Le vieil homme s’est en effet fixé comme but de retrouver la tête d’Ataï pour la ramener parmi les siens en Nouvelle Calédonie, de rendre simplement justice à la mémoire des ancêtres. Telle est l’unique objectif de la quête du vieux Kanak.
Ce chef kanak, symbole de la résistance à la France, fut décapité par l’armée et sa tête a été perdue pendant plus de cent-vingt ans. Commence alors une quête fastidieuse au fil des rencontres qui va obliger Gocéné à faire preuve de patience et d’opiniâtreté pour retrouver celui qui incarne la mémoire de tout un peuple. Une enquête qui nous plonge dans les méandres de l’administration culturelle et l’univers des salles des ventes parisiennes. La relique a été au cœur de nombreux échanges secrets entre collectionneurs. Une quête qui pour le vieillard ne s’avèrera pas sans risque !
À mi-chemin entre vérité historique et fiction, cette suite de Cannibale déjà parue chez le même éditeur remet en scène le héros des livres de Didier Daeninckx dans les rues de Paris à la recherche des vestiges d’un passé « qui ne passe pas » !
Ce récit policier a pour cadre les exactions de la politique colonialiste française en révélant les imbrications entre passé et présent avec, en arrière-plan, la lutte pour l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie.
Didier Daeninckx a déjà procuré de savoureuses histoires à la BD, notamment à travers quelques albums remarqués comme : Carton Jaune ou Texas exil publiés chez Emmanuel Proust.
Cette nouvelle adaptation dessinée par Emmanuel Reuzé se lit agréablement et indépendamment du premier opus : Cannibale. La justesse et la finesse du trait du dessinateur contribue à rendre crédible une histoire soutenue par une mise en couleur efficace, toute en nuances restituant les ambiances contemporaines de manière crédible.
En revenant sur l’histoire rocambolesque de ce symbole de la lutte contre la colonisation et l’esclavage, les auteurs parviennent à dénoncer avec subtilité les travers d’un colonialisme qui n’a pas dit pas son nom et contribuent aussi à faire mieux connaître la culture Kanak. Le récit fonctionne à la manière d’un thriller politique mais sans excès. C’est plutôt un acte militant dans le bon sens du terme, rendant la lecture de cette histoire passionnante et... pédagogique.
Ironie de l’histoire : la réalité a rejoint la fiction puisque la tête d’Ataï a réellement été retrouvée dans les réserves du Musée de l’Homme durant l’été 2011.
(par Patrice Gentilhomme)
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