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Le cœur de la BD mondiale touché par la tragédie de Fukushima

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 17 mars 2011                      Lien  
Les mangas représentent près de 30% du marché de la BD en France et le Japon est le 1er producteur de BD au monde. La tragédie de Fukushima nous touche, forcément. Culturellement d’abord, car les Français sont en empathie avec cette nation dont ils lisent assidument les livres depuis 20 ans. Mais aussi économiquement car, entre les annulations et les reports, la situation est profondément perturbée.

L’image est symboliquement forte : Sur sa page Facebook, le scénariste Jean David Morvan qui habite à Tôkyô publie la photo d’Astro Boy, le charismatique personnage d’Osamu Tezuka (en médaillon de notre article). Suite au tremblement de terre d’une magnitude jamais atteinte au Japon, il a lourdement chuté… et perdu la tête, un peu à l’exemple du citoyen lambda, qu’il soit japonais ou français d’ailleurs, qui vit là-bas ou qui a des amis dans les zones sinistrées, et qui ne savent que dire, que faire…

Une situation dramatique

Depuis plusieurs jours, les amis de JD Morvan suivent ses pérégrinations de Tôkyô à Kyoto, en route vers l’aéroport qui le ramène en France. Chacun y va de son interrogation pour recouper les infos « officielles », celles des « con-menteurs » comme dit Morvan, avec celles recueillies sur le terrain.
« Croyez-moi, témoigne Françoise Morvan, la maman du scénariste, nous vivons dans l’angoisse permanente en tant que parents depuis le séisme et les blablas télévisés ne nous rassurent pas quant à la facilité des retours vers la France, car nous vivons cela en direct depuis ce pays que nous aimons tant. Merci facebook, merci Internet, merci Viber merci Whatsapp de nous permettre ces liaisons. »

Le cœur de la BD mondiale touché par la tragédie de Fukushima
La triple tragédie : temblement de terre + tsunami + catastrophe nucléaire va affecter considérablement l’archipel.
Photo :JD Morvan

L’angoisse est palpable. Pour beaucoup d’étrangers, c’est « sauve qui peut ! ». Pour les Japonais qui ont femme et enfants sur place, de la famille, des amis, cette fuite est impossible. Karyn Poupée, la correspondante de l’AFP à Tôkyô poste sur Twitter : « Je reste à Tokyo et cela ne m’angoisse pas. Aucunement l’intention de rentrer en France. »

Le lundi 14 mars, JD Morvan écrit sur sa page Facebook : « Je suis dans le train et le réacteur 3 vient d’exploser. Je m’éloigne. » Takanori Uno, correspondant au Japon des éditions Tonkam, scotché à Tôkyô à cause de sa famille et de son travail, temporise : « C’est l’enceinte extérieure qui a sauté, comme ce fut le cas pour le 1. Il semble que le cœur est indemne et pas de taux de radioactivité détecté, pour le moment… » JD Morvan réplique de façon cinglante : « Takanori, je t’adore mais tu n’as plus l’âge de croire au Père Noël... On peut vraiment faire croire à des gens que c’est normal une enceinte de réacteur qui explose ? Avec en plus [une réplique de magnitude 7] probable à 70%... » Ambiance…

La plupart des étrangers sont sur le départ
Photo :JD Morvan

Mentalement « préparés » ?

Les amateurs de mangas connaissent plutôt bien les effets d’un séisme, d’un tsunami et même des radiations atomiques : «  Ma mère décéda à l’âge de 60 ans. Quand nous avons incinéré son corps, Elle n’avait plus d’os. J’ai pensé que le rayonnement de la bombe atomique avait détruit jusqu’à sa matière osseuse. Cela m’a révulsé. Je décidai aussitôt de faire une BD qui raconte la bombe. La BD est un média idéal pour pratiquer ce type de témoignage car le caractère immédiat de sa lecture en permet un accès facile à quiconque » nous témoignait Keiji Nakazawa, l’auteur de Gen d’Hiroshima, dans une interview exclusive à ActuaBD en 2003.

Dans un dossier en quatre parties intitulé, « La Bombe en héritage » réalisé au moment de la date-anniversaire des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, nous avions consacré une suite d’articles sur la « peur du nucléaire », un thème très présent dans les mangas. La presse n’a pas manqué de le rappeler ces temps-ci. Mais il est clair que, confrontées aux faits, ces fictions ont tout à coup une autre ampleur.

Des conséquences économiques

Bien sûr, ce cataclysme aura des conséquences sur l’économie du premier producteur mondial de bande dessinée. La Tokyo Anime Fair qui devait avoir lieu le 24 mars est annulée. Il est vrai que cette édition s’annonçait houleuse en raison d’un boycott organisé par un groupe d’une dizaine d’éditeurs de mangas dont Kadokawa Shoten, Shûeisha, Shôgakukan ou encore Kôdansha en réponse à un durcissement de la loi relative aux publications accessibles aux mineurs. « …De nombreux rassemblements autour de l’animation et du manga ainsi que des concerts qui devaient se dérouler dans les prochaines semaines ont été en très grande partie annulés ou transformés en rendez-vous de charité » nous signale Total Manga

Les éditeurs de BD, comme Shueisha, déclarent que « la situation est maîtrisée » mais que les activités journalières pourraient être ralenties. La diffusion des journaux est néanmoins dans le marasme complet en raison de la déstabilisation des chaînes de production dues aux absences d’employés partis au secours des familles, et d’une pénurie de carburant empêchant la distribution. L’impact économique sera considérable. Certains éditeurs français, comme Akiba Manga annoncent de « probables perturbations. »

Dessin de Yllya pour le site de soutien "Tsunami - Des images pour la Japkn" lancé par JD Morvan et Sylvain Runberg.
(C) Yllya

Manifestations de soutien

Les manifestations de soutien, comme celle de Jean-David Morvan et Sylvain Runberg se multiplient.

Du côté de Japan Expo, dont les responsables ont dû repousser à plus tard un voyage dans l’archipel, on considère qu’il est trop tôt pour évaluer un impact sur la manifestation-phare du manga en début juillet. Mais on nous signale qu’il y aura sans doute prochainement l’installation d’une « chaîne de solidarité » pour aider les victimes qui se traduira par des dons à des entreprises humanitaires dédiées et sans doute de nombreuses manifestations de soutien et de recueillement lors du festival.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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