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Le Prix Artémisia de la bande dessinée féminine fait la leçon au Festival d’Angoulême

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 11 janvier 2016                      Lien  
Remettant le 9 janvier son Grand Prix à Sandrine Revel pour son "Glenn Gould, une vie à contretemps" (Ed. Dargaud) et un Prix Spécial du Jury à Théa Rojzman pour son album "Mourir (ça n’existe pas)" paru aux éditions La Boîte à Bulles, les jurés du Prix Artémisia font la démonstration que l'on peut trouver son bonheur chaque année dans la production féminine de bande dessinée.
Le Prix Artémisia de la bande dessinée féminine fait la leçon au Festival d'Angoulême
Florence Cestac
Ph : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Florence Cestac, la seule auteure membre de l’Académie des Grands Prix à Angoulême, n’en démord pas : « Le directeur du festival d’Angoulême est un crétin total, déclare-t-elle au Figaro. Le festival est devenu une foire à dédicaces, un business qui n’a plus rien de culturel. Les organisateurs du festival ne connaissent pas leur sujet. [...] Il y a plein d’auteures de ma génération et de la génération suivante qui méritent amplement le Grand prix. La moindre des choses, c’est que des femmes soient nominées ! »

Une contre-offensive médiatique

Franck Bondoux, puisqu’il faut l’appeler par son nom, et sa responsable de la communication Marie-Noëlle Bas, ironie de l’histoire par ailleurs présidente de l’Association des Chiennes de Garde, ont fait une large contre-offensive médiatique ces jours-ci. Dans le JDD, le directeur délégué du FIBD répond à Florence Cestac : "...ce qui me gêne dans les propos de Florence Cestac, ce n’est pas qu’elle me traite de crétin, mais c’est qu’elle dise que le festival n’a plus rien de culturel. C’est insultant pour les festivaliers, dessinateurs et éditeurs et dommageable pour le festival à l’international."

Monsieur Bondoux est devenu le porte-parole malgré eux des festivaliers, des dessinateurs et des éditeurs ! il passe un peu vite à la trappe les nombreuses bourdes qui ont accompagné la liquidation programmée de l’Académie des Grands Prix voulue par 9eArt+ et dont ActuaBD.com a rendu compte

Le sympathique et très féministe Franck Bondoux au Grand Journal. une offensive médiatique.
Capture d’écran

La dernière boulette des organisateurs du FIBD concernant l’absence d’auteures dans la liste des nominés pour les Grands Prix n’est pas passée inaperçue. Son retentissement médiatique -que le délégué général du FIBD déplore, et on le comprend- a été exceptionnel et international.

Elle a d’autant plus fait le tour du monde qu’à Londres, une exposition réunissant les 100 plus grands auteurs féminins de l’Histoire s’apprête à ouvrir ses portes dans les prochaines semaines et constitue comme une sorte de démonstration de la cécité des organisateurs du FIBD.

Comme en commentaire de la bourde du FIBD, l’exposition "Comix Creatrix 100 Women Making Comics" (Cent femmes auteures de bande dessinée) conçue par Olivia Ahmad et Paul Gravett ouvre ses portes du 5 février au 15 mai 2016, à la House of Illustration (2 Granary Square, King’s Cross London N1C 4BH)
DR
Sandrine Revel, Prix Artemisia 2016 pour son "Glenn Gould, une vie à contretemps" (Ed. Dargaud)

Son patron a beau persister dans la dénégation en avançant, dans une habile partie de bonneteau, que la Sélection officielle comporte 25% de femmes, laissant entendre que tous les commentateurs auraient mal lu ce qui leur a été proposé, il ne pourra jamais contester que la liste des Grands Prix -la distinction suprême !- n’en comportait aucune !

Et ce n’est pas en supprimant cette liste de présélection pour la remplacer, à quelques jours du scrutin, par une autre laissée au choix des votants dont les conditions discrétionnaires de désignation restent contestables, qu’il nous le fera oublier. La tache reste indélébile.

Comme par un fait exprès, le Prix Artémisia de la bande dessinée féminine, proclame sa nouvelle élue le 9 janvier. Rien d’opportuniste là-dedans : créée le 5 octobre 2007 par Chantal Montellier et quelques autres personnalités, cette association remet chaque année un Prix le 9 janvier, date de l’anniversaire de Simone de Beauvoir. Irmina de Barbara Yelin (Actes Sud, L’An 2) en avait été la lauréate l’année dernière.

Cette année c’est "Glenn Gould, une vie à contretemps" de Sandrine Revel (Ed. Dargaud) qui emporte la palme : "Cette magnifique biographie dessinée explore la vie du célèbre pianiste. Cet ouvrage riche et documenté permet de découvrir la personnalité cachée de l’artiste et tente de percer le mystère de ce génie de la musique" dit le communiqué. Que dire de mieux face à ce formidable travail graphique, tout en rythmes et en silences, aux touches de couleurs sobres et délicates, qui interprète graphiquement Gould tout en ne passant pas à côté de l’objet du livre : nous faire découvrir la personnalité énigmatique du grand musicien canadien ?

