Une banlieue presque ordinaire, avec au milieu de la cité, une roulotte branlante abritant deux clowns fatigués. Leurs spectacles pèchent par manque de moyens, mais ils apportent un peu de joie aux habitants. Surtout à Djin, gamin de 8 ans qui s’est pris d’affection pour Grocko, le plus mélomane des deux. Mais le jour où la mère d’un enfant abat sous ses yeux le clown dans un accès de folie, Djin perd l’usage de la parole.
Il revient un an plus tard, avec son oncle et sa tante, toujours muet. Un nouvel arrivant débarque aussi : un curé venu ranimer l’église locale, fermée depuis dix ans. Avec son look de Jésus-Christ grisonnant, il fait son effet, d’autant plus que son discours est particulièrement mesuré. Mais l’église est squattée par des dizaines de SDF et la police décide d’intervenir. S’ensuit alors un déchaînement de violence sauvage.
C’est dans le cadre d’un travail d’enquête lié à la série Le Pouvoir des innocents que les auteurs ont passé deux semaines en banlieue. Ils ont été marqués par les conditions de vie des habitants, par leurs récits, la dégradation des immeubles... et ont décidé d’en faire le centre d’une future BD. Ici, on échappe aux caricatures : le journaliste local n’est pas cynique et se trouve bien accepté par tous ; les jeunes aident le curé à porter ses valises ; les communautés cohabitent sans haine.
L’intrigue, dans ce premier de trois tomes, lance des pistes complexes : le curé semble là pour des raisons sans grand rapport avec le message divin ; le jeune Djin apparaît, malgré son mutisme, au courant de nombreux faits locaux...
L’album est long, 60 planches, et comporte des dialogues très denses. Le tout rythmé sans le moindre texte narratif, conformément à l’écriture ultra-cinématographique de Luc Brunschwig. Les transitions s’avèrent particulièrement abruptes et il n’est pas toujours aisé de suivre le fil. Laurent Hirn décrit en finesse, d’un trait élégant et subtil, ce monde cafardeux et sans espoir. Il capte parfaitement les expressions des visages.
Le Sourire du clown se place résolument dans une veine réaliste urbaine, mâtinée de roman noir. Le sourire est rarement de mise, et les clowns ne sont pas forcément ceux que l’on croit.
(par David TAUGIS)
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