et les scènes réalistes y font figure de parenthèses. Pas toujours facile à suivre, mais réellement fascinant dans l’audace formelle et l’exigence de fond. Car finalement, Mourir (ça n’existe pas) cherche à comprendre les mécanismes psychologiques des deux grandes questions : l’amour et la mort. Avec en filigrane, une belle ode aux anges gardiens, façon La Vie est belle de Frank Capra."
L’une et l’autre de ces auteures, nos lecteurs peuvent s’en rendre compte, sont dignes de figurer dans la sélection d’Angoulême. Pourquoi n’y sont-elles pas, Monsieur Bondoux ?
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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