Sandrine Revel, Prix Artemisia 2016 pour son "Glenn Gould, une vie à contretemps" (Ed. Dargaud)
Prix Spécial du Jury à Théa Rojzman pour son album "Mourir (ça n’existe pas)" paru aux éditions La Boîte à Bulles

L’autre choix du jury présidé par Chantal Montellier (composé de 12 membres dont quatre hommes) revient, à travers un "coup de cœur", à Théa Rojzman pour son album Mourir (ça n’existe pas) paru aux éditions La Boîte à Bulles "Un récit intimiste et poignant magnifiquement réalisé en couleurs directes à l’aquarelle qui aborde les thèmes forts du traumatisme, de la souffrance et de la folie" proclame le communiqué.

"L’œuvre de Théa Rojzman est tout à fait cohérente, écrivait David Taugis dans nos pages. Sa formation de thérapeute donne une place primordiale à l’exploration des failles humaines. La forme de l’album affiche donc d’une grande liberté, imposant au lecteur de se laisser aller au milieu de scènes qui s’enchainent parfois de façon surprenante. Ses couleurs sont encore plus audacieuses, avec en particulier des choix de décors totalement décalés (murs, ciels, paysages). On est clairement dans un univers parallèle et les scènes réalistes y font figure de parenthèses. Pas toujours facile à suivre, mais réellement fascinant dans l’audace formelle et l’exigence de fond. Car finalement, Mourir (ça n’existe pas) cherche à comprendre les mécanismes psychologiques des deux grandes questions : l’amour et la mort. Avec en filigrane, une belle ode aux anges gardiens, façon La Vie est belle de Frank Capra."

L’une et l’autre de ces auteures, nos lecteurs peuvent s’en rendre compte, sont dignes de figurer dans la sélection d’Angoulême. Pourquoi n’y sont-elles pas, Monsieur Bondoux ?

"Mourir (ça n’existe pas)" de Théa Rojzman paru aux éditions La Boîte à Bulles

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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17 Messages :
  • "...ce qui me gêne dans les propos de Florence Cestac, ce n’est pas qu’elle me traite de crétin, mais c’est qu’elle dise que le festival n’a plus rien de culturel. C’est insultant pour les festivaliers, dessinateurs et éditeurs et dommageable pour le festival à l’international."

    Je ne me sens pas insulté par Florence Cestac mais par la suffisance de Monsieur Bondoux, oui !
    François Bondoux se croit indispensable à la Bande Dessinée et en plus, à l’échelle internationale.
    Le FIBD n’est qu’un salon, une entreprise commerciale. Rien de plus. Ce n’est ni Jérusalem, ni Rome, ni Le Caire. S’il disparaît, la Bande Dessinée continuera d’exister. Si le FIBD disparaît : aussi.
    Les auteur.e.s continueront d’en créer, les éditeur.trice.s continueront d’en éditer, les libraires d’en vendre et les lecteur.trice.sd’en lire.
    Il parle au nom de qui ? En son nom et puis c’est tout.

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  • Bonjour,
    Dans le corps de l’article, le lien " ActuaBD.com a rendu compte " est défaillant.
    Il y a un "." en trop dans l’adresse qui, de fait, amène à un 404.

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 11 janvier 2016 à  11:59 :

      Nous l’avons corrigé. Merci pour cette lecture attentive.

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  • " (...) dommageable pour le festival à l’international."
    Le plus dommageable à l’international, c’est l’attitude et les propos sexistes de Franck Bondoux lui-même.

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  • C’est scandaleux ce Prix Artémisia, il n’y a jamais aucun auteur homme récompensé, on en trouve aucun dans la sélection, alors que les hommes sont tout aussi capables que les femmes de faire de la bande dessinée féminine, halte au sexisme !

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    • Répondu le 12 janvier 2016 à  09:39 :

      Et il n’y a que 12% d’hommes dans la BD, un seul a été primé aux Grands Prix d’Angoulême ! ; c’est vraiment scandaleux.

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      • Répondu par Jeanmich le 12 janvier 2016 à  15:11 :

        Il y a 87% d’hommes dans la BD, et aucun n’a été nommé au Prix Artémisia, c’est un cas flagrant de discrimination.

