"Tout individu serait lié à n’importe quel autre sur Terre par une chaîne de connaissances personnelles composée tout au plus de cinq maillons." C’est ce qu’énonce le Théorème de Karinthy, du nom de son concepteur le hongrois Frigyes Karinthy (1887-1938). Au début des années 1980, la police fédérale allemande se sert de ce théorème pour retrouver la trace de terroristes vivant depuis des années dans la clandestinité.
Dans cet album, nous suivons Otto, policier de son état, qui va infiltrer les milieux d’extrême-gauche de Berlin-Ouest afin de remonter la piste de Martin, un activiste recherché depuis longtemps.
Partant sur une trame narrative proche du polar, les auteurs vont nous dépeindre une reconstitution minutieuse de Berlin-Ouest en 1981. À cette époque, la ville est bien sûr encore divisée, séparée par le mur construit par les Soviétiques ; les idéologies s’affrontent... Qui plus est, Mai 68 est passé par là et la Révolution tardant à se concrétiser à l’Ouest, certains groupes contestataires se sont radicalisés pour entrer dans la lutte armée.
À Berlin-Ouest cette année-là, le gouvernement doit faire face au mouvement pacifique et celui des squatteurs. Le groupe de Martin projette d’enlever rien moins que le ministre de l’Intérieur...
Le rythme de l’écriture, découpée en huit chapitres, tient le lecteur en haleine jusqu’au terme de l’histoire (qui pourra malgré tout se poursuivre éventuellement). Plus qu’un Polar, Le Théorème de Karinthy pose une réflexion sur les idéologies de l’époque : marxisme, capitalisme...
Le graphisme de Jörg Mailliet est original, mêlant une sorte de réalisme, fait de précision dans les détails et dans les décors, avec des personnages plus caricaturaux. La mise en couleurs, réalisée par l’auteur, ajoute de l’épaisseur à l’ensemble.
Alors que l’on va bientôt fêter le quart de siècle de la chute du mur de Berlin et par là-même la fin de la Guerre Froide, cet album nous replonge dans l’atmosphère tendue de cette ville hautement symbolique. La curiosité, c’est que le fameux mur n’est ici jamais montré, mais ô combien présent...
(par François Boudet)
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