Le Troisième Testament – Julius IV – Par Alex Alice, Thimothée Montaigne et François Lapierre – Glénat

Avant de nous attarder sur cette nouveauté, faisons un petit mais nécessaire retour en arrière. En 1994, sortait le premier tome du Troisième Testament, une série qui allait rapidement entrer dans la légende du catalogue Glénat en dépit du fait qu’elle soit signée par deux auteurs inconnus (Alex Alice et Xavier Dorison). Le scénariste de ce Troisième testament mêlait des genres encore peu courants dans la bande dessinée d’alors : un ésotérisme appuyé sur des récits apocryphes qui se trouvait doublé par une intrigue à suspense faite d’une course-poursuite haletante à travers divers pays, jusqu’à une conclusion étonnante.

Mené tambour battant et avec un souci de minutie grandissant, chacun des albums était une réussite. Le public sut patienter entre deux chacun des volumes, vu la qualité de ce qui lui était délivré. Lorsque le rideau tombe sur la mini-série en 2003, on peut croire que la messe est dite, les deux auteurs se trouvant définitivement installés dans l’Olympe des grands créateurs de leur époque.

Mais, dans l’intégrale parue en 2007 qui replaçait opportunément la série en librairie, les premières pages de Julius annonçaient une suite, lançant un suspense qui devait durer trois ans, Alex Alice et Xavier Dorison nous promettant de s’attaquer aux origines du prophète Julius de Samarie, source du fameux Troisième Testament. L’objectif est de dévoiler au lecteur qui fut le fameux prophète, et comment il entra en possession du fameux document, sans en prendre connaissance.

Cette "Antésuite" nous entraîne dans une révolte de Juifs quelques années après la crucifixion du Christ. Condamné pour une tentative de complot, un général romain, Julius Publius Vindex, et sa fille se retrouvent parmi lescontestataires et font la connaissance d’un jeune juif qui s’avère être... le jeune frère de Jésus ! .Ces deux ennemis par nature, Julius et ce Sar Ha Sarim, ainsi que quelques autres partent à la recherche de la parole de Dieu, qui se trouveraient loin à l’Est. Mais une mystérieuse bande de cavaliers noirs se lance à leur poursuite, leurs atours sont reconnaissables par les lecteurs du Troisième Testament.

Si la participation de Dorison est bien mentionnée sur chaque album, c’est cependant bien Alex Alice qui a pris le rôle de chef d’orchestre de cette nouvelle série : en plus du scénario, il réalise le storyboard et les couvertures. Quant au dessin, le premier tome fut réalisé par Robin Recht mais, afin de maintenir une régularité de parution, Alex Alice le remplace par Thimothée Montaigne dès le deuxième opus. Pour la même raison, ce même second tome de la tétralogie fut coupé en deux albums de 48 pages.

À la fin du troisième tome (et donc à la moitié de la série), le bilan de cette Antésuite s’avérait concluant : même si on ne retrouvait pas l’ésotérisme étrange des débuts, les énigmes et les rivalités entre les différentes factions dans cette recherche d’un secret qui pourrait détruire le monde chrétien, l’arrivée du fantastique, la foi qui vient éclairer l’élu et le dynamisme du trait de Montaigne permettaient de hisser la série à un bon niveau.

Restait à savoir comment allaient évoluer les deux protagonistes principaux du récit, l’ex-général romain Julius et ce messie dont les sentiments sont partagés entre son affection pour son frère Jésus, les attentes du peuple, et sa propre difficulté à choisir son destin.

Ce quatrième opus continue de nous montrer ces deux hommes progressant dans une voie opposée à leur nature profonde, en miroir. De général romain, Julius devient prophète et enseigne la sagesse face aux événements, tandis que l’ex-messie juif s’est transformé en meneur d’une révolution guerrière contre l’envahisseur venu de Rome. Mais les deux hommes doivent se retrouver, car Julius pense que seul Sar Ha Sarim est digne d’ouvrir et de lire ce qui a été écrit et donné au sommet de l’Himalaya : le Troisième Testament !

Après les deux albums de 48 pages, les auteurs reviennent dans un format plus dense de 64 pages. La mise en scène est variée et à la hauteur de ce récit éminemment épique, les grandes scènes graphiques sont aussi puissantes que les différents personnages sont bien caractérisés (bravo, Timothée Montaigne !), le rythme est constant, vraiment, on ne s’ennuie pas !

En revanche, il faut constater que Julius ne déchaine pas les passions que nous avons connues avec Le Troisième Testament. Parce que la série se focalise surtout sur la personnalité de deux hommes hors du commun, pris au piège entre les remous de la vie et les besoins de la foi ? Même si les dernières pages de cet épisode livrent quelques réponses, il y manque la tension d’un enjeu qui tient le lecteur en haleine en oubliant le temps qui passe...

"Comparaison n’est pas raison", dira-t-on avec raison : Alex Alice nous avait déjà averti que la série Julius serait "d’un genre totalement différent" par rapport au Troisième Testament. Néanmoins, lorsque ce titre référent trône au centre de la couverture, le lecteur pourrait s’attendre à y retrouver les ingrédients de ce qui l’avait précédemment captivé. Alors qu’il ne reste plus qu’un seul album pour clôturer l’intrigue de ce nouveau cycle et que le dernier tome de la première série se terminait en grandes pompes, ce final est en deçà des espérances.

Pour les amateurs, signalons encore deux informations intéressantes :

 si vous n’avez pas de vous-mêmes réalisé un certain rapprochement entre les deux séries, nous vous déconseillons d’aller lire le résumé de ce tome sur le site de Glénat, ou celui repris par différents vendeurs sur Internet : SPOILER !

 Notons également que le nouveau journal du Château des Étoiles réalisé par Alex Alice vient de paraître chez Rue de Sèvres regorge de très belles références à Jules Verne et aux dessins animés. Cette belle aventure en grand format profitera encore deux nouvelles publications en juin et juillet. De quoi passer de beaux moments d’été en rêvant à la Lune...