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  • On peut taper autant qu’on veut sur Bondoux (qui n’est tout de même pas le seul ni à organiser le Festival d’Angoulême ni à faire la sélection des nominés) mais aussi - étrangement - oublier que la plupart des AUTRES festivals bd français n’ont pas plus reconnu les femmes : le Grand Prix BD Boum de Blois (depuis 18998) n’a récompensé qu’une femme (Annie Goetzinger)... pas plus tard qu’en 2014 ! Du côté de St Malo, on en compte également 1 seule depuis 1980 (Claire Wendling en 2000). Vous vous dites que le lauréat du Prix des libraires de bande dessinée (par Canal BD depuis 1990) doit mieux s’en sortir ? Pas de veine : aucune femme en vue ! Seul le Grand Prix RTL s’en sort un peu mieux avec 2 élues depuis 2004 : Catel en 2007 (Kiki de Montparnasse) et Camille Jourdy en 2009 (Roaslie Blum). Ouf...

    Est-une raison pour "changer" et enfin reconnaître les femmes : de toute évidence, il serait temps !

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 12 janvier 2016 à  16:43 :

      Bondoux (qui n’est tout de même pas le seul ni à organiser le Festival d’Angoulême ni à faire la sélection des nominés)

      Vous en êtes, vous qui êtes membre de l’Association du FIBD ? Tout cela est fait en cabinet restreint.

      mais aussi - étrangement - oublier que la plupart des AUTRES festivals bd français n’ont pas plus reconnu les femmes : le Grand Prix BD Boum de Blois (depuis 18998) n’a récompensé qu’une femme (Annie Goetzinger)... pas plus tard qu’en 2014 ! Du côté de St Malo, on en compte également 1 seule depuis 1980 (Claire Wendling en 2000). Vous vous dites que le lauréat du Prix des libraires de bande dessinée (par Canal BD depuis 1990) doit mieux s’en sortir ? Pas de veine : aucune femme en vue ! Seul le Grand Prix RTL s’en sort un peu mieux avec 2 élues depuis 2004 : Catel en 2007 (Kiki de Montparnasse) et Camille Jourdy en 2009 (Roaslie Blum). Ouf...

      Je crois que vous avez raté l’objet du débat. Il n’y avait AUCUNE femme dans les nominés. On parle du grand prix, là. C’est la ligne de défense du FIBD : on a des femmes dans la sélection. Oui, mais, aucune nominée dans les Grands Prix.

      Est-une raison pour "changer" et enfin reconnaître les femmes : de toute évidence, il serait temps !

      Là, les votants pourront corriger le tir, s’ils le veulent. A propos, à défaut de donnée publique sur les électeurs, qui a validé le mode de scrutin ? L’Association du FIBD ? Il y a-t-il un huissier pour garantir les votes ?

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      • Répondu par svecs le 13 janvier 2016 à  10:54 :

        surtout qu’un vote libre tel que celui qui est organisé me semble très difficile à contrôle de manière efficace. En voulant jouer la transparence, on se retrouve face à un mode de scrutin encore plus opaque et le dépuillement risque d’être long et fastidieux. Un fiasco de plus pour le festival.

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    • Répondu par Major Tom Orrow le 12 janvier 2016 à  19:45 :

      Et oui, avant de gagner, il faut au moins pouvoir participer ! Et vous devez savoir que c’est important !

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    • Répondu par Major Tom Ato le 12 janvier 2016 à  20:00 :

      Si on laisse les auteurs qui sont principalement des keums à 85% environ, si l’on se refère aux chiffres du rapport Ratier, voter en leur âme et con science, ils risquent de voter pour eux ou leurs copains. Ou alors le vote féminin risque d’être éparpillé entre Bretècher, Montellier, Claveloux, Goetzinger, Satrapi et Simmons (j’oublie volontairement les dessinatrices de blog : il faut quand même un vrai historique pour pouvoir prétendre à cette reconnaissance), et aucune ne l’emportera. Je propose donc à tous les votants de regrouper tous leurs votes sur celle qui a presque cinquante ans de carrière, et une vraie visibilité, notamment à Beaubourg en ce moment.

      Major Tom Ato (excusez ce pseudo débile qui permet toutefois de rendre hommage à la fois à David Bowie et Moebius, tout en conservant une valeur symbolique à ce légume sympathique)

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      • Répondu par LK le 12 janvier 2016 à  23:07 :

        85% d’hommes à voter, ils vont voter pour eux ou leurs copains ?
        Wait...
        Vous pensez qu’on va voter pour le grand prix, juste parce que c’est un copain ? Sérieusement ?

        Pour ma part, je vais voter pour "le mangaka le plus lu au monde" qui s’avère être une femme et qui a marqué de son empreinte l’histoire de la BD en explorant à peu près tous les genres... Je voterai donc Rumiko Takahashi.

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      • Répondu le 13 janvier 2016 à  16:20 :

        La tomate est un fruit.

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      • Répondu par kyle william le 13 janvier 2016 à  16:59 :

        Je voterai pour Kiriko Nananan qui est une très grande auteure et une des rares à proposer un graphisme singulier qui se distingue de la tendance à l’uniformisation du dessin dans l’industrie du manga. Par ailleurs et sans aucun rapport, les tomates sont des fruits, pas des légumes…

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